Poitiers, 11 mai 2014

Jean 10:1-10

Chers frères et soeurs,

vous connaissez sans doute la titre de cette pièce d’Alfred de Musset “Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée”.

Je vais vous inviter ce matin à une méditation sur les portes, sur la porte, sur les issues, les huis-clos, les impasses ou les échappatoires qui composent nos vies.

Je vais d’abord évoquer ce qui peut parfois apparaître dans les rêves et qui se retrouve aussi dans des films aux images oniriques : une porte qui ne veut pas s’ouvrir, ou qui ne veut pas se fermer, un couloir avec beaucoup de portes, un couloir qui se termine pas deux portes sans savoir laquelle ouvrir. Je ne veux pas entrer dans les diverses interprétations possibles, qu’elles soient psychanalytiques, symboliques ou ésotériques, ce qui souvent revient au même.

Il nous arrive parfois, parfois ou bien souvent, de nous trouver dans des situations sans issue, où toutes les portes se ferment une à une, où les portes qui sont devant nous sont plus menaçantes que salvatrices. Ce qu’il y a derrière elles peut aussi bien être un abîme, un précipice sans fond, ou alors une menace, un improbable monstre.

Nous nous sommes tous trouvés dans de telles situations où aucune solution, aucune porte de sortie ne semblait possible, où le désespoir remplaçait l’espérance. C’est peut-être encore la cas maintenant pour l’un ou l’autre, l’une ou l’autre.

Dans toutes ces situations où on se sent enfermé, coincé, bloqué, dans l’impasse, on souhaiterait trouver cette porte qui s’ouvrirait sur de meilleures perspectives, où il serait possible de passer à autre chose, où ce qui fait atrocement défaut c’est le manque d’air, de liberté, de choix, d’occasions, de possibilités, où la suffocation asphyxie la vie toute entière.

Mais il est aussi des moments où ce qui nous manque, c’est ce lieu de calme et de repos, de sécurité et de confort, protégé par une porte, parce que cette porte vers la sérénité refuse désespérément de s’ouvrir, parce qu’elle se dérobe et nous maintient dans l’insécurité et la menace permanente, dans l’inquiétude et le manque totale de confiance, dans la tension continue que provoque l’incertitude et même la peur. Où se trouve donc cette porte qui pourra se refermer derrière nous et nous permettre le repos, la tranquillité ?

Vous avez tous connu ces genres de situations, où la porte qui est devant vous vous sépare de ce dont vous avez besoin, de ce que vous désirez, où cette porte est fermée, toujours fermée, et qui vous empêche de sortir, de respirer, ou alors qui vous empêche d’entrer et de vous réfugier derrière elle.

Cette porte peut être belle et ouvragée, ou sale et très ancienne, son mécanisme peut paraître moderne et inviolable ou ancien et complètement rouillé. Elle peut être petite, trop petite, ou alors trop grande et tellement impressionnante. Mais elle est là. Elle vous bloque, elle vous empêche d’avancer.

Il est inutile de décrire les différentes situations qui peuvent amener à ce type de sentiments. Elles sont tellement nombreuses. Il n’est pas nécessaire d’être claustrophobe pour avoir un besoin vital de trouver une porte, des portes, qui puissent être ouvertes.

Et voilà que dans ce texte, l’évangéliste Jean rapporte ces paroles de Jésus : Je suis la porte. Celui qui entre par moi sera sauvé, il entrera et il sortira.

Il va donc falloir dans nos rêves, dans nos imaginations, dans nos sentiments, remplacer cette porte récalcitrante par Jésus. Bien. Mais comment on l’ouvre, cette porte ? Comment on y accède ? Comment on la trouve ?

Jésus n’est pas cette porte dans la montagne, comme dans Ali Baba ou dans le Seigneur des Anneaux, qui s’ouvre sur une phrase prononcée. Jésus n’obéit pas à notre parole, il ne dépend pas de nos désirs, de nos besoins ressentis. Il n’existe pas pour cette porte qui sauve de “Sésame ouvre-toi”.

