Poitiers, Beaulieu, 15 juin 2014

Jean 3:14-21

Reprise de : Rouillé, 18 mai 2008
(Exode 34:4-9, 2 Corinthiens 13:11-13, Jean 3:16-18)

Chers frères et soeurs,

J’avais commencé à préparer ma prédication, et puis au moment de commencer à rédiger, j’ai retrouvé une prédication que j’avais faite dans mon village d’enfance, à Rouillé en 2008.

Comme elle me semble encore en phase avec ce que j’aurais pu dire, je vais simplement la reprendre avec quelques corrections minimes.

Voici un verset qui est très connu. Connu de ceux qui lisent la Bible, et de ceux qui lisent les épitaphes protestantes dans nos cimetières. C’est ce verset qui figure dans la confession de foi de notre église réformée, avant l’unité avec les luthériens, et qui reste valable. Jean 3:16 : Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais qu’il ait la vie éternelle. C’est le coeur de l’évangile. C’est ce verset qui est le socle de ma foi, depuis lépoque où j’étais étudiant et membre des GBU
Un prédicateur américain a même, dans un livre, placé ce message d’espoir à côté d’une autre paire de nombres : 9/11 et 3:16, le 9 septembre et Jean 3:16, la catastrophe de l’attaque des deux tours en 2001 et le message de l’Evangile. Pour nous, c’est moins frappant, mais ça l’est pour des Américains.
Ce message-là est bien le coeur de l’Evangile, un résumé en quelque sorte, un condensé, l’essentiel. Tout est là.

Nous allons donc passer en revu ce verset, mot après mot.

Dieu.

Celui qui ne croit pas en Dieu, qui ne croit pas qu’il y ait un dieu, celui-ci ne peut pas à priori tirer quelque chose de ce verset. S’il n’y a pas de dieu, la suite n’a pas de sens.
Tout est alors comme des histoires de conte de fées, des histoires de galipotes et de loups-garous.
Mais si le dieu auquel on croit n’est qu’un dieu créateur, grand horloger, qui se désintéresse des pauvres mortels, minuscules poussières de l’univers, ce texte n’a pas non plus de sens.
Si le dieu auquel on croit est un dieu vengeur, exigeant, tyran, alors ce texte n’a pas non plus de sens. Ce dieu là n’est pas le Dieu que décrit ce verset, n’est pas le Dieu de l’Evangile, n’est pas le Dieu de la Bible.
Mais le Dieu dont parle ce verset est autre. Il est un Dieu de relation, un Dieu d’alliance, un Dieu d’amour. C’est ce que nous dit ce verset, c’est ce que nous dit l’Evangile, c’est ce que nous dit la Bible.
D’ailleurs, quoiqu’en disent certains, s’il n’y a pas de dieu, si le monde n’a pas de début, pas de création, il n’y a pas non plus de liberté possible. Pas de liberté possible, puisque tout est déterminé par des lois physiques et mathématiques. Seule l’existence d’un Dieu personnel et créateur permet la possibilité de liberté. Dans le cas contraire tout est aliénation et absurde. A quoi bon vivre et aimer puisque cela ne changera rien, puisque tout est déjà déterminé ?
En affirmant qu’il y a un Dieu personnel et aimant, toute la perspective est changée, renversée. Tout est possible. Tout peut recommencer. Voilà le message de l’Evangile.

A aimé

L’amour, l’amour, tout le monde rêve de l’amour. Mais quel amour ? Celui qui cherche sa propre satisfaction ? Celui qui se lasse ? Celui qui passe ? Celui qui vous tombe dessus, et qui peut tout aussi bien disparaître ? Non, il ne s’agit pas ici de cet amour-là.
L’amour de Dieu, et d’ailleurs aussi l’amour qu’il demande, est un amour qui n’a aucune exigence en retour, qui ne cherche pas à retirer quelque avantage. C’est un amour qui ne désire que le mieux pour l’autre. Cet amour est difficile pour les hommes, mais c’est de cet amour que Dieu nous aime. Rien ne peut modifier, rien ne peut détruire cet amour de Dieu pour les hommes.
Il faut effectivement bien comprendre que nous ne pouvons pas modifier cet amour de Dieu, ni par nos éventuels mérites, si c’était possible, ni par nos fautes certaines, nos péchés. L’amour de Dieu pour nous ne dépend pas de nous. L’amour de Dieu pour nous ne dépend pas de nous.

Tant aimé

Il est même ajouté : tant aimé. Un superlatif pour caractériser l’amour de Dieu. Il n’est pas possible d’évaluer, de mesurer l’amour de Dieu. Rappelez-vous Ephésiens 3:18 qui parle de l’incommensurable largeur, longueur, profondeur et hauteur de l’amour de Dieu.

