Poitiers, 20 mai 2012

1 Jean 4:11-21

Chers frères et soeurs

épisode 2 : la semaine dernière nous avons vu la première partie de ce chapitre. J'espère que vous avez pris le temps de lire l'épître en entier. Elle n'est pas longue.

Aujourd'hui, deuxième partie du chapitre. L'auteur de l'épître nous donne ici ce qui est pour lui le coeur de l'Evangile avec des formules qui pourraient nous paraître se répéter ou tourner en boucle.

Ces quelques versets présentent une structure qui ressemble à ce qu'on appelle un chiasme, un emboîtement.
Les versets 11 et 19 nous disent que c'est d'abord Dieu qui aime.
Les versets 12 et 17-18 nous parlent de la perfection de l'amour en nous.
Les versets 13 et 16 nous parlent de la connaissance de la présence de Dieu ou de son amour.
Les versets centraux, 14 et 15, si on garde ce schéma, nous parlent du statut de Jésus comme Fils et sauveur du monde, qu'il faut confesser et attester.

Mais on peut aussi repérer d'autres éléments : Dans les premiers versets : personne n'a jamais vu, ou contemplé, Dieu, et plus loin : nous avons vu, contemplé, que le Père a envoyé le Fils.
Dans les derniers versets, le texte oppose l'assurance au jour du jugement à la crainte qui suppose, qui contient le châtiment.

Je reprendrai tout ceci plus tard.

Je vais essayer de trouver une logique presque mathématique aux diverses propositions du passage.

D'abord, c'est l'amour de Dieu qui est premier.
En conséquence, nous aimons Dieu et nous devons nous aimer les uns les autres.
Alors Dieu demeure en nous. Ce que nous savons puisqu'il nous a donné de son Esprit. C'est ainsi que nous témoignons que Jésus est le Fils et le Sauveur, et ainsi nous manifestons que Dieu demeure en nous. Et nous en lui. Et cet amour parfait en nous nous donne l'assurance au jour du jugement, puisque l'amour parfait rejette, renverse la peur qui empêcherait l'amour en nous d'être parfait, complet. La fin du passage, en dehors du schéma, nous indique l'incompatibilité entre la haine du frère et l'amour de Dieu.

Je voudrais maintenant développer quelques points avant de lier tout ceci pour notre vie spirituelle.

L'amour de Dieu en nous est parfait. C'est à dire achevé, réalisé, complet, accompli. Il n'y a rien à ajouter, rien à compléter. L'amour de Dieu en nous est total. Il ne nous faut jamais oublier cela.

Un autre point est le grand nombre de fois qu'est mentionné le verbe demeurer. Demeurer, c'est le contraire de quelque chose de provisoire, de passager, de fragile. Voyons donc ce qui est si stable : l'amour de Dieu en nous, sa présence même en nous, et aussi notre présence auprès de lui, la présence de Jésus en Dieu et de Dieu en Jésus. La présence de l'amour de Dieu en nous est une certification de la présence de Dieu en nous et de nous en lui. Ceci ne peut être remis en cause. Et de cela nous sommes assurés parce qu'il nous a donné de son Esprit. Sans cet Esprit, nous ne pourrions même pas l'envisager, et nous ne pourrions pas confesser que Jésus est le Fils de Dieu, le sauveur du Monde, nous ne pourrions pas homologuer Jésus comme le Christ. Cette confession, ce témoignage, cette foi, sont un signe de cette présence de Dieu en nous.

Alors donc, en conséquence, il nous faut être persuadés de la perfection, de la complétude de cet amour, il nous faut nous convaincre de cette assurance au jour du jugement. Il nous faut chasser toute crainte, toute peur, en tout et au sujet de tout, puisque cet amour est sûr, définitif et complet, parfait.

