Poitiers, Beaulieu, 20 mars 2016

Philippiens 2:5-11

Chers frères et soeurs

Le passage des épîtres qui nous est proposé pour ce jour des Rameaux est ce texte de Paul aux Philippiens, que certains décrivent comme un cantique de l'Eglise naissante.

J'avais déjà médité ce texte en décembre dernier. Mais s'il vaut pour Noël, il vaut aussi pour les Rameaux, et pour Pâques, et bien plus.

Ce texte présente tant de richesses que je ne vais pas en faire une étude détaillée. Je vais essayer de me concentrer sur ce qu'il a à nous dire pour notre vie de disciple. Je relèverai ainsi des éléments pour comprendre le fil de la pensée de l'auteur, puis nous verrons comment il peut influencer, modifier notre attitude, notre comportement.

L'objet de ces quelques versets, c'est Jésus Christ. Il est vrai que c'est aussi l'objet des Evangiles et même de tout le Nouveau Testament, c'en est le sujet essentiel et premier. Le livre de l'Apocalypse ne commence-t-il pas par "Révélation (ou dévoilement) de Jésus-Christ".

Deux choses apparaissent rapidement à l'analyse. Celui qui agit dans la première partie, c'est Jésus Christ et dans la deuxième partie c'est Dieu, le Père. La première partie décrit un abaissement, une humiliation et la seconde une élévation, une glorification.

Il faut noter que contrairement à ce qui pourrait être une compréhension contemporaine, ce n'est pas Dieu qui humilie Jésus, ni Jésus qui s'élève lui-même. Pourtant, dans notre monde, dans notre culture, une humiliation est toujours subie, l'humilié est toujours une victime. Et une élévation, une promotion s'obtiennent à la force du poignet ou par des manoeuvres. Le mode de fonctionnement de Dieu est exactement inverse.

Et quel est le noeud, le point d'inversion de la courbe ? C'est la mort sur la croix. Comme dans toutes les épîtres de Paul, comme dans tout le Nouveau Testament, comme même dans l'ensemble de la Bible quand les commentateurs la lisent ainsi, ce moment est bien le pivot des mondes et des temps, l'axe de l'histoire et même de la création. Incompréhensible au commun des mortels qui nous environnent. Et même absurde. Un instrument de torture comme signe de victoire, comme marque de victoire, comme totem du monde nouveau.

Avant son abaissement, son abandon, Jésus-Christ est de condition divine, en forme de Dieu, divin totalement, mais cela ne lui est pas monté à la tête, si on peut dire. Et même, cette divinité est marquée par ce dépouillement, cette abnégation, qu'il s'applique à lui-même, volontairement. Il n'y est aucunement forcé, sinon peut-être par son amour des hommes et du monde. C'est volontairement qu'il revêt la nature d'esclave, la condition d'esclave, la forme d'esclave. Pas de serviteur, mais d'esclave. Et ce faisant, il est semblable aux hommes, il devient semblable aux hommes, et même on reconnaît en lui un homme, non seulement il en a l'aspect, l'apparence, le maintien, mais il est maintenant un homme, né comme un homme, né en homme, il a vécu une vie d'homme avec ses difficultés et ses joies, ses tentations et ses peines. Et il a vécu cette vie totalement jusqu'à la mort. Et pas une mort "dans son lit", mais une mort ignominieuse, honteuse, pénible, sur la croix, comme un criminel de basse extraction.
Il a porté la vie des hommes et des femmes totalement et même plus.

Et c'est alors que Dieu le relève, l'élève, et porte son honneur et sa gloire au niveau qui est le sien, celui qui est représenté par le nom de Seigneur, c'est à dire le nom même de Dieu.
Et le Seigneur Jésus Christ est reconnu, confessé, honoré, pour la gloire de Dieu le Père.

Quand Jésus est venu vivre la vie d'un homme, vivre en homme, quand il est devenu homme, totalement, il n'a jamais cessé d'être Dieu. De même, quand il a été élevé, une élévation qui a commencé sur la croix, s'il est devenu Dieu, il est resté homme, complètement, définitivement.

Mais, en quoi cet homme, exécuté il y a environ 200 ans, me concerne-t-il, moi, homme ou femme de maintenant, dans le moment où je vis, dans les circonstances qui font ma vie ?

Le récit biblique nous rapporte deux épisodes où l'homme veut être comme Dieu, veut être un dieu, veut être à la hauteur de Dieu. C'est le jardin d'Eden ou la tour de Babel. Mais le Christ, lui a voulu être comme l'homme, a voulu être un homme.

