Rouillé et Poitiers Croix de Beaulieu, 17 mai 2015

Jean 14:1-12

Chers frères et soeurs

Des textes sont habituellement proposés à notre méditation du dimanche tout au long de l’année, sur un rythme de 3 ans. De plus, on nous propose un plan de lecture suivie. Ou plutôt devrais-je dire deux plans, puisque deux listes concurrentes existent. Celle de Parole pour tous et celle de la Bible en 6 ans, avec des listes de lecture différentes. D’habitude les deux listes s’accordent sur les textes du dimanche, qui sont communs avec les catholiques et d’autres églises chrétiennes, même si chez nous ils sont seulement indicatifs. Mais voilà pour ce dimanche et le suivant, les textes sont différents. On peut être en Jean 17 ou en Jean 14. J’en suis resté à Jean 14, qui est le texte indiqué sur la brochure de la Bible en 6 ans.

Au chapitre 12 le même évangile selon Jean rapporte une parole de Jésus au moment où il va annoncer sa mort prochaine : Maintenant, je suis troublé. On peut le comprendre.
Et voilà que 2 chapitres plus loin, une autre parole de Jésus rapportée au début de cet échange avec les disciples leur dit : Que votre coeur ne se trouble pas.
Jésus a traversé ce trouble et sait ce qui attend les disciples. Il veut les rassurer. Il veut leur indiquer quelque chose de fondamental pour la vie qui les attend très bientôt comme témoins de l’Evangile. Il sait qu’ils auront besoin de se reposer et d’être rassurés.

Il leur dit qu’ils trouveront auprès du Père, dans sa maison, des gîtes, des endroits où se reposer. C’est le sens du mot. Ils trouveront une place, un lieu, un endroit, et il va le leur préparer. Comme dans beaucoup de textes bibliques, ce qui est dit peut avoir plusieurs sens sur plusieurs plans : un sens eschatologique à la conclusion des temps, mais aussi dans le présent ou le futur proche, dans la durée du voyage, du pèlerinage d’ici-bas. Le fait que je développe ce dernier sens n’invalide en rien l’autre.

Avec Thomas, Jésus parle de chemin. Un chemin peut être intéressant en tant qu’il conduit quelque part ou en tant qu’il est un parcours à effectuer. Thomas entend le premier sens et s’interroge sur la destination. Jésus répond sur le parcours. Il va même plus loin. Il est le chemin. Et pas n’importe lequel. J’y reviendrai.

Par ce qu’en fait, ce texte nous parle aussi d’autre chose, sur la manière d’appréhender le monde. Il nous parle de foi, de savoir et de connaissance. Il ne nous parle pas de rationalité. Et pourtant... c’est presque ça.

Aux disciples troublés auxquels il vient de laisser le commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres, auxquels il vient de déclarer qu’ils ne peuvent le suivre où il va, il leur dit de croire en Dieu et en lui. On peut d’ailleurs lire cette partie de plusieurs façons, qui ont toutes un sens. Croyez en Dieu et croyez en moi, ou bien, Vous croyez en Dieu, croyez en moi, ou bien, vous croyez en Dieu et vous croyez en moi.

Pour comprendre le monde, il y a la foi, c’est à dire la confiance, la confiance en Dieu, la confiance en Jésus, la confiance en leur Parole et en leurs oeuvres, comme on le verra à la fin.

Certains disent que cette foi est un non-sens. Considérer le monde par la foi est quelque chose de déraisonnable. C’est d’ailleurs le sens des remarques de Thomas et de Philippe.

Jésus utilise successivement deux verbes grecs qui correspondent à deux verbes français qui disent des choses un peu différentes et auxquels répondent les deux disciples.

Vous en savez le chemin.
On peut faire un jeu de mot en français qui devait sans doute aussi être faisable en grec tant les deux mots sont proches : savoir vient de voir. Je sais ce que j’ai vu.
Thomas entend ici que Jésus confond le chemin et le terme du voyage. Or Jésus ne dit pas cela. Il dit : vous savez le chemin qu’il faut parcourir vers où je vais. Vous le savez parce que vous m’avez vu le parcourir, parce que vous m’avez vu parler et agir. Comme vous m’avez vu, faites moi confiance, n’ayez pas peur, ne soyez pas troublés, vous recevrez le repos, aussi pendant le parcours.

