Poitiers, 2 août 2009

Exode 33:11-23

Chers frères et soeurs,

Voici encore un texte qui nous rapporte un dialogue entre Dieu et Moïse à la forme directe. C'est ce que je recherchais. Je n'avais pas d'idée de départ sur le message à délivrer. Je me suis simplement mis à étudier ce texte, à le regarder sous toutes les coutures, autant que me le permettaient mes légères études.

Et je suis arrivé à la conclusion que Moïse n'était pas loin de la tentation du veau d'or. Il voulait voir la gloire de Dieu. Oh, il n'a pas même tenté de construire une statue, ni même la moindre image. Mais il en voulait une au moins dans sa tête. Il voulait voir.

Si on cherche dans ces quelques versets qui est celui qui voit, ou dont les yeux voient, même si la traduction ne redonne pas toujours ces deux mots là où ils sont, on s'aperçoit que dans la première partie, jusqu'au verset 17, avant la deuxième demande de Moïse, celui qui voit, c'est Dieu, et uniquement lui. Par contre dans la deuxième partie, celui qui souhaite voir, c'est Moïse.

Mais, cette ambiguïté se retrouve dès la première partie avec le verbe connaître. Celui qui connaît, c'est Dieu et celui qui désire connaître, c'est Moïse. On n'est pas très loin non plus du jardin d'Eden.

Avant de reprendre ce qui me semble l'essentiel du passage, c'est à dire comme pour tout texte biblique qu'est-ce qu'il a à me dire sur Dieu, qu'est-ce que ses rédacteurs successifs ont voulu m'en dire, je relèverai deux ou trois petites choses.

D'abord, la présence à 9 reprises dans l'original hébreu du mot face, pas toujours traduit. La face, le visage, mot d'ailleurs grammaticalement toujours au pluriel, c'est aussi la présence, la personne, la surface, le devant, le sens et même la colère. C'est tout ce qui apparaît à l'avant de quelqu'un, à la surface de quelque chose. C'est aussi le texte d'un livre. C'est ce qui se voit de la personne ou de l'objet.

Dans le verset 11, où il est dit que Dieu parlait avec Moïse face à face, il n'est pas dit que Moïse voyait Dieu. Ils se comprenaient l'un l'autre.

Et puis, on ne sait pourquoi, Moïse soudain veut voir, il veut connaître.

Vous vous rappelez dans le dialogue au moment du veau d'or du ping pong autour de la propriété du peuple : ton peuple, non, ton peuple.
Et ici le texte se livre à un petit jeu de mot : au verset 13 : Vois que ton peuple c'est cette nation. Le mot peuple est en général appliqué à Israël et le mot nation aux païens. Donc le peuple de Dieu est une nation. Il n'est pas écrit : comme les autres, mais c'est presque sous-entendu.
Et un peu plus loin au verset 16, le texte renverse l'image : que nous nous distinguions moi et ton peuple de tout le peuple qui est sur la surface ou la face de la terre, on pourrait ajouter arable.
Cette fois-ci le peuple, il y a bien l'article et le singulier, tout le peuple, c'est l'humanité. Comme si l'ensemble de l'humanité était un peu quand même le peuple de Dieu, qui manquerait de distinction.

Le peuple de Dieu est une nation, et toute nation fait partie du peuple. Notez que la version grecque des Septante rétablit ce qu'elle croit normal en replaçant nation à la place du dernier peuple.

La première demande de Moïse est un peu énigmatique : Tu ne m'as pas fait connaître qui tu enverras avec moi. Il n'en est plus à demander qu'Aaron l'accompagne. Et on sait que Josué le suit partout. Alors, qu'est-ce qu'il veut ? Il veut connaître le chemin de Dieu, il veut le connaître, il veut que la face de Dieu aille avec eux, que Dieu marche avec eux, il veut voir la gloire de Dieu. Si Dieu n'est pas un dieu comme les autres, cela doit se voir, non ?

Voilà comment on peut comprendre le raisonnement de Moïse.
Aaron a accepté que le peuple ait un dieu qui rapproche le peuple des autres peuples. Moïse cherche un dieu qui différencie le peuple des autres. Mais leur démarche est tout de même ressemblante. Ils veulent un dieu visible, compréhensible, qu'on peut appréhender. Un dieu qu'on puisse connaître, décrire.

