Poitiers, 27 décembre 2015

Luc 2:41-52

Chers frères et soeurs

La plupart d'entre nous ont quelque part dans leur mémoire l'image de Jésus enfant assis au milieu des docteurs de la loi, respectables et admiratifs. Voyons donc ce que cette image peut avoir à nous dire ce matin.

On pourrait facilement expliquer que Jésus est venu à Jérusalem pour sa bar-mitsvah. Mais il y a quelques points à noter avant de se lancer dans cette explication. D'abord la bar-mitsvah se fait à l'âge de 13 ans, et il est bien indiqué qu'il a douze ans. Et puis, en fait, malgré l'impression d'ancienneté de la cérémonie, cette cérémonie du judaïsme contemporain ne date que du 14e siècle, donc n'existait ni au temps de Jésus, ni au temps de l'auteur de l'Evangile. Même si le principe de la majorité religieuse existait déjà.

Plus probable, si on en croit Flavius Joseph, Samuel, le prophète, a débuté sa carrière de prophète à l'âge de 12 ans. Ce dont Luc a très certainement eu connaissance. Et ceci concorde bien avec le parallèle évident entre les deux récits de ce chapitre et du 2e chapitre du premier livre de Samuel.

Pour ajouter à ce parallèle, il faut noter la double mention dans les deux chapitres de la croissance des enfants. Cette double mention est tout ce que nous saurons du reste de la vie du jeune Jésus jusqu'au début de son ministère, vers l'âge de 30 ans. Aucun texte de notre Nouveau Testament, c'est à dire aucun des textes retenus par l'Eglise, ne décrit ces années-là. On trouve quelques textes apocryphes, tardifs et non reconnus, qui abordent d'une manière quelque peu magique cette période. Des éléments y ont été repris dans le Coran. L'Eglise n'y a pas reconnu l'inspiration du Saint Esprit.

Comme les récits évangéliques de l'enfance, ce passage nous dit aussi la divinité de Jésus et sa préparation au ministère qui sera le sien.

Les versets 39 et 41 nous indiquent que la famille de Jésus vivait dans la conformité aux rites de la loi de Moïse, à la fois après sa naissance puis à l'abord de sa majorité religieuse.

Ce passage est aussi marqué par un changement grammatical notable. Si au début du passage, les parents de Jésus sont les sujets des verbes, s'ils sont les acteurs, à la fin le sujet des verbes, c'est Jésus lui-même, c'est lui qui agit. Et cela fait bizarre à ses parents : Pourquoi nous as-tu fait cela ?
Jésus a douze ans, il étudie la Loi, il écoute et interroge, il est devenu autonome. Mais pourtant, à la fin, il les suit et leur est soumis. Parce que sa formation n'est pas terminée. Son apprentissage est en cours, entre théorie et pratique, son apprentissage d'homme et de Messie.

Voyons-le donc installé au milieu des docteurs, des maîtres, des rabbins, des sages. Il est là, respecté, admiré, objet d'étonnement. Il est là, il écoute, il interroge. Il ne s'agit pas ici d'une controverse comme il en aura durant son ministère. Il s'agit d'une conversation calme et studieuse dans un esprit d'étude et de sagesse.

Pendant ce temps-là, comme on dit dans les bandes dessinées, les parents de l'enfant entreprennent le voyage de retour vers la Galilée, voyage qui s'effectuait en groupe, ceux du village et peut-être plus, de la famille élargie sans doute, enfin toute une caravane. Tout le monde prend en charge tout le monde. Au bout d'une journée de voyage, quelques dizaines de kilomètres, la famille cherche à se réunir. Mais Jésus n'est pas là. Pas chez les parents non plus. Pas chez les amis du voisinage. Il n'a pas voyagé avec des copains de son âge. Il faut se rendre à l'évidence. Il est resté à Jérusalem. La ville n'est pas si grande, surtout après la fête. Les parents y retournent. A l'époque pas de téléphone, pas d'alerte télévisée. Ils cherchent. Pourquoi Luc trouve-t-il nécessaire de préciser qu'ils le trouvent le 3e jour ? On pourrait supposer que c'est une allusion à la résurrection le 3e jour. Possible. Possible aussi que cette mention indique simplement que le temps a paru long aux parents. Ils ont dû se faire du mauvais sang. Cela a suffit pour qu'ils s'inquiètent, pour que l'angoisse les gagne. Tous ceux qui ont ou ont eu des enfants peuvent imaginer ce qu'ils ont alors traversé. Mais on peut se dire que plus que des parents ordinaires, ils se sentaient peut-être en plus responsables d'un enfant bien particulier, et qu'ils risquaient de tout gâcher.

