Poitiers
(Beaulieu) 15 décembre 2013
Esaïe
35:1-10
Jacques
5:7-10
Matthieu
11:2-11
Chers frères et soeurs
Nous
sommes dans une période de fête, fête des
lumières, fête des enfants, fête des familles. Il
y a aussi des chrétiens pour se plaindre que pendant ces fêtes
on oublie l’origine et le motif de cette fête, la venue
de Jésus. C’est vrai que quand on regarde autour de
nous, pas ici, à l’extérieur des lieux de culte,
dans les rues, on voit bien peu de mentions, bien peu de traces d’une
célébration religieuse.
Maintenant,
il est peut-être légitime de se demander si en fait, ce
ne sont pas eux qui ont raison. Parce que, à vrai dire, cette
période de fête n’a aucune origine chrétienne.
C’est un fête traditionnellement païenne. Les
anciens, qui n’étaient pas stupides, qui savaient
observer la nature, avaient remarqué que les jours
raccourcissaient jusqu’à une date à partir de
laquelle ils rallongeaient à nouveau. C’était la
victoire du soleil, de la lumière, du jour. C’était
l’annonce que le printemps allait arriver dans quelques mois.
On faisait la fête à ce moment-là, avec
célébrations et peut-être aussi sacrifices, pour
que le phénomène se produise ou alors parce qu’il
se produit ou les deux.
Rien
de chrétien là-dedans.
Mais
alors, et nous ?
Et
bien, quand le christianisme a remplacé les religions
païennes, certains ont voulu remplacer, annuler, détourner,
absorber les fêtes religieuses de l’époque. Comme
personne ne connaît la date de la naissance de Jésus,
c’était une bonne époque pour le célébrer
et remplacer ainsi un culte au soleil. Depuis on célèbre
la naissance de Jésus aux environs du solstice d’hiver
(chez nous, parce que dans l’hémisphère sud,
c’est le solstice d’été). Alors toute la
symbolique antérieure a suivi. Cartes avec des paysages
enneigés (même dans l’hémisphère
sud, même dans les pays tropicaux), même un cantique
récent sur l’aube nouvelle.
Mais
alors, faut-il renoncer au caractère chrétien de cette
fête ?
C’est
pourtant une bonne occasion de rappeler que Jésus est né,
un jour. Que Dieu a choisi de venir vivre notre vie, d’y
apporter l’amour et d’y manifester son Royaume. Alors
pourquoi pas cette date-là. Il y a encore des gens qui font le
rapprochement. Profitons-en pour parler de celui qui accompagne notre
vie.
Je vais maintenant revenir à nos textes proposés aujourd’hui, parce qu’ils font allusion à un autre mythe assez général. Après le cycle des saisons et le retour du soleil, voici l’âge d’or, les temps messianiques. Combien de civilisations, de religions, de peuples ont-ils dans leur fonds culturel un tel mythe, une telle image ? Beaucoup sans doute. Et la Bible donc aussi.
Notre monde actuel semble lui avoir perdu cette espérance. La télévision remplace cette espérance, en tient lieu.
Voyons
donc un peu ce que ces textes ont à nous dire en ce temps à
la fois de fêtes et de crise.
Le
texte d’Esaïe, qui vient après des malheurs
annoncés aux peuples voisins et aux peuples païens,
annonce des temps de délivrance. Le désert refleurira.
Les hommes guériront. Tout cela pour faire passage au Seigneur
et à son peuple. Tous les éléments mentionnés
ont toujours été lus comme des critères de la
survenue du Royaume de Dieu.
Il ne s’agit pas en fait de la description d’un âge d’or passé. On ne trouve pas ici les traces d’une civilisation magnifique à regretter. Non, il s’agit de l’annonce de l’intervention de Dieu dans l’histoire, marquée par quelques signes symboliques. Signes que l’on retrouve mentionnés dans le texte de Matthieu, dans la réponse que Jésus envoie faire à Jean.
Je voudrais d’ailleurs pointer deux points : d’abord, le Royaume concerne aussi la Nature, la Création. Et aussi, ces transformations sont aussi le résultat d’une action, non seulement de Dieu lui-même, mais par Jésus comme signe avant-coureur, le résultat de l’action des hommes, des fidèles du Royaume : le désert se couvre de fleurs parce que quelqu’un s’en occupe. Les aveugles voient parce que quelqu’un s’en occupe.
La venue du Royaume, l’arrivée à Sion, se fait dans l’allégresse. L’Evangile, le Royaume, n’est pas triste. La douleur et les gémissements s’enfuiront.
Cependant, même si le Royaume a commencé d’advenir parce que Jésus est venu, et sans doute aussi dès la préparation de cette venue, le Royaume est aussi un objectif à atteindre, un objectif à attendre. L’apôtre Jacques nous demande la patience. Tout tout de suite n’est pas une attitude de croyant. Mais la patience qu’il nous demande n’est pas la patience de celui qui attend assis sans rien faire, c’est la patience du laboureur, c’est la patience des prophètes, c’est la patience de celui qui agit, c’est la patience de celui qui espère, c’est la patience de celui qui a confiance.
