Esaïe
49:1-7
1
Corinthiens 1:1-9
Jean
1:29-42
Chers frères et soeurs,
L’Eglise, c’est là que se rassemblent ceux qui ont été appelés. Elle n’est pas le rassemblement de ceux qui voudraient pratiquer une ascèse en commun. Elle n’est pas le rassemblement de ceux qui souhaitent pratiquer ensemble les mêmes rites. Elle n’est pas le rassemblement de ceux qui ont une même vision commune du monde et de l’existence. Elle n’est pas le rassemblement de ceux qui souhaitent se tenir chaud pour avoir moins peur. Elle n’est pas le rassemblement de ceux qui veulent changer le monde. Elle n’est pas le rassemblement de ceux qui veulent se changer. Elle est le rassemblement de ceux qui ont été appelés. Elle est en son être même porteuse de cette appel. C’est ce que veut dire le mot qui la désigne, εκκλησια,
Le début de la première épître aux Corinthiens nous donne un peu de précisions : nous sommes appelés à être saints, c’est à dire mis à part. Mis à part, non pas parce que nous serions spécialement méritants, non pas pour profiter de l’éventuel bénéfice de cette sainteté, mais bien comme le prophète Esaïe le dit : établis pour être la lumière des nations. Dieu veut faire de nous des témoins de son salut, des signes vivants de son amour pour le monde. Et cela est possible parce que, comme le dit l’apôtre Paul, le témoignage de Christ a été fermement établi en nous. Vraiment ? Mais le croyant qui cherche ce qu’il ressent peut parfois en douter. Mais Paul ne dit pas : le témoignage de Christ pourrait être établi en vous, il dit qu’il l’est, et qu’il l’est fermement. Il faut prendre cette parole telle qu’elle est : pas une possibilité, pas une potentialité, mais bien une affirmation.
Non seulement vous êtes appelés, mais vous êtes aussi nommés. Vous n’êtes pas pour Dieu quelque chose, mais quelqu’un. Soyez-en sûrs. Et même plus, vous êtes équipés pour répondre à cet appel. L’appel de Dieu n’est pas reporté après une période de formation. A notre époque, à chaque fois que quelqu’un prend un nouveau poste, il est formé. Mais Dieu, à chaque fois qu’il lance un appel, équipe et forme en même temps. Bien sûr, il faut savoir ce qu’il faut dire ou faire. Mais pour cela, il faut être à l’écoute de Dieu, et comprendre ses leçons, ce qu’il nous donne pour vivre et témoigner. Et rester en permanence à son écoute, à son école. Avec toute son intelligence, sa foi, sa vie.
On
voit dans ce passage de l’Evangile de Jean le début de
cette école de disciple, de cette université du
témoignage : voir, écouter puis parler, témoigner.
Dieu
vous a appelés à la communion de son Fils. Voici
comment.
Jean
raconte ce qu’il vient de vivre, lui qui aurait eu beaucoup de
choses à dire sur sa vie de prophète du désert.
Il voit Jésus et il parle, il ne peut pas se taire. C’est
trop important, c’est trop essentiel. Il raconte l’épisode
du baptême de Jésus. Un baptême pas ordinaire du
tout. C’est pour lui, en fait, que je suis venu baptiser. Et
voilà, il était là. Et alors, j’ai vu.
J’ai vu l’Esprit descendre comme une colombe. Or c’est
le signe qui m’avait été donné. Et ce
signe, je l’ai vu. Je l’ai vu et je le dis. Je vous dis,
c’est le Fils de Dieu, lui, cet homme. C’est l’agneau
de Dieu. L’agneau de Dieu, image connue du judaïsme,
symbole transparent, expression courante que tout le monde comprend à
l’époque. En fait image double : l’agneau de la
Pâque, qui au départ de l’Exode met à part
le peuple d’Israël en l’épargnant, et
l’agneau d’Esaïe 53, mené à la
boucherie. C’est le signe de la libération et du coût
de cette libération. Jésus que Jean montre est à
la fois Fils de Dieu, signe et coût de la libération.
Libération de quoi me direz-vous ?
L’agneau
de Dieu qui ôte le péché du monde. Et le péché
du monde alors ?
Dans notre société de consommation, le péché est associé au plaisir qu’il peut procurer. On parle de péché mignon, de péché gourmand. Et pourtant le péché n’est-il pas plutôt source d’aliénation, source d’esclavage. Cette libération du salut de l’agneau, cet appel de vie, serait plutôt pour remplacer un cercle vicieux par un cercle vertueux, pour utiliser encore une terminologie contemporaine.
Voyons maintenant ce qui se passe avec ce témoignage de Jean. Deux de ses disciples (parce qu’il avait des disciples qui le suivaient et l’écoutaient déjà), deux de ses disciples donc, après avoir entendu ces paroles suivent Jésus. Ils n’ont pas encore été appelés, mais déjà interpellés, interpellés par les paroles de Jean qu’ils connaissaient, et par ce qu’ils voyaient de Jésus.