En fait, si Jésus est la porte, il en est aussi la clef. Le mot de passe n’est pas fourni par nous, prononcé par nous, il est fourni par lui-même et prononcé par lui-même. Il est lui-même le code de sécurité, il est lui-même la garantie comme le petit cadenas qui apparaît sur nos écrans d’ordinateur.

C’est lui qui parle, qui appelle. C’est à nous de reconnaître sa voix, de l’écouter, de l’entendre.

Parce que si on réfléchit bien, ce n’est pas un mécanisme sophistiqué ou une serrure rouillée qui bloquent ces portes qui nous entravent, mais bien nous mêmes. Toutes ces portes bloquées, fermées, barrées comme on dit ici, condamnées, le sont par nous, par quelque chose en nous qui ne veut pas trouver d’issue, de porte de sortie, de lieu de refuge.

Et la porte de notre vie, celle qui nous permet d’entrer et de sortir en toute sécurité, de trouver la vie, de trouver l’abondance, cette porte c’est Jésus.

Il reste à la mettre en service, à la faire fonctionner, à cesser de lui mettre des cale-porte, des planches clouées ou des tas de gravas qui l’empêchent de s’ouvrir ou de se fermer. Il faut selon l’expression consacrée balayer devant sa porte.

Il faut enlever tout ce qui nous empêche d’entendre ce qu’il nous dit, l’appel qu’il nous lance. Il nous faut l’écouter, le laisser nous appeler par notre nom. D’autres ont souvent tendance à nous enfermer par notre nom. Lui, il nous libère en nous appelant par notre nom.

Dans les colonies de manchots, les mères et les petits se reconnaissent à la voix. Dans notre monde bruyant, savons-nous reconnaître la voix de Jésus qui nous appelle ? Savons-nous nous mettre à son écoute ? Savons-nous l’écouter quand il nous parle ? Parce que c’est alors que la porte s’ouvre.

Bien, mais comment je sais qu’il me parle ? Où est-ce que je peux l’entendre ? Il peut parler de beaucoup de façons. C’est pour cela qu’il est important de reconnaître sa voix. Et pourtant je dispose d’un échantillon de sa voix. Ai-je soigneusement étalonné mon oreille spirituelle à l’écoute des Evangiles ? Comment les Ecritures me parlent-elles ? Si mon oreille est accoutumée à cette parole, elle reconnaîtra sa voix et je pourrai le suivre, et il sera cette porte qui me libère et qui me protège.

Si Jésus est maintenant cette porte où passe ma vie, s’il est celui qui me sauve et me conduit, comment je peux faire passer à d’autres cette clef de l’existence, ce passeport vers la liberté ? Comment en tant que croyant, que brebis de cette porte, je peux inviter d’autres à y passer ?

Il me faut toujours et encore montrer où est cette porte, ce qu’elle est, qui elle est. Cette porte est en bois, le bois de la croix de Jésus. Elle marquée de sang, le sang versé de Jésus. Elle est gravée des marques de la vie des hommes, cette vie que Jésus a vécu totalement jusqu’à la mort. Cette porte est resplendissante de la résurrection de Jésus.

La solution ne se trouve pas en nous-mêmes. Si Jésus est la porte, c’est que la porte nous est fournie en plus. L’espérance ne se trouve pas dans le désespoir. Elle se trouve dans la voix de Jésus, dans son appel, dans ses paroles. La clef de toute existence humaine est là, dans cette parole extérieure.

Il nous reste donc à montrer, à faire entendre cette voix de Jésus, pour qu’elle puisse être reconnue, connue, identifiée, entendue, écoutée, afin que par la porte des brebis chacun qui était enfermé, qui était épouvanté, puisse passer, entrer et sortir, en sécurité, puisse trouver la vie, l’espérance, la paix, la vraie.

Je suis la porte, dit Jésus, si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé, il entrera, il sortira et il trouvera des pâturages.

Voici la vie qu’il nous propose de vivre et de partager.

Amen.

(Philippe Cousson)

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