16 avril 2000, Poitiers (Rameaux)

Esaïe 50:4-7
Philippiens 2:5-11
Marc 11:1-10

C'est donc aujourd'hui la fête des Rameaux.
En interrogeant nos contemporains dans la rue on aurait sans doute des réponses bizarres, si on leur demandait ce que signifie cette fête, qui même parfois pourrait être mise sur le même plan que la Toussaint.
Mais, nous qui sommes ici ce matin, nous savons bien ce que signifie cette fête, n'est-ce pas ?
Elle commémore un épisode de la vie de Jésus, celui que l'Eglise reconnaîtra comme le Christ.

Il arrive à la fin de son ministère, au moment où tout va s'accomplir, les prophéties de la Bible et la manifestation du salut de Dieu. Il lui reste moins d'une semaine à vivre. Après son ministère de 3 années, il marche vers Jérusalem où l'attendent la croix et la résurrection. Il est toujours entouré de ses apôtres, de nombreux disciples engagés à des degrés divers, et d'une foule qui ne le quitte pratiquement plus.
De plus, la Pâque juive approchant, de nombreux pèlerins vont aussi à Jérusalem, au Temple, pour y célébrer cette commémoration de la sortie d'Egypte, de la libération de l'esclavage.

Parce que le peuple, les disciples, les apôtres, Jésus, tous connaissent bien leur Bible, notre Ancien Testament, leur histoire, tous ces récits où on trouve des tas de figures, de symboles, d'images à interpréter. On en trouve dans ce texte un certain nombre, qui sont autant de rappels à l'histoire du peuple. Et j'ai dû en oublier quelques uns.
Prenons par exemple : l'ânon. Il se retrouve dans Zacharie 9:9 : "Sois transportée d'allégresse, fille de Sion! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem! Voici, ton roi vient à toi; Il est juste et victorieux, Il est humble et monté sur un âne, Sur un ânon, le petit d'une ânesse." Jésus est reconnu comme le roi vainqueur, qui annoncera la paix aux nations, et qui dominera d'une mer à l'autre.
Ou encore : les vêtements jetés, la sorte de tapis rouge que la foule fait à Jésus. On retrouve cet épisode quand Jéhu prend le pouvoir dans le Royaume d'Israël et détruit la famille d'Achab en 2 Rois 9:13. Jéhu, oint par Elie, était aussi un sauveur, qui a éliminé la dynastie de l'idolâtre Achab et de Jézabel. Jésus est aussi considéré comme le sauveur, qui va extirper ces Romains païens de la ville sainte.
Ou encore : les branchages que l'on agite et que l'on jette. On les retrouve à la fête des Tabernacles, fête des récoltes, où, purifié de ses péchés, on chantait les louanges de Dieu, habitant pendant 7 jours sous une tente ou une hutte de feuillage. En louant Dieu, on agitait des branchages. On retrouve aussi les branchages, ainsi d'ailleurs qu'une fête des Tabernacles et une purification du Temple au moment de l'entrée à Jérusalem de Simon Macchabée. Cet événement rapporté dans les livres deutérocanoniques était connu des juifs en ce temps là. Ce prêtre avait chassé les Grecs profanateurs de la ville, avait purifié le Temple. On voit encore ce que la foule pense.
Et la foule crie : Hosanna ! C'est le cri de demande du salut. Et c'est aussi un cri qui était lancé à cette même fête des Tabernacles, et qu'on retrouve dans le Psaume 118 au v. 25. Et dans ce que crie la foule, il y a aussi le verset qui suit dans le Psaume.

Jésus est alors chanté, crié, acclamé comme roi, comme sauveur, comme le messie qui vient délivrer le peuple du joug de l'occupant.
Oui, mais voilà, 5 jours plus tard, cette même foule va demander sa crucifixion. C'est qu'il y a eu maldonne. Il ne s'est pas produit ce qui était attendu. L'espérance messianique des disciples, de la foule, du peuple, rempli des Ecritures, a été déçue. Jésus n'avait pas refusé les acclamations, mais il n'a pas apporté ce qui était espéré. Le peuple s'est senti trahi, il a honni ce qu'il avait encensé.

Et pourtant Jésus est bien Roi, Messie, Sauveur, Dieu. Mais voilà, comme le dit cet hymne de l'église primitive que Paul reprend dans son épître aux Philippiens, il est venu comme un simple homme, il est resté un humble serviteur. Il a poussé son amour jusqu'à la croix. Et alors, Dieu l'a élevé. Dieu l'a glorifié. Et les louanges pourront alors venir, et de toute la terre, vers ce sauveur humble, ce roi obéissant, ce Messie aimant.