Le monde

Le monde c’est à dire le monde entier, tous les hommes, sans exceptions, mais aussi le cosmos, c’est d’ailleurs le mot utilisé en grec. L’amour de Dieu n’a pas de limite.
Il nous arrive d’avoir nos limites avec nos contemporains. Pas Dieu. Il nous arrive d’avoir des préjugés sur nos contemporains. Pas Dieu. Et pourtant autant nous ne connaissons pas nos contemporains, autant Dieu les connaît. Et voilà que lui, il les aime, alors que nous...
Nous avons besoin de comprendre qu’il faut regarder les hommes, tous ceux qui vivent autour de nous, ou plus loin, comme des personnes que Dieu aime. Oui, tous.
Dieu les aime, et nous, nous ne les aimerions pas...
Dieu aime notre monde, et nous le maltraitons, et nous le mutilons.
Il y a vraiment beaucoup de choses dans ce verset.

Il a donné

Dieu donne. Dieu a donné. C’est sa volonté. Personne ne l’y oblige, personne ne l’y a obligé, en tout cas, pas sciemment.
Autant il est impossible de modifier l’amour de Dieu, autant il est vain de tenter de l’acheter. Dieu ne nous vend pas son amour. Des bonnes actions pour se faire aimer de Dieu, cela n’a pas de sens. Des mérites, des gestes, des actions, des rites pour racheter des fautes, cela n’a pas de sens.
Dieu est celui qui donne, qui abandonne. Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Ce qui est donné est donné. L’offrande, le sacrifice n’est pas des hommes vers Dieu, mais de Dieu vers les hommes. C’est Dieu qui montre son amour aux hommes, et non le contraire.

Son Fils, le fils

Dieu ne nous a pas donné des lois, des règles, des piliers, des nobles vérités, il nous a donné son Fils, il nous a donné son amour.
Le fils, c’est comme un deuxième lui-même, c’est un deuxième lui-même, c’est lui-même. Nous avons un peu de difficulté à comprendre la grandeur de l’amour de Dieu pour le monde, pour nous, alors imaginez un peu l’amour de Dieu pour le Fils. Mais il a tant aimé le monde, que ce Fils, il l’a donné.

Unique

L’unique, le seul. Il n’y en a pas d’autre. C’est celui qui est venu de lui. Même nature. On ne peut pas dire “chair de ma chair”, mais c’est la même chose, en plus fort. C’est un alter ego, un autre lui-même. Il n’y en a qu’un, et il n’y en aura toujours qu’un. Et c’est celui-là qui est donné. Et c’est celui-là qui se donne, aussi.

Quiconque croit

Quiconque croit, ou encore : tous les croyants, tous ceux qui croient.
Quiconque, ou tous. Pas de critère en plus. Pas d’exigence en plus. Pas de définition en plus. Quiconque, tout le monde, chacun. Moi, chacun de vous, celui qui est assis à côté, derrière, celui qui marche dans la rue, celui qui conduit le train qui passe. Tous. Il n’y a pas de liste noire, personne de rejeté à priori. Jésus disait dans l’Evangile qu’il est venu pour les malades et non pour les bien-portants. Le plus grand des pêcheurs fait partie de ce quiconque.

Les croyants :

Si, tout de même, une chose est demandée : croire.
J’ai bien dit : croire. Il n’est jamais demandé de faire. Il n’est pas demandé de connaître. Il n’est pas demandé d’expérimenter. Il n’est pas demandé de chercher en soi. Il est demandé de croire.
Est-il dit que Dieu n’aime pas ceux qui ne croient pas ? Non. Dieu a tant aimé le monde. Cela reste vrai. L’amour de Dieu reste. La suite dépend de l’homme. La suite, mais pas l’amour de Dieu.
Prenons l’image d’une attraction de parc : le grand huit. Si vous n’avez pas confiance dans l’installation, dans le personnel, vous ne vous assiérez pas dans le siège. Même si l’installation est sans faille et le personnel compétent, vous ne vous y assiérez pas. Et personne ne vous y mettra de force.

