Poitiers (Beaulieu), 20 décembre 2015

Philippiens 2:5-11

Chers frères et soeurs

Voici un passage connu, parfois présenté comme une hymne antique qui serait citée par Paul, ce texte est une confession de foi magnifique à Jésus-Christ. Oui, mais est-ce vraiment un texte de Noël ? Quel rapport ?

En fait, ce texte a tout à voir avec Noël. Il nous présente Jésus le Christ dans ce qu'il est et ce qu'il a fait, non seulement pour notre salut, mais pour celui de tout l'univers.

Dans les débuts de l'Eglise, personne ne parlait de Noël, personne ne fêtait Noël. Les apôtres et les Pères de l'Eglise ont été progressivement amenés à se poser des questions quant aux affirmations de la foi. Mais aux débuts, l'essentiel, l'événement essentiel, c'était l'événement improbable, impossible, impensable, merveilleux, de la résurrection, de la croix suivie de la résurrection. Le salut de l'humanité, de chacun et du cosmos entier dépend entièrement de cet événement, de ce "jour du Seigneur" là. Si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, dit Paul, qui ne veut savoir qu'une chose, Christ, et Christ crucifié.

Scandale pour les Juifs et folie pour les Grecs : cette mort infâme et cette résurrection victorieuse marquent du sceau de la divinité celui qui les traverse. En cela Jésus est reconnu, affirmé comme le Messie, comme un homme qui était aussi porteur de la divinité, qui était aussi Fils de Dieu, Dieu lui-même. Celui qui m'a vu a vu le Père.

La suite, la conséquence, de cet événement multiple, c'est l'appel de l'Eglise portée par l'Esprit envoyé à la Pentecôte, c'est l'espérance annoncée au monde, c'est le salut proclamé, c'est l'amour manifesté, c'est la foi vécue, c'est la vie éternelle déjà présente, c'est le Royaume de Dieu déjà présent, c'est la promesse d'avènement à venir, comme une apothéose, une conclusion des temps.
Ce qui a précédé est aussi important pour l'Eglise naissante, la vie de celui qu'ils confessent comme Christ et Fils de Dieu, comme Sauveur et Seigneur. Ceux qui ont vécu à côté de lui ont conté, raconté ce qu'ils ont vécu, eux et d'autres l'ont noté, écrit, ce qui a donné les quatre récits construits que sont les Evangiles.

Mais les premiers textes de l'Eglise ne se faisaient pas de souci des détails de la venue de Jésus. Pourtant, les questions se sont précisées, et il a bien fallu donné un début à la vie de cet homme qu'était Jésus. Comme il était un homme, il a eu une naissance, une enfance puis un début de vie d'adulte avant son ministère. L'Eglise n'a pas jugé utile de conserver des textes qui indiquaient ce qu'auraient pu être ces périodes de sa vie, hormis sa naissance. Il était important de dire que Jésus était bien un homme, mais qu'il était aussi Dieu. Alors sa naissance a été reconnue comme marquée par un certain nombre de signes. Vous noterez que les divers Evangiles ne retiennent pas les mêmes. Marc et Jean n'en parlent même pas directement. Pas plus que Paul dans ses épîtres.

Je ne parle pas bien sûr de tout ce qui est venu s'y ajouter plus tard et qui s'est installé dans la piété populaire, ni tout ce qui a été récupéré et détourné des divers cultes païens au cours des siècles, comme le choix de la date, date du solstice, renaissance du soleil et de la lumière, date d'une fête païenne qui a été récupérée, remplacée, détournée.

Bon, d'accord. Et ce texte de Philippiens ? Où est Noël là-dedans ?

En fait, tout et partout. Il est Dieu, mais s'est vidé de lui-même et est devenu comme un homme, et est devenu un homme, un esclave, un esclave obéissant. Voilà résumés ici sa naissance et son ministère.

