Poitiers, 27 mai 2001

Actes 7:55-60
Apo 22:12-20
Jean 17:20-26

Ah ! Les temps et les moments ! Le passé, le présent, l'avenir !
Les hommes, et les croyants aussi, éprouvent le besoin de marquer les temps, de rythmer l'écoulement de la vie, par des fêtes, des anniversaires, des célébrations.
Le christianisme a une grande fête, la seule vraiment importante, qui marque le rythme hebdomadaire, le dimanche, le jour du Seigneur. C'est un jour qui résume tout le salut, c'est le jour qui nous rappelle la résurrection, qui nous rappelle ce premier jour de la semaine où la victoire sur la mort devient manifeste. C'est le jour où la communauté se rassemble pour louer Dieu pour ce qu'il est et pour son salut gratuit. C'est le jour où ensemble nous recevons du Seigneur les encouragements et les exhortations pour repartir dans le monde, pour repartir vivre l'amour de Dieu au milieu de l'humanité.
Mais les chrétiens ont choisi durant leur longue histoire de marquer aussi le rythme annuel par des fêtes qui sont un rappel des moments du salut. L'Avent puis Noël, qui rappellent la venue du Christ sur la terre. Jusqu'à Pâques, nous revivons ensuite les quelques années de sa vie terrestre. Pâques nous permet de nous rappeler sa Passion, sa mort et sa Résurrection, Pentecôte nous rappelle l'envoi sur l'Eglise de l'Esprit Saint. La période restante est celle de l'Eglise, où nous cherchons ce que Dieu attend de son Eglise. A la fin de cette période, juste avant l'Avent, nous partageons l'espérance du retour du Seigneur, d'une autre venue. Et puis avec la célébration de l'attente, le cycle recommence. C'est la période de l'Avent.
Dans ce calendrier annuel, nous nous situons aujourd'hui dans la période aussitôt après l'Ascension, juste avant Pentecôte. Le Seigneur est parti rejoindre son Père après la résurrection, après s'être manifesté à ses disciples. Alors seulement, l'Esprit pourra être envoyé et inspirer la vie de toute l'Eglise. Et cela aurait pu s'arrêter là. Ad vitam eternam. Mais ce n'est pas le cas.

La foi de l'Eglise, depuis les origines, affirme que le Seigneur reviendra, que ce retour sera glorieux et manifeste. Cette certitude s'est construite à partir du témoignage du Nouveau Testament, et pas uniquement du texte de l'Apocalypse, mais à partir d'un nombre non négligeable de textes divers des Evangiles et des Epîtres.
Quant à l'Apocalypse, au cours de l'histoire de l'Eglise, il a reçu des interprétations variées. Soit ce qu'il raconte par images et symboles est interprété comme se rapportant à l'histoire des débuts de l'Eglise Chrétienne. On l'a aussi interprété comme se rapportant à chaque moment de l'histoire de l'Eglise. Plus classiquement, le livre est interprété comme un recueil de prophéties touchant à la fin des temps, à l'époque du retour du Christ. Ou bien, le livre est compris comme une illustration de l'ensemble de l'histoire humaine racontée par l'Ancien Testament s'accomplissant à la Croix, comme noeud de cette histoire, qui est aussi celle du salut.

Une sage compréhension des textes qui parlent de ce moment du retour encore à venir est d'appuyer l'interprétation des textes peu clairs par ceux qui sont clairs. Construire une théologie sophistiquée sur des suppositions de sens paraît peu sage. Poser des interprétations sur les temps de la fin, une eschatologie, comme des thèmes essentiels, comme des éléments théologiques fondamentaux, en faire des critères de vérité, et donc de communion, c'est renier la prière que Jésus a faite avant d'être livré.
Alors, je ne vous parlerai pas de détails concernant cette époque attendue. Je ne vous parlerai pas de la succession des événements comme les uns ou les autres les comprennent. Je ne vous parlerai surtout pas de dates ou d'estimation de dates basées sur des calculs savants. Le travail du théologien n'est pas de savoir où, quand ou comment, mais bien d'affirmer la venue ultime du Seigneur.

Notre époque, pas moins que les autres, est friande de dates, de prophéties, de quête de l'avenir, d'horoscopes et autres numérologies. Ce vide, ce manque de certitude caractérise la nature humaine qui cherche à calculer, à deviner pour se rassurer. Pourquoi l'Eglise rentrerait-elle dans le système ?