Mais, tel n'est pas Dieu.
C'est Dieu qui voit, c'est Dieu qui connaît. C'est à ses yeux que Moïse trouve grâce.
Et une formule nous permet d'aller un peu plus loin. Je te connais de nom. L'expression est présente 3 fois. Le nom est quelque chose qui se dit, qui s'appelle, qui se crie. Le nom est une parole. Dieu est un Dieu de parole. Au verset 11, les échanges entre Dieu et Moïse sont des échanges de paroles.

Et la foi, c'est l'écoute de cette parole, c'est l'échange de cette parole. La foi se vit par la parole, pas par la vue.

Venons à la deuxième demande de Moïse : Fais moi voir ta gloire.
Quelle demande ! Quelle exigence !
Mais Dieu ne proteste pas. Il ne se fâche pas. Il arrange le coup, mais à sa façon. En délivrant quelques messages subliminaux.

D'abord quelques correctifs, quelques adaptations : tu veux voir ma gloire. C'est ma bonté qui passera. Ma gloire, c'est ma bonté. Ma bonté, c'est ma gloire.
Je parlai du nom à l'instant. Je crierai à ta face le nom l'Eternel.
Un autre aspect de la gloire de Dieu, c'est son nom, celui que les Juifs actuels ne veulent pas prononcer.
Et Dieu ajoute des précisions sur ce nom : je fais grâce à qui je fais grâce et miséricorde à qui je fais miséricorde. Encore une définition de Dieu, une de ses caractéristiques essentielles.

Si tu cherchais à voir ma face, tu ne le pourras pas. L'homme, celui de la terre, l'adam que tu es aussi, ne le peut pas.
Mais, je vais arranger quelque chose.
Voici un lieu près de moi. Tu te tiendras sur le rocher. Quelque chose de semblable est rapporté plus tard avec Elie. Et un peu plus loin, Je te mettrai dans un creux du rocher et je te recouvrirai de ma paume. La main de Dieu qui s'était appesantie sur l'Egypte, qui avait fait monter le peuple devient paume protectrice. Et l'image du rocher ne vous fait-elle penser à un personnage plus tardif ? Oui, vous savez, mon rocher, ma forteresse.

Et la gloire de Dieu passera, et Dieu passera. C'est la même chose. Et puis Dieu retournera sa paume. Et alors Moïse verra. J'emploie le futur, car le texte est au futur. Ce n'est pas le récit où Moïse voit, c'est une citation d'un dialogue. Il n'est pas dit si cela s'est finalement réalisé.

Et alors, Moïse verra... le dos de Dieu, l'envers de Dieu. Il verra ce qui est après que Dieu soit passé. On ne peut connaître de Dieu, voir de Dieu, que ce qu'il a laissé, que ses traces, que le résultat de ce qu'il est, de ce qu'il fait.

Qui prétend décrire Dieu, qui prétend connaître Dieu ne peut que suivre ses traces, examiner ce qu'il a laissé, écouter sa parole.

Même animée, l'image est figée, elle ne peut pas rendre la vie, porter la vie. L'image ne peut pas marcher avec nous. Seule une parole, une parole de grâce peut accompagner le peuple, le croyant.

Et même, il ne servirait à rien de chercher à garder une image de Dieu. Ce serait celle d'un instant, car même si Dieu est le même hier, aujourd'hui et demain, l'image de l'instant suivant serait différente. L'image vue par un autre serait différente. La grâce de Dieu est la même pour chacun, mais elle est différente pour chacun.
Dieu connaît chacun de nom, par son nom, et son nom à lui est l'Eternel, grâce et miséricorde, il est le rocher qui protège et la main qui recouvre.

Même si nous ne le voyons pas, la face de Dieu nous accompagne, elle marche avec nous, elle marche devant nous, et nous en voyons les effets, nous en ressentons les conséquences, nous le voyons par derrière.
Dieu n'est pas ce talisman qui nous accompagnerait, il est le Dieu qui prépare le chemin.
Dieu est celui à qui nous parlons et qui nous parle, si nous savons l'écouter.

Voilà donc quelques caractéristiques de Dieu. Quand je vous disais que l'étude d'un texte biblique consiste à rechercher ce qu'il nous dit de Dieu !

Nous ne le voyons pas, nous ne voyons pas sa gloire, mais nous pouvons la chanter.
Alléluia, louez l'Eternel.

Amen.

(Philippe Cousson)

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