En lui

Il ne s’agit pas de n’importe quelle foi. Le seul objet de cette foi, c’est lui, c’est le Fils, c’est le Christ, c’est Jésus. C’est celui qui se donne, qui sera crucifié et ressuscité.
Je rappelle qu’il s’agit ici de croire. Il ne s’agit pas de faire quoi que ce soit, il ne s’agit pas d’obéir à qui que ce soit. Il s’agit de croire en Lui.
C’est en lui qu’il faut placer sa confiance. Ce n’est pas en nous mêmes. La tentation est grande de vouloir mettre toutes les chances de son côté. On veut s’assurer de la réussite. Il ne nous est surtout pas demander de croire en soi. Il est demander de croire en Lui.
Il ne nous est pas non plus demandé de croire en d’autres, en quelqu’un d’autre.
Même si cet autre se réclame de Lui. Il est le seul auquel il faut croire.
Il ne s’agit pas non plus de croire pour croire. Aucune autre religion ne satisfait à cette condition unique.
Si au lieu du seul avion allant, disons à Bruxelles, vous préférez celui qui va à New York, parce que vous le trouvez plus beau, plus sûr, plus confortable, vous n’irez pas à Bruxelles.
Jésus ne nous a pas dit : je connais le chemin. Jésus ne nous a pas dit : je montre le chemin. Jésus nous a dit : Je suis le chemin.
Tous les autres nous disent le chemin, nous montrent le chemin. Mais ces chemins mènent ailleurs. Le seul chemin, c’est Jésus Christ. C’est en lui qu’il faut placer sa foi, sa confiance.

Ne périsse pas

Le verbe ici veut dire soit périr soit être perdu.
Vanité des vanités, tout est vanité. Combien de nos concitoyens ont l’impression de perdre leur vie, de vivre en vain, de passer à côté de la vie. Même s’ils veulent donner l’impression du contraire. Combien de nos contemporains sont déjà morts, même s’il sont encore vivants. Une des caractéristiques de la vie, d’un être vivant, c’est la relation, l’existence de relations avec les autres êtres vivants et avec le milieu. Mais, ces relations sont si souvent absentes, ou alors totalement dénaturées.
Tout alors peut paraître absurde, inutile, sans perspective. On recherche par conséquent le plaisir. On l’obtient parfois. On est souvent déçu ou amer. Est-ce que c’est la vie, ça ?
Et même, cette vie là, avec cette pauvre qualité là, cette vie va s’arrêter un jour. C’est un fait incontournable.
Que faire ? Que nous dit l’Evangile ? Que nous dit ce texte ? Il parle de ne pas périr, de ne pas se perdre, de ne plus se perdre. Il ne nous propose pas d’attendre une autre vie, dans un autre endroit, dans un autre temps, il nous propose une autre vie dès maintenant. Celui qui regarde au Christ, celui qui regarde aux autres, a devant lui déjà une autre vie. Sa vie cesse d’être absurde, elle prend un sens par le don du Fils.

La vie

La vie, le fait d’être vivant. Voilà ce qui est donné, promis, à celui qui croit.
On peut tout de même se demander ce qui a empêché notre monde, notre cosmos, notre humanité, nos voisins, nous-mêmes, ce qui a empêché que la vie soit toujours présente. La réponse est connue. On la formule par un “gros mot” théologique : le péché. C’est quoi le péché ? C’est le manque ou l’absence de confiance en Dieu, le manque de foi, c’est la défiance envers Dieu. Et c’est ce qui empêche la vie d’être la vie. Et c’est ce qui produit absurde et frustration.
Celui qui place sa foi, sa confiance dans le Fils, celui là retrouve la vie et son véritable sens.

Éternelle

La vie éternelle. Ce n’est pas pour plus tard. Le verset ne dit pas que la vie éternelle est un futur. C’est un présent, déjà. La vie éternelle est donné dors et déjà, maintenant et à jamais.
Cette relation que nous établissons avec Dieu, ou plutôt, cette relation que Dieu rétablit avec nous, avec chacun d’entre nous, n’est pas appelée à se terminer brusquement.
La non-vie, qui est le lot de celui qui ne place sa foi dans le Christ, est déjà une mort. Celui qui croit, c’est celui qui reçoit déjà la vie nouvelle, la vie éternelle.

Car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle.

Qu’est-ce qu’il y a à retenir d’important de ce verset si connu. C’est Dieu qui donne. C’est Dieu qui rétablit la relation. C’est Dieu qui aime.
La foi chrétienne n’est pas une religion à faire. Ce n’est pas une morale à respecter. Ce n’est pas un code de règles à obéir. Il est inutile et même impossible de compenser quoi que ce soit.

Raisonner ainsi, c’est raisonner en terme de jugement. Celui qui croit n’est pas jugé, mais celui qui ne croit pas, qui compte donc sur lui est déjà jugé, par le simple fait que c’est ainsi qu’il fonctionne et qu’il doit affronter l’échec, les oeuvres mauvaises. Pratiquant ainsi l’échec, le mal, il fuira la lumière, la vérité.
Alors que Dieu donne. Il suffit d’y croire. C’est là qu’est la lumière.
Dieu est amour. Il suffit d’en vivre. C’est là qu’est le salut.

Amen

(Philippe Cousson)

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