Poitiers, 20 décembre 2009

Luc 1:5-25

Chers frères et soeurs,

Luc nous raconte qu'avant d'aller rendre visite à Marie, l'ange Gabriel est allé rencontrer Zacharie dans le Lieu Saint du Temple.
C'est ce récit que nous allons examiner pour y chercher un message pour nous aujourd'hui, une parole, une bonne nouvelle, qui nous parle de Dieu et de sa grâce.

Nous allons donc regarder ce dialogue entre l'envoyé de Dieu et Zacharie, et le cadre dans lequel Luc le rapporte.

Il y a deux personnages qui traversent tout ce récit. Il y a d'abord Zacharie, même s'il n'est ni le premier, ni le dernier mentionné. Et il y Dieu, alternativement appelé le Seigneur, que Luc place sur presque toute la longueur. Mais ici ce n'est pas Dieu qui intervient directement, comme dans tant de passages de l'Ancien Testament. Il envoie son ange. Nous en reparlerons. Cependant, Luc a voulu dire que Dieu était tout de même toujours présent.

Au début et à la fin, on trouve Elisabeth, la femme de Zacharie. Ils sont tous les deux justes devant Dieu nous dit le texte, mais étaient âgés et sans enfants. Et l'opprobre des hommes était sur eux, sur Elisabeth surtout, jusqu'à ce qu'à la fin elle disparaisse avec l'arrivée de cet enfant tant espéré.

A la suite ainsi qu'avant la fin on trouve un autre personnage, et un endroit particulier : le peuple et le Temple.
Zacharie, prêtre, est de service durant cette période. Et même, comme cela n'arrivait qu'une fois dans la vie d'un prêtre selon la Mishna, il est choisi pour offrir les parfums : une cérémonie où il est seul dans le Lieu Saint et qui d'habitude n'était pas très longue. Mais quelque chose d'anormal s'est passé. C'était plus long que prévu et le peuple attendait, en prière.

La raison de ce délai se trouve au centre du texte : l'apparition de l'ange. Apparition soudaine. Diverses parties du récit sont marquées trois fois par le même mot : Egeneto, il y eut, il se passa, mais ici : Apparut un ange du Seigneur. On aurait presque pu ajouter "Soudain". Il est là, à droite de l'autel des parfums. Zacharie est troublé, il est effrayé. On le serait à moins.

Alors l'ange parle. Il annonce l'exaucement de la prière de Zacharie. Quelle était cette prière ? Mais c'est évident, l'enfant qu'il n'a pas. Cela n'est pas si évident qu'il pourrait y paraître. Le texte n'indique pas l'arrivée de cette enfant comme une conséquence de cet exaucement.

Réfléchissons. Je vous ai dit que ce moment était rare. De plus il était dans le Temple pour offrir les parfums au nom du peuple rassemblé. Est-il possible de croire que dans ce moment solennel pour lui et pour le peuple, il portait sa propre prière ? Ne priait-il pas plutôt pour le salut du peuple, pour sa délivrance ? Délivrance qu'il était sans doute en train d'attendre, d'espérer, comme Anne ou Siméon. Cet enfant annoncé, ne serait-il pas plutôt le signe précurseur de cette délivrance, de ce salut qui arrive, qui est là, à la porte, pour le peuple, pour ce peuple que l'enfant sera chargé de préparer, de ramener.

Et l'ange est lyrique, presque dithyrambique sur cet enfant dont il donne le nom et dont il fixe le cadre de vie. Il aura un rôle dans le salut du peuple.

L'ange a parlé seul. Et Zacharie prend la parole, et casse l'ambiance. Bassement matérialiste, Zacharie. Nous sommes vieux, ma femme et moi. Quelle garantie ai-je que tu dis vrai ?

Un peu fâché, comme vexé, l'ange lui répond. Il décline son nom, Gabriel, et sa place, il se tient à la droite de Dieu, et il lui donne un signe éloquent : il sera muet. Quoi de plus explicite ? Pas besoin de mots inutiles.

Zacharie sort du Temple, il retrouve le peuple, puis plus tard, son service terminé, il retrouve sa femme, dans sa maison.

Ce passage nous place dans trois cadres de la vie de Zacharie : son cadre familial, de Juif pieux d'une famille sacerdotale. Ensuite le cadre social et religieux, liturgique, sa fonction entre le peuple et Dieu. Enfin le cadre de sa vie spirituelle, de sa relation personnelle avec Dieu, avec ses craintes, ses doutes et ses malentendus.

Et c'est dans cet enchâssement de cadres de sa vie que fait irruption l'ange de Dieu.
L'ange est cet envoyé, cet apôtre, ce messager de bonnes nouvelles, cet évangéliste. Il est là pour parler, pour communiquer les promesses de Dieu.
L'attitude de Marie, quelques lignes plus loin, sera différente de celle de Zacharie. Elle ne demandera pas de garantie, de caution. Elle acceptera cette bonne nouvelle, comme plus tard les bergers.

Si on fait un peu attention au choix des mots dans ce passage, on s'aperçoit que l'arrivée de l'ange apporte un changement. Je crois qu'on peut trouver là quelque chose pour nous.
Avant que l'ange n'intervienne, les termes marquants le temps sont présents presque à chaque verset, on retrouve : le mot jour ou sa racine, le mot heure.

Et puis, à l'apparition du messager, c'est comme si le temps s'était arrêté. Plus de repère temporel. Et il faut la reprise de parole de Zacharie pour que le temps réapparaisse avec les jours d'Elisabeth. L'ange alors parle aussi de temps, puisque Zacharie a ré-enclenché le mécanisme. Jusqu'à la fin, on retrouve : le mot jour, deux formes du temps : kairos et chronos, ainsi que les cinq mois.

