Poitiers, 6 février 2016 (obsèques)

Ecclésiaste 1:2-11, 9:7-10, 11:7-10

Voilà des textes que vous avez peut-être déjà entendus, ou peut-être pas, sans doute avec une autre formulation : Vanité des vanités. Oui il s'agit bien de ce texte-là.

Ce petit livre, puisque la Bible est composée de livres différents, d'auteurs différents, connus, supposés ou inconnus, ce petit livre donc est intéressant à lire. Il pourrait fort bien figurer dans une collection de recueils d'écrits de sagesse des peuples. Il y figure sans doute d'ailleurs.

On peut y trouver beaucoup de vérités qui peuvent aider à vivre. Mais on néglige aussi souvent d'y entendre qu'il s'agit d'un écrit de croyant. C'est quelqu'un qui regarde le monde où il vit, il y a environ 3000 ans, et qui n'est pas si différent du nôtre. Et s'il regarde ce monde, il n'oublie pas que ce monde a une origine, un créateur.

Vanité des vanités, tout n'est que vanité et poursuite du vent. Tout passe. Rien ne demeure de ce que fait l'homme puisque rien ne change.

Mais alors, à quoi bon travailler, à quoi bon se donner de la peine, à quoi bon bien faire ? C'est la question que se pose l'auteur de cet texte, qu'on appelle l'Ecclésiaste si on retient le mot grec, ou le Qohéleth si on retient le mot hébreu. Et il propose une réponse.

La vie passe pour tous, pour les fous comme pour les sages, pour les bons comme pour les mauvais, pour les travailleurs comme pour les oisifs. La mort qui attend chacun ne fait pas de différence. Le bonheur et le malheur atteignent chacun sans distinction. Les larmes et les joies sont partagées par tous et personne n'est à l'abri.

Rien de nouveau sous le soleil, c'est encore une expression de ce petit livre. Rien de nouveau, ce qui était sera, ce qui s'est fait se fera. Pourtant à notre époque, de nombreuses choses ont changé, du moins en apparence. Et l'apparence compte beaucoup pour nous, aussi parce qu'elle cache la vérité. Mais en fait, dans ce qui fait la vérité de la vie et de ses ressorts, pas grand' chose n'a changé. On se plaint de situations desquelles se plaignaient de la même manière des auteurs de diverses époques depuis l'Antiquité.

Le passé est passé, il ne reviendra pas et même son souvenir passera. Et il en sera de même de l'avenir, il n'est pas là, il ne viendra peut-être pas, et s'il passe, il connaîtra le même sort.

Il reste le présent, même si, dès qu'il est nommé, le présent est déjà du passé.
Et le présent c'est ce que nous vivons tous. C'est ce que dit l'auteur :prends la vie, vis la vie, vis ta vie. Mais, ne te trompe pas, cette vie que tu vis, dont tu jouis, tu ne l'as pas faite toi-même, tu ne l'as pas construite de tes mains, même si tu peux le penser parfois. Cette vie, tu l'as reçue. Et tu ne l'as pas reçue par accident, tu l'as reçue de Dieu, du Créateur à l'origine de tout, à la conclusion de tout.

Alors, prends ta part dans cette vie, et prends plaisir aussi à ton travail, à ton activité, à cette participation que chacun prend à la création. Parce que, vois-tu, il n'y a plus d'activité chez les morts, plus de réalisation, plus de relation, plus de sagesse. Tant que tu es sous le soleil, vis et sois heureux, travaille et te repose, sème et récolte. Quelle que soit ta vie, tu l'as reçue. Ne néglige pas ce don et fais-le fructifier, partage-le.

Cependant, fais attention à ne pas te tromper toi-même. Ce que tu es, ce que tu as, ce que tu as vécu, tu ne dois pas penser que tu l'as mérité. Tout cela t'a été donné. D'ailleurs, tous, bons ou mauvais l'ont aussi reçu. Et même, le sort des uns et des autres n'est pas lié à telle ou telle qualité. Il est parfaitement le même. Tout ce que tu crois avoir gagné, avoir mérité, tout cela n'est que futilité et poursuite du vent.
Ce que tu as reçu, c'est d'avoir une part, un rôle à tenir pour que d'autres puissent aussi vivre et recevoir. Puisque tout passe, tu as reçu un rôle de passeur.

Si tu fais bien ton travail, ton activité, ce n'est pas pour accumuler, c'est pour l'art, pour la qualité, pour rendre honneur à celui qui est à l'origine de tout. Sinon, si c'était pour prendre, pour accumuler, tout cela n'est que futilité, tout cela s'en va et disparaît. Personne ne l'emporte au séjour des morts.

Seul vaut le plaisir de vivre et de bien faire, maintenant. Ce qui vient ensuite, demain, et pour ailleurs, pour un au-delà, cela ne nous appartient pas. Ce temps hors du temps, cet inconnu qui nous attend tous, il faut aussi le recevoir comme l'aujourd'hui.

Et quand tu vis, quand tu profites de la vie, si tu oublies ton Créateur, tu passes à côté du sens de la vie, tu t'enfermes dans une vie absurde qui ne mène nulle part. Tous les hommes naissent et meurent. Pourquoi ? Pour vivre la vie que Dieu leur donne, pour la remplir et la partager.

Non, l'auteur de ce livre n'est pas un pessimiste.

Amen.

(Philippe Cousson)

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