Poitiers, 29 décembre 2013

Ephésiens 2:1-10

Chers frères et soeurs en Christ,

nous approchons d’une date qui est habituellement le moment des bilans et des résolutions, le moment où on regarde un peu en arrière vers l’année finissante et en avant vers celle qui s’annonce.
Le regard en arrière est une analyse de notre vie durant cette année. On essaye de discerner ce qui fut pour nous des échecs ou des réussites, on traque les différentes choses qu’il faut changer. On cherche les personnes avec lesquelles il serait peut-être bon de rétablir des relations plus cordiales. On essaye de repérer les endroits où on a été absent et où il faudrait tout de même être présent dans les mois à venir.

Bien. Tout ceci est souvent présenté dans les magazines de la saison, avec des trucs même parfois.
Mais, ce que j’aimerais, c’est que le bilan fait ce matin, ou envisagé ce matin, que ce bilan concerne non pas notre vie en général, mais bien notre vie chrétienne. Le bilan de notre vie chrétienne.

Mais, voilà, pour faire ce bilan de notre vie chrétienne, encore faut-il savoir de quoi il s’agit. La vie chrétienne, c’est quoi ? A quoi cela correspond-il pour chacun d’entre nous ? Est-ce la vie spirituelle ? Une spiritualité, mystique peut-être ? Où alors est-ce la qualité de notre présence au monde ? Ou de notre retrait du monde ? Quels critères trouver ?

On peut par exemple essayer de mesurer notre attitude morale. Il y aurait un outil possible, ce serait de reprendre toutes les paroles d’envoi, toutes les “volontés de Dieu” des cultes auxquels nous avons participé. On pourrait les lister, et cocher : ça j’ai réussi à le faire, à le vivre, ça j’ai échoué, je n’en ai pas été capable, pour telle ou telle raison, bonne raison très certainement. Qu’est-ce que j’ai accompli, qu’est-ce que j’ai manqué ?

Pourtant, cet étalonnage de la vie chrétienne ne me paraît pas pertinent.
Je repose la question : Qu’est-ce que la vie chrétienne ? La réponse est en fait dans la question, dans le dernier mot. La vie chrétienne, c’est une vie en relation avec le Christ, en relation avec Dieu. On peut alors essayer de savoir où en est notre relation à Dieu, à Jésus-Christ.

Le passage de l’épître aux Ephésiens va nous aider à y répondre.
C’est un des textes où Paul nous présente le salut par grâce. Il est construit sur un certain nombre d’oppositions. Je vais en relever quelques unes.
La mort, v.1 et la vie v.5. La mort c’est la soumission à la volonté de la chair, c’est l’esclavage des convoitises, c’est la dépendance aux courants et aux tendances, c’est l’emprise de la rébellion et de la colère. La vie, c’est celle qui nous est rendue par la grâce, c’est la vie avec Christ, c’est la vie retrouvée avec la miséricorde et l’amour de Dieu. C’est la libération des esprits et des aliénations.

La vie et la mort sont rapportées toutes les deux au même verbe marcher, au v.2 et au v.10.
Autrefois, vous marchiez, nous marchions, dans l’époque, l’ère, de ce monde-ci, de cet univers-ci, de ce cosmos-ci, de ce monde d’apparences, dans la mort en fait.
Mais voilà qu’est annoncée une époque, une ère, un monde à venir, où nous verrons, ou nous vivrons l’infinie richesse de sa grâce, de sa bonté.
Et c’est alors que nous allons marcher dans la vie, dans les oeuvres bonnes préparées par Dieu. Ces oeuvres où nous allons marcher notre chemin de vie, sont les oeuvres que Dieu a préparées, celles qu’il nous a données, qu’il nous a donné à faire.

Le verset 6 nous présente deux aspects de la grâce, du salut : Dieu nous a relevé ensemble et il nous a fait asseoir ensemble. Il nous met en route et il nous installe. Il met devant nous des oeuvres bonnes pour que nous y marchions, et il nous prépare les hauts cieux pour que nous y restions. Et tout cela en même temps. Nous avons été installés quelque part avec Christ pour que nous puissions marcher ici pour agir, pour oeuvrer, pour oeuvrer ses oeuvres bonnes.

