Poitiers -Beaulieu, 18 mai 2014

Jean 14:1-14

Cher frères et soeurs,

on trouve dans beaucoup de nos lieux de culte des versets écrits sur les murs ou les frontons, et le verset central est un des plus fréquents : Je suis le chemin, la vérité et la vie. C’est une bien jolie phrase. Mais, pour comprendre ce qu’elle veut dire, c’est un peu plus compliqué. Nous allons essayer d’y voir plus clair.

En préparant cette prédication, je pensais aussi à une série d’émissions de télévision éducative : les chemins de la connaissance. C’est aussi ici le propos de Jésus : si vous me connaissiez...

Je vais donc partir de cette affirmation centrale de Jésus, telle que nous la rapporte l’évangéliste : Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi.

D’abord, le Père est présent dans presque chaque verset. Il est donc au coeur du passage. Il en est l’origine, l’âme et l’objectif. En fait les versets où il manque sont ceux qui parle du chemin, du chemin vers Lui. S’il n’est pas présent dans ces versets, il en est l’horizon. Nous y reviendrons.

Reprenons donc les trois partie de l’affirmation d’identité de Jésus : le chemin, la vérité et la vie. Et on peut assez rapidement s’apercevoir qu’ils correspondent aux trois parties du texte. Après le verset 1 qui introduit le tout, les versets 2 à 5 nous parlent du chemin, les versets 7 à 9 de la connaissance, ou si vous préférez de la vérité, et les versets 10 à 14 de la foi et des oeuvres, c’est à dire de la vie.

Dans son discours, après avoir annoncé sa mort, Jésus tente d’expliquer qu’il faut faire confiance, et au Père et à lui, et qu’il part préparer une place, une demeure dans la maison du Père. Il parle de son départ et de son retour, il parle du chemin. Toutes ces années en leur compagnie, ils ont fait avec lui une partie de ce chemin, qu’il va terminer seul. Mais apparemment les disciples n’ont vu que sa compagnie et pas le chemin qu’ils accomplissaient, ni la destination qu’il leur donnait, ni la rencontre vers laquelle il les menait.

D’où la question de Thomas : Nous ne savons pas où tu vas, nous ne pouvons pas en savoir le chemin.

Sa question me rappelle une chanson populaire : Ah dis-moi donc bergère, par où ce chemin va ? Eh, par ma foi Monsieur, il ne bouge pas de là. Les disciples étaient avec Jésus sur le chemin, mais pas en chemin avec lui, ils l’accompagnaient, mais sans avoir conscience du terme du voyage.

Pour beaucoup de chrétiens encore aujourd’hui, la vie de croyant est un chemin qui semble sans perspective, sans objectif. Ils ne savent pas où ils vont et pourquoi. Leur chemin ne bouge pas de là.

Il existe un classique de la littérature anglaise de la fin du 17e siècle qui est une allégorie de la vie chrétienne, qui la présente comme un pèlerinage, en français : le voyage du pèlerin de John Bunyan, un dissident emprisonné pour avoir célébré un culte en dehors de l’église anglicane officielle . C’est une bonne illustration, quoique datée, de la vie spirituelle, du chemin spirituel du chrétien.

Après leur avoir parlé du chemin, celui qu’ils ont fait avec lui, celui qu’il est lui-même, Jésus va leur parler de la vérité. Vous connaissez le Père, et vous l’avez vu.

Aussitôt, c’est Philippe qui réagit : Où ça ? Où ça ? Montre-le-nous !

Patiemment, Jésus essaye d’expliquer. Cela fait maintenant plusieurs années que tu me suis, que tu me vois, que tu chemines avec moi, que tu m’écoutes. Qu’est-ce que tu as vu ? Ce que tu as vu ne te rappelle-t-il rien ? Ne t’es-tu jamais demandé si ce que tu voyais, entendais n’évoquait pas les prophéties des Ecritures ? Jamais ? N’as-tu pas compris que ce qui se manifestait devant tes yeux, c’était la manifestation de la présence du Père ? Tu ne l’a pas reconnu dans ce que tu as vu ? Pourquoi est-ce que je devrais te le montrer ? Tu ne le verras pas mieux. En es-tu resté à me regarder au lieu de regarder ce que je désignais, qui je désignais ? N’as-tu vu que mon doigt au lieu de voir la main du Père ?

Ce que tu m’as vu vivre, ce que tu m’as vu faire, ce que tu m’as entendu dire, tout ceci disait que le Père était là, parce que je suis dans le Père et que le Père est en moi. Tous les signes que tu as vu ne montrent-ils pas quelque chose d’autre, quelque chose d’ailleurs, quelque chose du Père ?

