Ce texte, conclusion de la parabole du Bon Berger nous est familier. On pourrait supposer que les jeunes générations, surtout dans les villes, ne savent plus ce que sont des moutons, des bergers. Mais il semblerait que non, avec la télévision, le cinéma et la littérature, les livres d'images.
Nous avons ici une image de berger et de brebis, ou de moutons selon les traductions.
Voyons un peu ce que ces quelques versets peuvent nous dire ce soir, en quoi ils peuvent
porter cette voix qui nous entraîne à sa suite.
Premier point : Jésus nous connaît. Le berger connaît ses brebis. Il sait quelle est celle qui court devant et celle qui traîne, celle qui reste près de lui et celle qui s'éloigne au risque de se perdre. Jésus nous connaît comme s'il nous avait fait, dit-on. Il ne nous a pas fait, mais bien son Père, le créateur. Cependant, lui, Jésus, est celui qui est mort sur la Croix pour nous et qui s'est relevé d'entre les morts pour que nous puissions vivre.
Il nous connaît. Il connaît tout ce qui nous empêche de vivre, que ce soit dans notre corps ou dans notre esprit. Il connaît notre vie, parce qu'il l'a vécue, au-delà de ce que nous mêmes pourrions vivre. Ce n'est pas dit ici, mais il est aussi celui qui nous aime. Et c'est pour cela qu'il nous donne cette vie qui est la sienne, à ceux qui écoutent sa voix et qui le suivent, à ceux qui ne s'écoutent pas eux-mêmes, mais qui l'écoutent, à ceux qui, considérant leur vie présente, considèrent la vie qui vient de lui.
Cette vie qu'il nous donne est appelée éternelle. Mais ce mot est piégé en français. On pourrait dire que c'est le temps qui continuera indéfiniment. Mais il s'agit de bien plus. Cette vie éternelle qu'il nous donne, elle est déjà commencée, dès que nous commençons à penser à la Croix et au tombeau vide de Pâques, dès que nous commençons à faire confiance au Christ, à croire en lui. La vie éternelle est déjà commencée, elle est déjà là. Ce qui la caractérise, c'est ce contact avec le Christ, c'est ainsi que nous recevons continûment cette vie d'éternité, cette autre vie, cette vie d'un autre monde, au-delà du temps, au-delà des temps. Cette vie est toujours nouvelle. Ce n'est pas une vie qui n'aurait pas de fin, c'est la vie permanente. Le temps attendu est le temps présent, toujours et dès maintenant. Mais cette vie a une fin, une cause et une fin, l'amour de Dieu, la grâce de Dieu. C'est à la fois la cause, le coeur et la fin de notre vie, son objectif, sa raison d'être. Et la vie chrétienne a cette caractéristique qu'elle est à la fois attente et espérance, et, en même temps, présent vécu pleinement dans la foi et l'amour. C'est cette vie qui nous est donnée.
Et il nous affirme en plus que cette vie ne peut plus être perdue, ici et dans l'éternité, jamais et nulle part, en aucune circonstance. Cette affirmation de Jésus est à la fois un encouragement et une certitude, une déclaration de foi. Les brebis, les moutons du troupeau de Jésus, ses ouailles ne se perdront pas. Ni dans ce temps, ni dans l'autre temps, le temps à venir, ni dans ce monde, ni dans l'autre monde, le monde à venir. Personne n'arracher les brebis de la main de Jésus. Et je vois ici en plus un jeu de mot en grec entre la main et la grâce. Personne ne peut arracher les brebis de la main de Jésus, de la grâce de Jésus. Comme la main ne lâche pas prise, la grâce non plus ne lâche pas prise. Le salut par grâce ne peut plus être ôté. Personne n'est plus fort que cette grâce, que cette main. Personne ne peut la desserrer. Ni quelqu'un d'autre, ni quelque puissance, ni et surtout pas la brebis elle-même. Personne n'est plus fort que la grâce de Dieu qui le touche, qui le transporte, qui le met en mouvement. Cette main qui nous tient, qui nous retient, est en même temps cette main qui nous pousse, qui nous lance, qui nous lâche vers une vie de service et de louange, d'amour et de compassion, maintenant et pour d'autres aventures, ici et en d'autres temps, pour d'autres occasions à vivre, pour tant d'autres rencontres.