A l’aide de ces quelques éléments, reprenons notre bilan.

D’abord et premièrement, la vie chrétienne commence avec l’amour de Dieu, avec la grâce de Dieu, avec cette miséricorde dont il est riche. Tout ceci est reçu. La vie chrétienne ne commence pas avec les oeuvres, fussent-elles bonnes.
La vie chrétienne, c’est reconnaître que nous sommes passés d’une vie de mort ou la convoitise, l’esprit de l’époque nous enferme, à une vie avec Christ, ou la grâce et l’amour nous libère pour agir dans la confiance et la foi, pour marcher dans les chemins préparés. La vie chrétienne, c’est ce changement complet d’optique, de regard, de perspective, c’est ce changement d’ère, de monde, c’est ce passage accompli dans le monde à venir déjà venu.

Et cette foi qu’il nous donne, il nous donne aussi le moyen d’en vivre, par les promesses qu’il a faites et placées tout au long des Ecritures. Il s’agit pour le croyant de garanties meilleures que le meilleur contrat d’assurances. Nous avons la signature de Dieu, apposée par le Christ à la croix et confirmée à la résurrection. Et pourtant, c’est comme pour tous les carnets d’offres spéciales ou autres réductions commerciales : si on ne s’en sert pas, on n’en bénéficie pas. Les promesses de Dieu sont là pour être utilisées. S’il nous a remis sur pied, s’il a préparé des chemins pour que nous y marchions, c’est qu’il nous accompagnera, c’est qu’il ne nous lâchera pas la main, c’est que nous sommes pour toujours assis avec le Christ et en marche avec lui.

Appuyés sur cette promesse, nourris par cette grâce et cet amour, notre vie de croyant, notre vie spirituelle, notre vie chrétienne est cette relation qui a été établie entre Dieu et chacun de nous, entre Jésus-Christ et chacun de nous, cette relation personnelle. Nous avons tous été fait enfants de Dieu. Il a avec chacun d’entre nous la relation que peut avoir un père, une mère avec son enfant, une relation d’amour, de miséricorde. Il aspire à voir cette relation chaque jour enrichie, entretenue. Il souhaite que cette relation soit faite de communication, de communion. Il nous a laissé quelques moyens pour que cette relation ne s’endorme pas, qu’elle reste vivante. Il nous a laissé les Ecritures. Quelle est notre fréquentation des Ecritures ? Y cherchons-nous cette parole de grâce et d’amour qui nous fait vivre ? Y allons-nous pour écouter ? Cherchons-nous à approfondir notre compréhension ? Il nous a laissé la prière. Qu’est-ce que nous avons à lui dire, si nous avons quelque chose à lui dire ? Louange, supplication, demande, intercession, action de grâce. Si notre prière ne vient pas facilement, nous disposons avec les psaumes d’exemples de prières où toute notre vie spirituelle peut passer. Il nous a laissé les frères et les soeurs dans la foi. Il nous a laissé l’église et les signes qu’elle porte. Ne négligeons pas la communion avec les croyants.

Mais aussi, et ce passage de l’épître nous le rappelle, la grâce reçue, la foi vécue est la foi mise en pratique, mise en route, sur les chemins qu’il a placés devant nous, vers ces oeuvres qu’il a préparées.

Voilà donc, en résumé, la vie chrétienne telle qu’on peut la décrire.
Nous allons maintenant essayer de voir où chacun en est.
Je terminerai par ce qui est l’essentiel, le plus important, l’origine de tout, et je commencerai par ce qui paraît, ce qui bien sûr est signe du fondement, mais ne l’est pas.