Deux autres détails. Au début du texte, Luc veut situer son récit dans l'histoire : Dans les jours d'Hérode, roi de Judée. Pas très précis, parce que son règne a été long. Mais tout de même situé dans l'histoire, l'histoire des hommes, l'histoire du peuple. Et à la fin, Luc donne une indication de lieu, pour aussi incarner cet épisode dans l'histoire humaine, dans un lieu humain, Zacharie retourna dans sa maison, pas simplement comme il est parfois traduit : chez lui, mais bien dans sa maison.

Que retenir alors pour nous ? Quel message pour notre vie ? Quel message de la part de Dieu ?

Je voudrais relever deux choses, notre attitude face au temps, et ce qu'il en est de notre prière en relation avec les promesses de Dieu.

Je le sais, nous ne vivons pas à Paris ou dans une grande ville où tout le monde court. Mais, même ici, comme dit l'adage, le temps c'est de l'argent. Pourquoi les autoroutes, pourquoi le TGV, sinon pour gagner du temps ? Et puis, on est content, quand viennent les vacances, ou les RTT, de pouvoir alors prendre son temps. Comme si le temps était à nous, comme si nous pouvions en disposer, au moins dans ces circonstances. Mais en fait, même quand on a du temps de libre, on continue de courir. Parce nous savons tous que notre temps est limité, et nous souhaitons y placer le plus de choses possibles. Alors on compte le temps, en heures et en mois, en secondes et en années.

Et c'est dans cette course effrénée qu'intervient le messager de Dieu, l'envoyé qui porte son Evangile, sa bonne nouvelle. Il stoppe le temps. Il nous oblige à nous arrêter. Il arrête nos véhicules, comme l'Ethiopien avait arrêté son char.

Est-ce que nous sommes prêts à nous arrêter ? Est-ce que nous savons mettre du temps à part pour permettre à Dieu de nous parler, de nous dire sa bonne nouvelle, son évangile de grâce, celui qui concerne son Fils Jésus-Christ, celui que Jean-Baptiste allait annoncer, celui dont il devait préparer le chemin ? Est-ce que le message arrive à nous rattraper dans notre course folle ? Est-ce que nous filons plus vite que le vent du Saint-Esprit ? Si nous laissons Dieu nous approcher, alors le temps s'arrête. Le temps n'est plus la référence. C'est la présence, la grâce du Seigneur qui emplit l'espace et le temps.

Bien sûr que l'action de Dieu se situe aussi dans le temps et dans l'espace, dans notre temps et dans notre espace, dans le monde qu'il a créé, mais c'est lui qui en est le maître, et non plus nous. Le temps de Dieu, c'est le temps de la grâce, le temps de l'espérance, le temps de l'Avent. Jésus-Christ est venu, il y a bien longtemps, mais saurons-nous lui laisser le temps pour qu'il nous rejoigne.

Ce moment du dimanche matin que nous mettons de côté est une pause que nous faisons pour écouter Dieu, le louer, l'accueillir et repartir vers notre maison remplis d'espérance. De plus dans ce culte, il y a un moment plus particulier où le temps s'arrête, celui de la Sainte Cène. C'est un moment où le Christ nous rejoint. Il nous rejoint chacun, et il nous rejoint ensemble, en tant que son Eglise. C'est un moment où par le Saint-Esprit nous devenons nous aussi bonne nouvelle et peuple de Dieu avec le Christ comme guide et compagnon, ami et frère, Sauveur et Seigneur.

Ce dimanche matin au culte dans ce lieu que nous appelons aussi temple, nous sommes réunis pour la prière. Mais quelle prière ? Une prière de louange, personnelle et collective. Un chant liturgique à la gloire de Dieu. Nous sommes tous collectivement ce peuple sacerdotal, qui offre les parfums. Quelle est notre prière ? Est-ce une prière pour le salut des hommes ? Pour le salut du monde ? Une prière d'intercession ? Une prière pour l'Eglise et ses membres ? Est-ce une prière pour nos proches ? Est-ce une prière pour nous-mêmes ? Une prière pour soi ?

Et quand, seul, nous sommes devant Dieu dans la prière, quelle est notre prière ? Quel exaucement attendons-nous ? Un exaucement qui nous concerne ? Un exaucement qui concerne les autres, le salut, l'espérance ? Réfléchissons sur le centre de notre prière, et sur l'importance que nous pouvons apporter à l'exaucement. Nos prières sont-elles formelles, ou attendons-nous, espérons-nous même un exaucement ?

Nous savons à quel Dieu nous adressons nos prières. Nous savons que notre espérance est en Lui. Est-ce que nous avons besoin de garanties ? Quel poids donnons-nous à sa Parole, à ses promesses ?

Si nous avions besoin de preuve, la venue de Jésus, il y a maintenant plus de 2000 ans, sa vie, sa mort sa résurrection, sa venue prochaine, sont pour nous les signes de l'amour et de la grâce de Dieu, de cet amour et de cette grâce qui nous touche, qui nous a touché, chacun, qui concerne le monde et les hommes, auxquels il nous est demandé de porter cette parole d'espérance. C'est à notre tour d'être les messagers de la bonne nouvelle, les apôtres de la libération, ceux qui amènent le retournement des coeurs.

Acceptons donc d'interrompre la course du temps pour écouter Dieu, pour lui parler, et pour transmettre cette parole dans la prière et dans la confiance.

Amen

(Philippe Cousson)

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