Cet homme-là a vécu une vie d'homme, une vraie, avec ses affres, ses difficultés, ses tentations, il a affronté le péché, les difficultés des relations humaines. Il a choisi cette vie là, il a choisi l'obéissance, évité le compromis, et cela l'a conduit jusqu'à la mort, la mort la plus humiliante de l'époque. Et cette humiliation, cette obéissance l'ont conduit à la défaite de la mort. Il s'est abaissé et n'a pas été le plus fort. Cette nature humaine que le Christ a porté, c'est et ce sera pour toujours l'humanité de Dieu.

Et c'est alors que Dieu le Père est intervenu. Si Jésus Christ n'avait pas été confronté au péché, il n'y aurait pour nous pas de salut. S'il n'avait pas vécu l'esclavage, il n'y aurait pas pour nous de libération.

Oui, vraiment, Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père et pour notre salut.

Est-ce que ce passage nous donne des indications claires et simples pour nous comporter dans l'existence ? Avant de répondre à cette question, je voudrais préciser que notre salut n'est pas ici en jeu. Il n'y a pas ici de clef pour être sauvé. Le salut est acquis dès à présent à celui qui confesse que Jésus Christ est le Seigneur.

Il ne s'agit pas de régles morales, éthiques ou pratiques. Pour cela, nous disposons des commandements et des lois existants. Rien de plus. Et encore, ils ne sont pas là pour être comptabilisés. Si l'un est accompli, tous sont accomplis et si l'un est transgressé, tous sont transgressés.
Il s'agit de bien autre chose, de comportements induits par un état d'esprit, l'humilité. Et on se trouve souvent pris en défaut à ce sujet là.
Jésus a pris la condition humaine. Il n'a pas commenté la condition humaine, il l'a vécue.
L'humiliation du Christ fonde l'humiliation du croyant.
Il est venu me rejoindre là où j'en étais. A moi maintenant de rejoindre les autres où ils en sont. Mais pour cela, il faut que je sache les voir, les entendre, les écouter, les regarder, vivre avec eux, à côté d'eux.

Il ne s'agit pas non plus d'afficher une humilité qui puisse être vécue par l'autre comme une humiliation.
Il s'agit aussi d'être le témoin de Jésus Christ, son ambassadeur, celui qui en son nom, pour lui, rejoint l'autre, cet homme, cette femme qui vit à côté de moi, qui attend qu'on la regarde, qu'on l'écoute, non pas d'en haut avec condescendance, mais à la même hauteur, au même niveau.
Jésus est descendu au niveau de l'homme, au niveau de chaque homme. Notre mission, si nous l'acceptons, est de faire de même, d'aller à la rencontre de nos contemporains, là où ils sont, et cheminer avec eux. Quand nous cheminons avec eux, c'est aussi Jésus Christ qui chemine avec eux, et peut-être alors qu'eux aussi chemineront avec lui et deviendrons à leur tour des témoins de cet amour. C'est ici aussi qu'est le salut de Dieu.
Quand le Christ a cheminé avec nous, il nous relevé, il nous a élevé. Quand nous cheminons avec d'autres, c'est aussi pour les relever, pour les élever, pas les élever à notre niveau, ce serait prétentieux, stupide et catastrophique, mais pour les élever au niveau du Christ.
L'abaissement, l'humiliation du Christ, c'est ce qui élève, ce qui relève.

Les Rameaux, c'est la célébration de l'entrée de Jésus à Jérusalem. Mais sa véritable élévation, son véritable avènement, ce sera seulement une semaine plus tard, avec la croix puis la résurrection. C'est ici qu'est sa victoire, pas dans cet illusoire cortège.
Méfions nous nous aussi des illusoires cortèges. Ils peuvent être annonciateurs de désillusions.
Seuls l'humilité, l'abaissement, à l'image du Christ sont porteurs de victoire et de relèvement, à la fois pour le témoin et pour celui qui appelle à l'aide.

Il n'y a pas ici de recette. Pas de truc, pas de solution facile pour le bonheur, pour le salut, pour l'honneur. Seuls, la renonciation, l'humiliation, le service sont à vivre comme les signes de celui qui choisit de vivre avec le Christ, de cheminer avec lui, dans cette foi qui affirme, qui atteste, qui confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.

Amen.

(Philippe Cousson)

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