Petite conversation presque anodine : Que cherchez-vous ? Que voulez-vous ? Que me voulez-vous ? Maître ! C’est à dire en fait, nous voudrions pouvoir te suivre pour t’écouter. Où demeures-tu ? On ne sait pas où demeurait Jésus à ce moment-là. Ailleurs il est dit qu’il n’avait pas où reposer sa tête, même si on sait qu’il était reçu, par exemple chez Marthe et Marie. Ces disciples de Jean voulaient s’établir avec Jésus.
Alors, il leur dit, et là est l’appel : Venez et vous verrez. Venez, ne restez pas là, mettez-vous en mouvement. Avec moi, pas de stabilité. Alors vous verrez. Alors vous saurez. Alors vous pourrez à votre tour témoigner.
En fait, c’est même très rapide, puisque le premier va voir son frère. Ils s’agit d’André et de Simon son frère. Nous avons trouvé le Messie. Le Messie, personnage attendu des Juifs de l’époque, associé à beaucoup de textes et d’espérances, encore attendu par les Juifs nos contemporains. Utiliser ce mot signifiait beaucoup pour André et Pierre. Il n’avait pas fallu beaucoup de choses vues et entendues à André pour pouvoir donner ce témoignage.
Mais André a fait plus que simplement donner son témoignage. Il a fait plus que raconter ce qu’il a vu et entendu, plus que d’expliquer ce qu’il a compris. Il a conduit Pierre à Jésus. C’est aussi cela l’appel de l’Eglise, non pas seulement témoigner, raconter, expliquer, ni même être lumière des nations et sel de la terre, c’est aussi conduire à Jésus le Christ, celui qui est présenté comme l’agneau de Dieu, le Fils de Dieu. Jésus-Christ, Fils de Dieu, n’est pas quelqu’un que l’on explique, que l’on raconte, c’est d’abord quelqu’un que l’on rencontre. Et la rencontre est à chaque fois personnelle. Jésus regarde Pierre, il le nomme, et même plus il lui donne un autre nom. Cet autre nom est aussi un appel, une promesse et une mise en route. Et quel destin sera le sien !
Un destin semblable à celui de Paul, qui a une toute histoire au début de sa vie de disciple, marquée elle aussi par une rencontre avec le Christ Jésus, histoire peu ordinaire pour un homme peu ordinaire. Rencontre où il a entendu, et puis où il n’a plus vu, devenu aveugle qu’il était. Il a fallu plusieurs jours pour que sa vue revienne, pour que son logiciel d’observation du monde soit renouvelé, et pour qu’il puisse être ce grand témoin de l’Evangile qu’il a été. Il avait certes une bonne formation biblique et théologique auparavant, mais il a fallu cette transformation pour cela soit utile à Dieu.
Revenons à l’Eglise. Revenons à nous. Nous ne sommes pas André, ni Jean le baptiste, ni Pierre, ni Paul, ni Esaïe, ni Jean l’évangéliste. Mais nous sommes pourtant l’Eglise. Nous avons été appelés. Nous avons été sanctifiés, mis à part. Non pas rendus purs pour être beaux à voir spirituellement, mais pour pouvoir rendre témoignage à la lumière, pour être lumière des nations. Nous sommes ceux qui invoquent le nom du Seigneur Jésus-Christ. C’est pas ce nom et pour ce nom que nous vivons. C’est en lui que nous avons la vie, une vie libérée de l’esclavage, de tous les esclavages. Et cela non pas parce que nous aurions atteint un niveau suffisant de spiritualité, parce que nous aurions su nous élever à un plan supérieur, mais simplement par la grâce de Dieu qui nous a été accordée en Christ-Jésus. Et même encore plus, nous avons été enrichis en lui en toute chose, en toute parole et en toute connaissance. Nous avons été équipés, équipés pour ce témoignage de Christ fermement établi en nous. D’ailleurs, il ne nous manque aucun don.
Toute chose, toute connaissance, toute parole, aucun don manquant ? Pas forcément facile à croire. A se voir vivre et témoigner, on pourrait parfois en douter, souvent en douter. Et pourtant, c’est ce qui nous est dit.
En
attendant la révélation du Christ, son retour, Dieu est
fidèle. C’est lui qui nous a appelés. C’est
lui qui nous a équipés. Il nous a sanctifiés,
mis à part. Alors, il faut se mettre en route. L’appel
nous pousse à aller de l’avant, sans un regard en
arrière. Corrie ten Boom qui fut prisonnière dans les
camps de concentration nazis a dit : Jésus vous appelle, ne
perdez pas de temps à regarder par dessus votre épaule
si quelqu’un vous suit.
Par
contre, notre témoignage doit s’accompagner comme celui
de Philippe à Nathanaël un peu plus loin dans l’évangile
d’une invitation : Viens et vois. Notre mission est aussi comme
celle d’André, de conduire à Jésus.
La foi chrétienne n’est pas un corpus de choses à croire, de rites à accomplir, d’expériences spirituelles à accumuler, il s’agit d’une personne à rencontrer, d’une personne qui appelle, qui appelle et qui attend qu’on se mette en route.
Amen