On peut tout de même se demander ce que fait dans ce discours l'importance donnée à la confession de Jésus comme sauveur et Fils. On peut effectivement comprendre que Dieu aime les hommes, chaque homme, moi y compris, peut-être. On peut comprendre que cet amour divin tourné vers nous appelle une réciproque de la même manière. On peut aussi comprendre qu'il appelle aussi à un amour vers les autres hommes. Mais pourquoi mettre Jésus dans cette affaire ? On devrait pouvoir décliner l'amour de Dieu, l'amour pour Dieu, l'amour les uns pour les autres, pour les hommes, sans avoir besoin de faire entrer Jésus dans l'équation. Mais pourtant, en regardant comment paraît construit ce texte, et beaucoup d'autres, on voit que la place centrale est tenue par cette confession christologique. Au chapitre suivant l'auteur ajoute : Celui qui a le Fils a la vie, celui qui n'a pas le Fils de Dieu n'a pas la vie.

Si notre église est chrétienne, ce n'est pas par hasard. Si l'église chrétienne est missionnaire, ce n'est pas par hasard. C'est parce que le Christ, Jésus comme Christ, comme Fils, comme sauveur, tient une place centrale, la place centrale. Il est le coeur de l'Evangile. Si on enlève Jésus-Christ, il n'y a plus d'évangile, il n'y a plus de foi chrétienne. Il y a peut-être une spiritualité, c'est un mot à la mode. Mais la vérité du message de la grâce n'est plus là.

Mais alors pourquoi ? Parce qu'alors c'est la crainte qui intervient, le doute. Au lieu de regarder, de contempler l'amour de Dieu, c'est vers soi même que l'on tourne les yeux, vers notre imperfection, vers notre manque d'amour, justement, vers cette honnêteté profonde qui nous montre notre imperfection, notre incomplétude, ou en utilisant un autre mot, notre péché. Et c'est cette image qui cache, qui recouvre, qui voile l'amour que Dieu peut avoir pour nous.
Dieu m'aime, je veux bien. Mais suis-je aimable ? Que dois-je faire pour être aimable pour Dieu ? Que dois-je faire pour être sauvé ? Il nous est impossible de concevoir même un amour de Dieu qui serait total, parfait, qui ne dépendrait pas de nous, d'une certaine façon. A moins d'être pris d'orgueil et de penser que Dieu ne peut pas ne pas nous aimer. Mais un tel raisonnement, je n'y crois pas. Alors, il faudrait que je montre à Dieu, qu'il peut m'aimer, parce que quand même, j'y mets du mien.

Mais Dieu sait que l'homme fonctionne ainsi. C'est pour cela qu'il lui rappelle ce qu'il doit faire. Si tu dis que tu aimes Dieu, tu dois aussi aimer ton frère, sinon tu es un menteur. Alors, tout est perdu ? Bien sûr que non. Le mensonge peut s'interrompre, il peut cesser. La nature humaine est effectivement telle. Mais Dieu nous dit qu'il nous aime, et celui qui l'accepte, l'admet, celui qui ne résiste pas à cet amour par vanité ou pitié de soi, celui-là aime Dieu et alors manifeste l'amour pour le frère, pour les frères et pour les hommes. L'amour n'est pas comme un sentiment contre lequel on ne peut rien, ni pour le susciter ni pour le réfréner, l'amour est action, volonté, regard décidé.

Si tu comprends, si tu acceptes que Dieu t'aimes, parfaitement, complètement, tu ne peux pas dire : je n'arriverai pas à aimer. Dieu place en toi cet amour. Alors vis-le.

Et Dieu a voulu placer dans l'histoire des hommes des témoignages de cet amour. Ces témoignages ont plus ou moins été compris, acceptés. Alors, il a envoyé son Fils, comme manifestation de cet amour, comme sauveur du monde, comme propitiation, expiation, comme hilasmos.