Comment est-ce que je partage ma foi ? Comment est-ce que je la manifeste ? Comment est-ce que je pratique ces bonnes oeuvres ? C’est bien de savoir si dans ceci, ma vie chrétienne va bien, mais il faut faire attention à ce qu’indique le verset 9. Il faut éviter de se glorifier. La grâce est un don de Dieu, ainsi que les oeuvres qu’il nous donne d’accomplir.
On peut bien sûr et justement se repentir des oeuvres placées devant nous desquelles nous nous sommes écartées. On peut rechercher à toujours mieux discerner les chemins sur lesquels il nous place et où nous sommes attendus. Mais tout ceci, si cela manifeste notre foi et sa grâce, tout ceci n’est pas de loin l’essentiel de la vie du chrétien. Cela en fait bien évidemment partie intégrante mais n’en est pas le coeur.

Je peux alors regarder à ma relation personnelle avec Dieu. Est-ce que j’ai cherché à la tenir proche ou est-ce que j’ai permis qu’elle se distende ? Est-ce que ma relation avec Dieu est une relation permanente ou une relation à éclipse, tantôt proche et enflammée, tantôt absente et éteinte ? Comment est ma relation à ce Dieu qui a envoyé Jésus-Christ aussi pour moi, et qui reste à m’attendre sur le pas de la porte. Il m’a rendu à la vie par grâce. J’en fais quoi ? Est-ce que je le remercie souvent pour ce cadeau inestimable ? La qualité de ma relation à Dieu est bien sûr essentielle pour ma vie spirituelle, pour ma vie chrétienne. Mais, même dégradée, elle ne détermine pas la nature même de cette vie chrétienne. Même si c’est important, on n’est toujours pas au coeur de la vie chrétienne. J’ai peut-être pris quelque distance aussi avec la communauté des enfants de Dieu, mais ici non plus n’est pas le coeur de la foi, même si cela la soutient.

Dieu renouvelle sans cesse ses promesses dans les Ecritures et par ceux qui nous les expliquent. Il ne se lasse pas de les redire. Comment est-ce que je les reçois pour moi ? Comment est-ce que je les reçois pour ceux qui m’entourent ? Pour les autres ? Qu’est-ce que nous faisons de ce qu’il promet ? Mais même si nous négligeons les promesses de Dieu, cela non plus n’annule pas la grâce et la miséricorde de Dieu.

Parce qu’en fait, le coeur, il est encore plus profond, au plus profond de moi. Il est dans la manière dont je reçois sa grâce, sa miséricorde, son amour. L’essentiel se trouve dans l’accueil que sa grâce trouve en moi. Est-ce que je mets des préalables à l’accueil de sa grâce ? Est-ce que j’attends d’en être digne ? Est-ce que j’essaye d’en être digne ? Est-ce que je suis sûr de ne pas en être digne ?

Mais le verset 9 marche aussi à l’envers. “Ce n’est point par les oeuvres afin que personne ne se glorifie”. Peut devenir : “Ce n’est pas l’échec qui peut m’en priver, parce que personne ne peut se glorifier”. Je m’explique : celui qui ne s’en sent pas digne est exactement semblable à celui qui s’en sent digne. Il déclare qu’il est la référence, qu’il est la mesure, il porte sa propre gloire. Mais ce que Dieu demande, c’est l’humilité, l’humilité de celui qui sait qu’il n’en est pas digne, de toutes façons, et que cette grâce, cette miséricorde, cet amour, il peut les recevoir parce qu’il a été relevé et installé, par Dieu et Jésus-Christ et pas par lui-même. Ce n’est pas par sa propre dignité, mais par celle de Christ. Si je regarde à moi, honnêtement, sincèrement, alors je suis à côté, j’échoue.

Mais, comme bilan de l’année écoulée, et de toutes les précédentes, et de toutes les suivantes, il y a Christ, la grâce de Dieu, l’amour de Dieu qui nous donne la vie, qui nous arrache à ce monde d’apparences et de distractions pour nous conduire dans un chemin de service, dans une marche vers des oeuvres bonnes qu’il a préparées et qui sont un signe de ce monde à venir où nous verrons l’infinie richesse de sa grâce.

Et comme résolution, vivre de cette grâce, vivre une relation d’amour avec Dieu et marcher sur ses chemins, avec la force qu’il promet.

Amen.

(Philippe Cousson)

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