Ce jour du retour, ce jour de la fin, est aussi annoncé comme un jour de jugement. Oh, le grand mot ! Comment Dieu dans son amour pourrait-il condamner ? Cette idée paraît choquante à beaucoup de croyants contemporains. Je ne me prononcerai pas ce matin. Je rappellerai cependant que le Nouveau Testament contient beaucoup de passages laissant comprendre qu'il y aurait un tel jugement, mais il contient aussi certains passages pouvant indiquer un salut pour tous.
Je vais retourner la question, en rappelant l'épisode de la mise à mort d'Etienne que nous venons de lire. Au moment où Etienne raconte sa vision de la gloire de Jésus, les personnes présentes ont comme seule réaction de refuser cette vision, et de lapider Etienne. Croyez-vous que la vue de Jésus revenant glorifié susciterait une attitude différente ? On le souhaiterait. Le salut de Dieu suppose un renoncement à une tentative de salut par soi-même. Où en sont nos contemporains ?

Mais pour les croyants, pour ceux qui ont placé leur vie, leur salut en Jésus-Christ, en sa mort et sa résurrection, pour ceux-là le retour est une espérance. La justification par grâce est leur assurance. Ils savent que l'amour de Dieu est acquis. Cette certitude est pour eux le moteur de la persévérance. Cette foi qui les conduits leur permet de vivre dans l'attente sans s'endormir, en témoignant, en luttant, en vivant de cet amour de Dieu qu'ils ont reçu, en le partageant, en paroles et en actes. Il reviendra, c'est une certitude. Maintenant, demain, dans un siècle, ou plus tard, là n'est pas l'important. Le salut est sûr. La venue manifeste et visible aussi. Voilà pour l'espérance de l'Eglise. Voilà pour l'espérance des croyants.

Et pourtant, en lisant ce texte, ce n'est pas là que m'est apparue la pointe pour aujourd'hui.
Elle concerne plutôt notre vie présente. L'invitation, l'appel fait à Jésus est fait maintenant, par la communauté et par chacun : Viens Seigneur Jésus. Si nous sommes présent ici, c'est donc que Jésus n'est pas un inconnu pour nous. Qu'une rencontre avec le Ressuscité a sans doute déjà eu lieu dans nos vies.
Une bonne théologie nous dit que c'est l'Esprit qui agit en nous, que c'est lui qui nous emplit et nous conduit dans la vie de croyant. Mais Jésus nous parle aussi de l'inviter lui chez soi, de lui ouvrir la porte. La voilà donc cette invitation placée devant nous.
Allons-nous lui dire franchement, ouvertement, avec chaleur : Viens Seigneur Jésus. Tu peux venir, je t'accueille ?
Ou peut-être : Je t'ai déjà accueilli. Mais voilà, la vie passant, ta place s'est faite un peu plus petite. Il se peut que je ne t'ai même plus laissé de place. Ce matin, l'invitation est là. Accepterons-nous qu'il vienne, qu'il prenne la place occupée par tous un fatras d'intérêts, de soucis, de passions, toute la place ? Accepterons-nous que cet amour qu'il veut partager soit aussi celui que nous voulons partager ? C'est une chose qui regarde chacun, chacun là où il en est. Jésus reste là, à la porte. Il attend l'invitation.

Ou alors, peut-être, tu es venu ce matin, pour entendre parler plus précisément de quelqu'un, de quelque chose, dont tu penses confusément qu'il peut t'aider. Pour toi aussi il est là. Il attend l'invitation. Tu n'as pas de préparatifs à faire. Simplement l'accueillir. Comme tu es. Le recevoir. Et puis l'écouter, le laisser parler, le laisser remplir ta vie, le laisser la transformer.

Et encore, cette parole d'invitation peut être dite en choeur. La promesse existe : Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux. Alors, en tant que communauté rassemblée, ce matin, allons-nous ensemble l'inviter à participer à notre louange du Père ? Allons-nous lui donner cette place centrale dans notre célébration, que symbolise la croix au-dessus de la chaire ?

S'il est celui qui vient bientôt, il est aussi celui qui vient toujours, il est celui qui frappe à la porte. Pour pouvoir l'accueillir, à la fin, il faut déjà l'accueillir aujourd'hui. Que celui qui entend dise : Viens ! Que celui qui a soif vienne, que celui qui veut, prenne de l'eau de la vie, gratuitement !

Pour marquer l'invitation que l'Eglise de tous les temps et de tous les lieux fait à Jésus, j'invite ceux qui le souhaitent m'aider à afficher cette parole, Viens Seigneur Jésus, en plusieurs langues.

Et puis je vous invite à reprendre avec moi cette invitation à voix haute : Viens Seigneur Jésus !
Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec tous !
Amen.

(Philippe Cousson)

Retour