La vie n'est peut-être pas facile tous les jours. Jésus le sait. Il a vécu la vie d'un homme, ses souffrances et sa mort. Par sa résurrection, il nous apporte cette vie qu'on n'enlèvera plus à celui qui la reçoit, dès maintenant et pour toujours. C'est ici une assurance certaine. Il nous accompagne en permanence. Il a vécu notre vie, et il nous donne une vie comme la sienne, dès maintenant. Ecoutons sa voix. Il est avec chacun de nous tous les jours, jusqu'à la fin du monde.
Les deux derniers versets ne parle plus directement de nous, même si certaines traductions peuvent le laisser entendre. La fin des versets 28 et 29 sont presque parallèles, mais beaucoup est dans ce "presque".
Si je prends la traduction Bayard qui montre bien la différence, voilà ce que ça donne :
fin du verset 28 : personne ne les arrachera de ma main
fin du verset 29 : on ne peut rien arracher de la main du Père.
Les différences portent sur le sujet, l'objet et le mode du verbe arracher ainsi que sur le
propriétaire de la main qui tient.
La main au verset 28 est clairement celle de Jésus alors que celle du verset 29 est celle du
Père, si tant est que Dieu le Père ait une main. Mais cela reste une image très parlante pour
nous les humains dont la main est si importante.
Sur l'objet tenu et inarrachable est bien spécifié dans la première expression, les moutons,
c'est à dire nous, il n'est pas indiqué dans l'expression relative au Père : "on ne peut rien
arracher", même si certains ont supposé, par parallélisme, qu'ils s'agissait encore des brebis.
Mais ce n'est pas le cas.
Pour le sujet du verbe, il est totalement indéfini dans la seconde assertion, "on" alors que
dans la première, il est supposé une individualité, "personne", c'est à dire "aucune personne".
Et enfin, le verbe lui-même, arracher n'est pas utilisé de la même façon : au futur d'abord :
"arrachera", puis avec un auxiliaire de potentialité, de puissance : "on ne peut pas", il n'existe
pas de puissance capable de".
Maintenant, si nous sommes peut-être ceux qu'ils est impossible d'arracher à Dieu, c'est plutôt à cause de la première partie du verset 29, si souvent mal traduite. La différence porte sur ce qui est le plus grand de tout. Et ceux qui traduisent en disant que c'est Dieu qui est le plus grand de tout sont obligés de préciser l'objet du don, c'est à dire les brebis, ce qui n'est pas dans le texte. Bien sûr cela serait cohérent avec d'autres passages, comme la prière sacerdotale : "je te prie pour ceux que tu m'as donnés". Mais, ce n'est pas le sens ici, et la traduction que je vous ai lu de la NBS est plus exacte : "Ce que mon Père m'a donné est plus grand que tout." Ce, CE et non pas ceux CEUX. Et comme on ne peut rien arracher de la main du Père, ce don reçu de Jésus lui restera. Mais en fin de compte, ce don, c'est sans doute son Eglise, ses brebis, nous. Et ce don est plus grand que tout.
"Moi et le Père, nous sommes un". Voilà quelque chose de difficile à expliquer. Impossible peut-être même. Et pourtant si important. Si nous sommes les brebis du troupeau de Jésus, l'Eglise du Christ, celle que Dieu lui a donné à la Croix, ceux à qui il a donné la vie éternelle à la Résurrection, dès la Résurrection, alors nous sommes concernés par cette unité du Père et du Fils. C'est à cette unité que nous sommes appelés aussi. Puisque nous sommes appelés enfants d'adoption. Puisque la grâce du Père et du Fils ne peux plus nous lâcher, nous laisser tomber, puisque cette main nous accompagne dès maintenant dans la vie éternelle, dont la fin est le service et la louange, l'amour et la rencontre, la communication et la communion.
Nous vivons dans un monde d'apparence où ce qui se voit, ce qui paraît est important, est essentiel. Ici ce passage nous parle d'un monde, d'une vie différente où c'est le don, la confiance et la communion, qui portent la vie, où c'est l'écoute qui porte l'essentiel, où c'est la voix qui fait le lien, où les paroles mettent en route dans la sécurité et l'assurance de la grâce. "On ne peut rien arracher de la main du Père".
Amen.