Et Jésus précise : ce parcours que vous m’avez vu vivre, il est aussi le chemin, parce que c’est ce que j’ai vécu. Je suis le chemin. Et même plus : je suis le chemin, la vérité et la vie, ou plutôt même, je suis le chemin de vérité et de vie. Au point que pour atteindre le but, pour aller vers le Père, au bout du voyage ou dès maintenant, il faut arpenter ce chemin. Il faut se placer dans ses pas. Ce n’est que par Jésus l’a parcouru que cela est possible.

Et c’est alors que Jésus change de verbe. Il utilise le verbe connaître. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez le Père. D’ailleurs vous le connaissez, puisque vous me voyez.

Mais Philippe n’a pas saisi le changement de vocabulaire. Il en est resté à savoir/voir. Montre-nous le Père.

Mais Jésus a vraiment changé de mot. Et ici aussi on peut risquer un jeu de mot, à la fois en français et en grec : connaître et naître. Connaître, c’est aussi naître, naître avec et naître par.
Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu n’as pas encore compris qui je suis. La vue de ce que je fais, l’écoute de ce que je dis, ne t’ont-t-elles pas encore fait naître à autre chose, ne t’a-t-elle pas placé sur ce nouveau chemin ? N’as tu pas vu en moi le chemin de vérité et de vie qu’il te faudrait vivre ? N’as tu pas reconnu dans ce chemin la trace que faisait Dieu lui-même dans ce monde ?

Et Jésus lui demande, leur demande, de faire ce saut, ce double saut, de la vue qui amène un savoir, à une connaissance qui fait naître à une autre vie, puis à une foi, une confiance en celui qui a permis, qui a accompli tout cela.

Et on retrouve dans ce verset 10 les deux caractéristiques de ce chemin qu’indique Jésus, qu’est Jésus, c’est à dire la vérité et la vie. Il y a les paroles qu’il dit, les choses qu’il parle d’un côté, et il y a les actions que Dieu fait, les oeuvres qu’il réalise, les choses qu’il accomplit.

L’oeuvre commune de Dieu et de Jésus, ce chemin de vérité qu’il nous est demandé de suivre, ce chemin de vie qu’il nous est demandé de parcourir, sont ici résumés en paroles et en actes. Et il n’est pas possible de cheminer ainsi sans la confiance, sans la foi en Dieu et en Jésus.

Le savoir est important. Voir et entendre, regarder et comprendre. Mais cela n’est pas suffisant. On se trompe sur l’objet de ce savoir. On ne regarde pas au-delà du visible. Il ne faut pas en rester au doigt qui montre. Il faut aller plus loin.

Il faut passer à la connaissance, à ce renouvellement de l’intelligence, il faut naître à d’autres réalités, appréhender, intégrer ce qui est derrière ce qui se voit, ce qui est plus avant sur le chemin.

Il faut passer à la foi, à la confiance, quand on a compris qu’il y a bien plus que ce que nos sens et notre intelligence peuvent gérer. Savoir ou même connaître que le Père demeure dans le Fils et le Fils dans le Père, cela n’est pas possible. Il faut pour cela la foi, la confiance dans les paroles de Jésus, la confiance dans les oeuvres du Père.

Et alors tout cela se regroupera, tout cela se rejoindra, le savoir et le voir, la connaissance et la naissance, la foi et la confiance pour nous permettre de cheminer sur ce chemin de vérité et de vie qu’est Jésus, que nous montre Jésus.

Et si Jésus leur a dit juste avant qu’ils ne pourraient aller où il va. Après la résurrection, il leur dira qu’ils iront là où il est passé, qu’ils suivront ce chemin et que ce chemin sera aussi difficile que le sien et qu’ils boiront aussi la même coupe. Ils feront les oeuvres qu’ils a faites, et même de plus grandes, mais tout cela en témoins, c’est à dire en martyrs.

Est-ce que vous voulez suivre Jésus sur ce chemin de vérité et de vie ? Est-ce que vous voulez passer du savoir à la connaissance et à la foi ? C’est ce à quoi Jésus nous invite aujourd’hui. Et il commence en nous disant de ne pas se troubler. Alors, mettons-nous en chemin.

Amen.

(Philippe Cousson)

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