La remarque qu'ils lui font laisse entendre qu'ils se sentent des victimes : Pourquoi nous as-tu fait cela ? L'inquiétude fait place aux reproches. Sentiments déjà vécus, non ? Beaucoup d'entre nous peuvent comprendre ces parents.

Mais Jésus a apparemment d'autres soucis, d'autres objectifs. Il a à faire chez son Père. Comme souvent dans l'Evangile, ceux qui entourent Jésus ne le comprennent pas, et ses parents non plus dans ce cas-là. On aurait réagi de la même façon.

Mais Jésus comprend que ce n'est pas encore l'heure. Alors, il les suit, il leur est soumis, et ceci jusqu'au début de son ministère. On n'en saura pas plus, sinon cette double mention de son évolution, de sa croissance devant Dieu et devant les hommes.

Mais je vais reprendre un point qu'une question de Jésus soulève et que je n'ai pas abordé. Jésus leur demande : Pourquoi me cherchiez-vous ?

Quelle question étrange ? Ils auraient dû savoir. Ils pensaient, avec raison semble-t-il, que ce n'était pas le moment que les paroles de l'ange prennent tout leur sens, pas encore. Luc a posé ici un signe pour le lecteur. Jésus dans cet épisode prend conscience de qui il est et de la mission qui sera la sienne, mais aussi que ce n'est pas le moment, qu'il lui faut attendre.

Mais cette question de Jésus s'adresse aussi à nous. Pourquoi le chercher ? Et d'ailleurs, le cherchons-nous ? Nous cherche-t-il ? Nous appelle-t-il ?

Les bergers de Bethléem ont cherché l'enfant annoncé par les anges, et ils l'ont trouvé. Et ils ont chanté les louanges de Dieu.

André que Jésus avait appelé, est allé chercher son frère, il l'a trouvé et lui a dit : nous avons trouvé le Messie.

La foule que Jésus avait nourrie, ne le voyant plus s'est mise à le chercher, et l'a trouvé. Mais le seul signe qu'elle avait retenu, c'était d'avoir pu manger. Ils n'ont pas su voir, pas su lire, pas su entendre les autres signes annonciateurs du Royaume.

Pourquoi me cherchez vous ?

L'épître aux Hébreux nous dit : sans la foi, il est impossible de lui plaire car celui qui s'approche de Dieu doit croire que celui-ci est et qu'il récompense ceux qui le recherchent.
A ceux-là qui le recherchent, Jérémie rappelle : Vous me rechercherez et vous me trouverez, car vous me rechercherez de tout votre coeur. Je me laisserai trouver par vous, et je vous rétablirai. La même chose est dite à Salomon : Si tu le cherches, il se laissera trouver par toi.

Pourtant, il ne faut pas se tromper. Les femmes n'ont pas trouvé le corps de Jésus dans le tombeau. Elles ne cherchaient pas au bon endroit, pas pour la bonne raison. Job aussi se plaint : Ah ! Si je savais où le trouver !

Pourquoi me cherchez-vous ? Qu'êtes-vous venu chercher ici ce matin ? Qu'y a-t-il ici ce matin ? Une communauté réunie pour célébrer la mort et la résurrection de celui dont ils viennent de célébrer la naissance ? Une communauté de personnes qui reconnaissent en lui leur Sauveur et leur Seigneur ? Une communauté qui par sa présence même témoigne de ce que chacun l'a un jour trouvé, comme André ? Oui, tout cela, mais aussi et surtout celui dont la présence ici de chacun parle, du Christ. C'est lui qui veut se laisser trouver.

Inutile de pleurer avec Job : Ah si je savais où le trouver ! Inutile de se demander avec les contemporains de Jésus : Où va-t-il se rendre pour nous ne le trouvions pas ? Esaïe nous dit : Cherchez le Seigneur pendant qu'il se laisse trouver, et plus loin : Je me suis laissé rechercher par ceux qui ne demandaient rien, je me suis laissé trouver par ceux qui ne cherchaient pas.

Car Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais qu'il ait la vie éternelle. Verset bien connu, mais qui est la clef de cette question : Pourquoi me cherchez-vous ?

Celui qui est là, au milieu des maîtres, les écoutant et les interrogeant, il est celui dont la voix a déclaré qu'il était le Fils en qui était toute son affection, il est celui qui a laissé tant de signes du Royaume, il est celui qui est mort sur la croix et s'est relevé d'entre les morts, il est celui qui apporte le pardon, le salut, la victoire. Mais cela à ce moment du récit, personne ne le comprend. Or c'est maintenant qu'il n'est plus là qu'il se laisse chercher, qu'il se laisse trouver, qu'il se laisse rencontrer.

Vous pouvez le chercher, vous le trouverez si vous le cherchez de tout votre coeur.

Amen.

(Philippe Cousson)

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