On nous dit qu’un des problèmes économiques de notre temps est le manque de confiance, de visibilité. Mais nous savons comme le dit Jacques que la venue du Seigneur, son avènement, sa parousie, est proche. Quand, personne ne le sait, mais elle est proche. Il faut donc travailler, témoigner, préparer cette venue, faire voir les aveugles, refleurir le désert, comme s’il arrivait là, tout à l’heure, demain, bientôt.
Jésus est déjà venu, et nous sommes dans cette période où nous rappelons de cette venue, mais aussi, il nous a dit qu’il reviendra. Quand, comment, nul ne le sait, mais il reviendra. Et le Royaume de Dieu, déjà manifesté par cette venue, déjà manifesté par l’action et le témoignage de son Eglise, sera accompli à son retour.
Jean, celui qu’on appelle le Baptiste, emprisonné, est aussi celui qui a annoncé Jésus. On n’en est pas encore à la deuxième venue. Mais Jean a des doutes. Espérait-il autre chose ? Espérait-il la réalisation des prophéties devant ses yeux, la libération de son peuple ? Mais, rien de tout ça. Il a entendu parler de ce que fait Jésus, et ce n’est pas ce qu’il attendait. Alors il envoie ses disciples.
Jésus ne les repousse pas. Il valide leur question, celle de Jean. Mais il veut rappeler à Jean le véritable contenu des prophéties, les véritables signes de sa venue, de la venue du Royaume. Et parmi ces signes, il ya ceux que mentionnaient notre passage d’Esaïe : les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent.
Oui
Jean, les signes sont là. Je suis bien celui qui devait venir,
je suis bien le Messie.
Et
Jésus ajoute en parlant de Jean : il n’était par
riche et bien habillé. Non, il était un prophète,
un prophète du désert. Il est celui qui a préparé
le chemin, celui qui a tracé la voie sainte. Bien sûr,
il n’est pas celui qui a fait refleurir le désert, mais
sa venue s’inscrit dans cette histoire du salut, cette histoire
de la venue du Royaume, dont les signes étaient déjà
visibles, et dont nous sommes porteurs du message et de l’engagement.
Non, il n’y a pas de grand soir à attendre. Il est déjà venu, et il est à construire jusqu’au matin du retour.
L’âge d’or révolu n’a jamais existé. Mais la promesse de Dieu d’un monde nouveau, de la libération de son peuple, du salut de l’homme et de la création, tout cela est devant nous à portée de main, déjà manifesté par Jésus, venu enfant pour vivre une vie d’homme et pour montrer aux hommes ce qu’est véritablement l’amour de Dieu, et surtout pour permettre à ses disciples de vivre l’annonce de ce Royaume, de cet Evangile, le vivre et le mettre en pratique.
Les malheurs annoncés par Esaïe au chapitre précédent ne sont que les conséquences de ce que la Bible appelle le péché, c’est à dire tous les égoïsmes, les ratages, les mensonges, les échecs de l’humanité, qui a cherché à remplacer la recherche de l’amour par des rites magiques comme ceux du retour de la lumière, du retour du soleil.
Notre fête contemporaine et commerciale ne cherche pas à permettre au soleil de reprendre sa course vers l’été. Mais elle n’en reste pas moins malgré tout une recherche de satisfaction personnelle, du plaisir, même si effectivement le plaisir des autres est aussi recherché. Tout n’est pas forcément à rejeter dans cette fête et par certains aspects elle reconstitue des liens, mais souvent alors que les jours s’allongent, la fête s’est éloignée et avec elle la joie de vivre.
Pourtant, il y a un peu plus de 2000 ans, on ne sait pas quand, un enfant est né. Et à cause de lui les anges se sont réjouis. Et à cause de sa vie, de sa mort et de sa résurrection des hommes se sont levés, poussés par l’Esprit, pour porter son Evangile, pour annoncer et vivre son Royaume, le Royaume de Dieu, le Royaume des Cieux, ici dès maintenant en attendant sa pleine manifestation.
Les gens fêtent Noël, le nouveau soleil, le sapin. Et nous aussi tout de même. Mais ici, ce soir, nous fêtons un enfant, que nous reconnaissons comme notre Seigneur, celui qui était à l’origine avec Dieu, qui est venu, qui est mort et ressuscité, et qui a envoyé l’Esprit pour témoigner.
Jésus
disait aux disciples : Rapportez ce que vous entendez et voyez.
Quand
le monde regarde l’Eglise, que voit-il ? Qu’entend-il ?
Quand
votre voisin vous regarde, que voit-il ? Qu’entend-il ?
Entend-il
et voit-il les signes du Royaume, du salut venu vers les hommes ?
Voilà
la renaissance qu’il nous faut manifester aux hommes. Voilà
l’espérance qu’il nous faut rendre présente.
Amen. Viens Seigneur Jésus.