Et puis le texte parle de l'événement central de l'histoire, la croix et la résurrection : il est devenu obéissant jusqu'à la mort, la mort de la croix, et il a été ressuscité, élevé, relevé, non seulement élevé sur la croix, mais relevé d'entre les morts, il marque ainsi qu'il est plus qu'un homme. Il reçoit alors son nom, Jésus. Habituellement, le nom est donné à la naissance. Ici, le texte lui donne son nom à sa renaissance, parce que sa naissance est liée à cette renaissance. Sans Pâques, il n'y aurait pas eu de Noël. Tout dépend de ce noeud de l'histoire, ce qui précède et ce qui suit. Ce n'est pas chronologique, c'est logique. C'est un événement qui couvre tous les temps, avant et après et l'éternité, mais aussi tous les lieux, non seulement notre monde visible, sensible, mais la totalité des mondes et de leurs habitants, les cieux, la terre et sous la terre, non pas l'espace cosmique ou les profondeurs de la planète, mais par une image antique l'ensemble de la réalité, qu'elle nous soit sensible ou pas. Et c'est sur la totalité des temps et des lieux, et au-delà des temps et des lieux, que Jésus-Christ est Seigneur à la gloire de Dieu le Père.

Noël, c'est le moment que l'Eglise a choisi pour parler, pour proclamer la venue de celui qui allait passer par la croix et la résurrection.

On retrouve ici l'humilité de cette venue. C'est un Dieu, c'est un roi, mais il se vide pour devenir un humain, un esclave, et d'abord un petit d'homme, puisqu'un homme il était, puisqu'homme il a vécu et qu'humilié il est mort.

Pâques est dans Noël et Noël est dans Pâques. Humble il est né, humilié il est mort, mais victorieux il s'est relevé. La gloire que sont venu contempler les Mages, qu'ont chantée les anges aux bergers, c'est la gloire du vainqueur, du Sauveur. L'éclat de l'étoile de Bethléem, c'est l'éclat de cette victoire, c'est la lumière de la résurrection qui brille, c'est la résurrection qui s'annonce.

Sa naissance, c'est aussi l'irruption de l'éternité dans notre monde, c'est aussi l'annonce d'une éternité promise, déjà présente, toujours présente, déjà promise, toujours promise. C'est la gloire promise à son nom. Son nom c'est Jésus, Sauveur, c'est Emmanuel, Dieu avec nous. Et c'est au nom de Jésus que partout et toujours sont appelés à fléchir les genoux en adoration tous ceux qui peuplent les mondes, le nôtre et les autres quels qu'ils soient.

Mais en fait, ce texte va beaucoup plus loin. Paul nous demande d'imiter le Christ Jésus, celui de Pâques et de Noël. Vertigineux, non ?

Bien sûr, on peut voir ceci d'un point de vue moral. Paul nous demande de nous comporter humblement, de nous mettre au service les uns des autres, de devenir esclave les uns des autres. Paul nous demande d'être obéissant à Dieu, même jusqu'au sacrifice suprême éventuellement. Tout ceci est bel et bon, et déjà bien difficile, même hors de portée d'un homme normalement constitué.

Mais, il ne s'agit pas de cela. Le christianisme n'est pas une morale, n'est pas résumable dans une éthique. La vie chrétienne, c'est un abandon, un renoncement, une conversion. Renoncer à soi-même. Mourir à soi-même. Etre déjà mort à soi-même. Vivre dans le service et l'obéissance, vivre au-delà du service et de l'obéissance, vivre déjà dans d'autres temps, dans d'autres lieux. Le chrétien, c'est celui qui en tous temps et en tous lieux proclame le nom de son Seigneur, proclame la gloire de Dieu, Soli Deo Gloria.

Alors, à chaque fois que vous voyez une image ou une représentation de la naissance de Jésus, n'oubliez pas qu'il s'agit d'une illustration de l'irruption du salut, de l'annonce du jour du Seigneur, du jour terrible de la Croix qu'à suivi la victoire de la Résurrection et qui annonce l'accomplissement des temps et la gloire éternelle du Père et du Fils, gloire à laquelle ses disciples, ses enfants adoptifs, son Eglise, sont appelés, à laquelle vous êtes appelés, les uns et les autres, puisque ce grand jour est aussi celui de notre salut, puisque vous êtes aussi appelés à son service, appelés à répercuter cet appel, appelés à proclamer le nom de Jésus, de celui qui nous a fait entrer dans la vie éternelle, qui nous y a fait entrer dès Pâques, dès Noël, dès l'origine et pour toujours.

Amen.

(Philippe Cousson)

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