Croyez en Dieu, et croyez en moi avait dit Jésus au premier verset. Et maintenant, pour montrer qu’il est la vie, il affirme que celui qui croit en lui, celui-là aussi vivra de cette vie et qu’il en portera les signes, les oeuvres, parce que si les disciples demandent, il le fera. Et ces oeuvres seront plus grandes, puisqu’il sera avec le Père. C’est le Père qui fait les oeuvres, c’est le Fils qui les fera, c’est le croyant qui les fera, et tout cela simultanément pour que le Père soit glorifié dans le Fils.

Jésus est le chemin. Il est à l’origine de notre vie chrétienne, il en est le déroulement, l’itinéraire et la destination. Il en est tout le chemin. Le suivre, c’est l’écouter et le voir agir. C’est le voir partir et l’attendre avec confiance.

Jésus est la vérité. Il est celui que l’on a vu et entendu, que l’on a compris et accepté, que l’on a reconnu comme l’envoyé du Père, comme le Fils, comme l’image du Père, comme une manifestation du Père. C’est ainsi qu’on le reconnaît, qu’on le connaît.

Jésus est la vie. Il est cette vie vécue, celle d’un homme, totalement, mais aussi celle de Dieu, faite de signes, d’oeuvres. Il est cette vie de confiance, de foi.

Et moi, qu’est-ce que je suis en face de lui ? Où est mon chemin, ma vérité, ma vie ?

Jésus est le chemin, la vérité et la vie. Et nul ne vient au Père que par lui.

Bien, il est le chemin. Mais en quoi est-il mon chemin ?
Est-ce que je suis arrêté au bord du chemin, à l’écouter même éventuellement ? Est-ce que j’ai compris que ce chemin qu’il est est un chemin qui conduit quelque part ? Quelque part où j’ai envie d’aller ? Quelque part où j’ai besoin d’aller ?
S’il est le chemin, est-ce que ce chemin, je le fait derrière lui, en le suivant, en en voyant le dos, en étant dans son ombre ?
Oui, ce serait déjà bien. Mais il souhaite que ce chemin, nous le fassions avec lui. Non pas derrière lui, mais avec lui. Non pas en le suivant, mais en marchant côte à côte. Non pas en voyant son dos, mais en parlant face à face. Non pas dans son ombre, mais dans sa lumière.

Et pourtant, contrairement aux disciples, il n’est plus physiquement avec nous. Mais nous avons le témoignage de ceux qui l’ont accompagné, de ceux que sa résurrection a illuminés, nous avons ses paroles telles qu’elles nous été rapportées, ses gestes et ses signes pour nous indiquer où mettre nos pas sur ce chemin.

Sur ce chemin, nous marchons vers le Père, vers ce lieu, vers cette demeure. C’est bien ça ? Oui, mais pas seulement, il s’agit aussi d’aller avec le Père, avec le Père qui va vers les hommes, qui leur porte des signes comme Jésus l’a manifesté.

Si je dis que je connais Jésus, est-ce que je connais aussi par conséquents le Père ? Est-ce que les signes que je pose sont des signes, des paroles, des oeuvres qui montrent le Père ? Qui montrent Jésus et donc montrent le Père ?

Est-ce que ce chemin qui est le mien, ce chemin que je dis être Jésus, est-ce que ce chemin me permet de le connaître ? De connaître le Père ? Jésus est-il ma vérité ? Malgré les doutes qui peuvent m’assaillir, est-il cette vérité ultime qui seule peut me rassurer ?

Jésus est la vie. Est-ce que je vis de cette vie ? Les oeuvres que je fais, sont-elles les oeuvres qu’il fait ? Ces actions, ces paroles qui sont les miennes, sont-elles aussi les siennes ? Est-ce qu’elles montrent Jésus ? Est-ce qu’elles montrent le Père ? Cette vie qui est la mienne, est-elle aussi la sienne ?

Si Jésus est le chemin, la vérité et la vie, est-ce que mon chemin, ma vérité et ma vie sont des signes qui pointent, qui indiquent, qui montrent le chemin, le seul, Jésus, la vérité, la seule, Jésus, et la vie, la seule, Jésus ?

Parce que c’est en lui que tout est récapitulé, résumé, condensé, complet. Il est la manifestation, la réalisation du salut du Père pour l’humanité, pour la création, pour toi et moi.

Que votre coeur ne se trouble pas. Croyez en Dieu et croyez en lui. Et donc, vivez de ce chemin, de cette vérité, de cette vie. Faites les oeuvres qui sont votre chemin, qui portent votre vérité, qui manifestent la vie que vous avez reçue. Par tout cela montrez le Père, et son amour.

Jésus nous rappelle : Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Que votre coeur ne se trouble pas. Croyez en Dieu et croyez en moi.

Amen.

(Philippe Cousson)

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