Je vais encore revenir sur ce texte. En le reprenant, on peut remarquer l'importance des mouvements, des verbes de mouvement.
Le groupe s'approche de Jérusalem. Les disciples vont au village. Ils amènent l'ânon à Jésus. Il y a ceux qui précèdent et ceux qui suivent. Et il y a le Règne de Dieu qui vient.

Tout bouge, l'Evangile est mouvement. Mais attention, l'Evangile ne tourne pas en rond ! Il ne revient pas sur lui-même. Le mouvement est dirigé vers un lieu, il est orienté vers des personnes. Mais, et c'est très important, c'est un mouvement réciproque. Le Règne de Dieu aussi vient vers les hommes. S'il est possible de marcher vers le Royaume, en compagnie du Christ, c'est bien parce que le Royaume vient, parce qu'il s'est approché. C'est bien parce que le Christ est venu.
Et de plus, vous savez que le prix de la course, que la gloire, n'est décernée au vainqueur qu'après la course, une fois le but atteint. La course de Jésus, arrivant à sa conclusion, n'était pas encore achevée. Et notre course à nous non plus n'est pas encore achevée. N'attendons pas de couronne. Pas encore. Nous sommes encore loin.

Notre église, l'Eglise chrétienne sur la terre, est confrontée à un problème, quand elle cherche à transmettre sa foi, ce qui la fait vivre et le met en mouvement. Est-ce que les attentes, les espérances, les soupirs de nos contemporains correspondent à ce qu'apporte l'Evangile ?
Je vais tenter en vrac de comparer quelques éléments.
Après les besoins vitaux, manger, se reposer, on attend confort et sécurité, on attend plaisirs et sensations. Qu'ils soient nantis ou miséreux, le plus souvent, ce sont ces seules attentes là qui sont manifestés. On ne peut pas vraiment dire que ce soit ce que l'Evangile a promis. Il n'est donc pas surprenant que l'annonce de l'Evangile n'atteigne que difficilement ceux qui nous environnent.
Le problème est donc ainsi formulable :
Il s'agit à la fois d'éviter de répondre à des questions que nos contemporains ne se posent pas, et d'éviter en même temps de dénaturer l'Evangile en voulant se contenter de répondre aux attentes humaines.
Jésus n'est pas entré dans le jeu de la foule, qui voulait en faire un roi libérateur et un bienfaiteur, leur roi libérateur, leur bienfaiteur.

Dans le fonctionnement de toute communication humaine, il y a besoin pour être efficace d'une part de séduction.
Mais attention, la séduction n'a pas beaucoup à voir avec l'amour véritable. La séduction est intéressée. Elle poursuit un but. L'amour n'est pas intéressé, il n'y a pas de but caché derrière lui. Séduire c'est toujours un peu se vendre. L'amour est gratuit et se donne.
Jésus n'est pas venu pour séduire les hommes, il est venu pour les sauver. Il n'est pas venu pour être le roi de cette foule, telle qu'elle était, et telle qu'elle souhaitait rester, sûre de son droit.

Le fait qu'un homme soit heureux ou malheureux ne le conduit pas nécessairement à se poser les bonnes questions sur lui-même, sur le monde. Il y a en fait celui qui se sait en perdition, et celui qui se croit sauf, celui qui n'attend plus rien de la vie et celui qui réclame pour lui-même.
Et à chacun de ceux-là Jésus a des choses à dire. A chacun de ceux là, l'Eglise a des choses à dire.
A l'un il dit : je suis venu, je reste avec toi, tu comptes pour moi, oui, c'est vrai, tel que tu es, tu comptes pour moi, Dieu t'a vu, Dieu te regarde, Dieu t'aime. Alors regarde à lui, regarde aux autres. Tu n'es pas perdu, va !
Al'autre il dit : tu te trompes toi-même, cesse de regarder à toi, à ce qui te concerne, cesse de te confier en toi, en ta force, en tes luttes, regarde à Dieu, regarde aux autres. Et alors, tu verras où tu en es, ce que tu es. Et là tu comprendras qui je suis, ce que je suis venu faire. Tu verras que tu étais en train de te perdre. Maintenant, va !

Oui, Jésus n'est pas venu pour être le roi, qui accompagne ceux qui l'acclament et abonde dans leur sens. Il est venu pour être le serviteur humble, celui qui offre sa vie, celui qui efface les taches de l'existence, celles que l'on croyait indélébiles. Il est venu manifester l'amour, pour que l'on vive cet amour, pour que l'on vive de cet amour et par cet amour et pour cet amour.

Et alors, plein d'amour pour les autres, et alors plein d'amour pour lui, nous pourrons comme toute la terre, comme toute langue, le louer, louer Dieu, et nous mettre en chemin.

Amen.

(Philippe Cousson)

Retour