L'homme qui se sent, se sait imparfait, pécheur, quand il prend conscience de qui est Dieu, ne peut pas comprendre que Dieu l'aime comme ça, tout simplement. L'homme s'attend à devoir quelque chose, à devoir faire quelque chose pour lui plaire, pour l'amadouer, quelque chose de propitiatoire, ou alors, il s'attend même à un châtiment, à une punition, à une expiation. Mais sait-il seulement, cet homme, que tout ceci n'a aucun sens ? Que l'amour de Dieu est là, à portée de coeur, à portée de foi. Mais non, celui-là qui se voit imparfait, défectif, défectueux, ne peut pas, ne veut pas admettre la grâce gratuite.

Mais Dieu dit à cet homme : mon amour est parfait. Jésus est venu vivre cet amour parfait, complet, jusqu'au bout, jusqu'à porter même dans la mort cette propitiation, cette expiation sans laquelle vous ne comprenez pas l'amour et le salut. Mais même cette mort, Dieu l'a transcendée, Dieu l'a vaincue, en ressuscitant Jésus d'entre les morts.

Dieu dès lors et depuis toujours est celui qui pardonne, qui aime, parfaitement, totalement. Vous avez contemplé, regardé, vu son amour, vous avez rendu témoignage à son Fils, et lui vous regarde dans son amour et voit son Fils. Il voit cet amour qu'a vécu son Fils. Non seulement l'amour qui vous habite est un amour en chemin vers la sanctification, mais Dieu lui-même vous voit en espérance.

Dieu nous a aimé le premier, il a envoyé son Fils pour manifester cet amour et son Esprit pour nous en convaincre et nous permettre d'en vivre.

Se poser la question de ce qu'il y a à faire, c'est faire encore une place à la crainte, au doute. Il nous faut recevoir l'assurance de la plénitude de l'amour de Dieu, il nous faut témoigner de l'envoi du Fils comme sauveur. Ou plutôt cela suffit, l'amour de Dieu suffit. Toute autre attitude, telle que chercher à vivre une vie la plus juste possible, chercher à passer d'une B.A. à une autre, tout ceci est vain, totalement vain, sans aucune utilité. C'est prendre le problème à l'envers. C'est faire entrer la crainte dans le jeu. L'amour parfait bannit la crainte. Et l'amour parfait, c'est l'amour de Dieu pour nous, c'est l'amour que Dieu met en nous.

L'amour en nous, parfait ? Pas possible. Et pourtant, c'est ce qui est dit. C'est de cela qu'il faut vivre. Celui qui reçoit l'amour de Dieu, celui qui confesse Jésus Christ, Dieu demeure en lui et lui en Dieu. Ceci n'est pas une hypothèse, pas une espérance, pas une possibilité, c'est une réalité, une réalité totale. Ce doit être une certitude, une conviction.

Je réalise que je n'aime pas tous mes frères. Qu'à cela ne tienne, l'amour de Dieu est en moi, parfait, et il faut que j'aime mon frère, parce que c'est ainsi que l'amour parfait doit se vivre. Pas pour gagner quelque chose, mais pour assumer cet amour complet de Dieu en moi.

Contempler, témoigner, confesser, connaître, croire, voilà notre relation à Dieu dans l'amour. Tel il est, tels nous sommes dans le monde. Nous aimons parce qu'il nous a aimés le premier.

Si personne n'a jamais vu Dieu, nous savons que Jésus est le Fils qui s'est incarné et l'a montré, et nous aussi nous devons manifester cette présence de Dieu et de son amour.

Alors, pas de question, pas d'état d'âme. Dieu nous aime parfaitement. Il a envoyé son Fils. Chacun ne doit plus regarder à son imperfection, à son péché, il est pardonné. C'est cet amour qui nous relève pour les défis de l'amour parfait. Nous demeurons en lui et il demeure en nous. Il nous reste à manifester notre amour pour lui en le louant et à manifester notre amour pour nos frères, sans crainte, sans calcul.

Que la grâce du Seigneur Jésus soit avec tous.

Amen.

(Philippe Cousson)

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