Poitiers, 7 janvier 1990, culte commun
Jean 1:14-18
1 Pi 5:8-11
1 Cor 16:13-14
Fortifiez-vous ! Qui ça ? Nous ? Comment ? Serions-nous faibles ? Mais enfin, Paul, qu'est-ce que tu nous chantes ? Nous, nous sommes forts, tous autant que nous sommes ! Nous, nous n'avons jamais eu autant de pasteurs, et nous, nous n'avons jamais eu autant de conversions ! Demande donc au Seigneur, tu verras bien ce qu'il te dira, que notre foi est bonne... et nous sommes de bonne foi, n'est-ce pas ? Et que notre vie est très chrétienne. Voyons, Paul, tu nous demandes de nous fortifier !
Que parmi vous tout ce que vous faites se fasse avec amour. Mais c'est évident, c'est l'amour qui nous guide, n'est-ce pas ?
Paul dit : parmi vous. Parmi qui ? Dans la même épître, au chapitre 1 v. 12 il nous décrit les destinataires de cette lettre, et donc de ces exhortations : l'Eglise de Corinthe, une église divisée, une église diverse. Il y en a de Paul, d'Apollos, de Céphas, de Christ même ! Un peu comme beaucoup de villes de notre midi, avec ceux de Calvin, ceux de Wesley, ceux de Darby, ceux qui sont libres, ceux qui baptisent, ceux qui attendent, ceux qui chantent, ceux qui prient, ceux qui lisent la Bible, sans oublier, pourquoi les oublier, ceux de Rome. Et encore, il n'y a pas ceux de Luther, ceux de Byzance, ceux qui sont autonomes, ceux qui sont unis, ceux qui sont plus ou moins larges, enfin il y a l'Eglise quoi ! Et c'est à une telle église que Paul s'adresse, avant l' Alliance Evangélique, avant le Conseil oecuménique, le B.E.M. et autres lieux communs. Cette exhortation s'adresse donc à nous, église divisée, église diverse.
Parmi vous, que tout ce que vous faites... Tout ce que nous faisons ? Tout, oui, tout ! Il n'y a pas d'exceptions à l'amour. Il n'y a pas de bonne raison pour rejeter l'amour. Pensons y bien, nous qui nous disons chrétiens, parmi nous, tout doit être fait avec amour. L'équation paraît simple chrétien=amour. L'amour, c'est bien joli, mais envers qui ? Envers tous, c'est à dire, d'abord, à lui l'honneur et la gloire, envers Dieu lui-même. Lui, qui nous a tant aimé, doit être l'objet de notre amour. D'accord ?
Ensuite, envers nos proches, ceux de notre communauté. Bien que cela paraisse facile, ce n'est pas toujours évident. J'ai tort ou j'ai raison ? Ne cherchez pas dans la salle si par hasard celui ou celle que vous aimez moins, et peut-être encore moins, est bien là.
Et puis, envers les autres chrétiens. Eh oui, notre amour doit s'exercer envers eux aussi, envers les autres chrétiens, ceux qui sont de la famille, les frères séparés, les cousins, même remués de germains, ceux à qui on ne cause plus, à cause d'une histoire, d'il y a bien des années, ou d'il y a bien des siècles. Ce sont aussi des frères, il font aussi partie de l'Eglise de Christ, celle qui bien que divisée est confessée régulièrement comme universelle. Je crois la Sainte Eglise Universelle. Et Paul nous donne, et pas seulement lui, la composition de cette Eglise, Rom 10:9 et 10. Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus. Voilà ce qui doit essentiellement nous guider : le chrétien est celui qui confesse la seigneurie du Christ.
Et enfin, cet amour, qui doit se manifester dans et par l'Eglise, est aussi tourné vers les autres hommes. Christ est aussi mort sur la croix pour eux. L'amour de Dieu a aussi été porté à son comble pour eux. Si nous ne croyons pas cela, alors n'évangélisons pas. A quoi bon aimer, aider, soutenir, évangéliser ceux que Dieu n'aimerait pas. Mais voilà, il les aime, et à notre tour il nous faut les aimer, tels qu'ils sont, éventuels futurs croyants, ou éventuels agnostiques blasés, ou éventuels athées bornés, quels qu'ils soient, aimons les.
Que nous dit le feuillet de prière, en reprenant le verset 13 ?
Veillez ! Quelqu'un dort-il ici ? Alors pardon de t'avoir réveillé
! Reprends ton repos mon frère.
Veillez ! Dormirions-nous ? Et si oui, de quel sommeil ? Peut-être du
sommeil du juste. Car, en somme, c'est bien, le sommeil du juste. Une petite
sieste bien méritée. Enfin, voilà Seigneur, je le mérite
ce repos, moi justement, je suis juste n'est-ce pas. Je ne suis pas comme les
autres. Je ne suis pas comme ceux qui ne prient pas, je ne suis pas comme ceux
qui ne lisent pas ta Parole, je ne suis pas comme ceux qui ne parlent pas de
toi, je ne suis pas comme ceux qui ne secourent pas leur prochain, je ne suis
pas comme ceux qui ne se soucient pas du monde, tu vois bien Seigneur, je ne
suis pas comme... ce publicain. Moi, le pharisien, je peux dormir sur mes deux
oreilles.
Ou alors, au contraire, notre sommeil est-il agité ? Agité de soucis, de problèmes, de difficultés. Ah, toutes ces nuits blanches, ce n'est pas de tout repos. Et en plus de cela, il faut que je cauchemarde, les regrets, les remords, ça non plus ça n'est pas rose. Et parfois même ils me poursuivent le dimanche matin au culte. Je me trompe ?
Quelque soit notre sommeil, physique, spirituel, il nous faut veiller. Attention à ceux qui baillent ! Bailler n'est pas veiller. Veillez à ne pas bailler ! On pourrait penser que les choses de Dieu ne vous concernent que de loin, que vous ne veillez que d'un oeil, et dormez de l'autre.
Quand à ceux qui dormiraient, Réveillez-vous ! Quel doit être pour votre esprit le réveil-matin spirituel qui vous sortira de votre torpeur ? Est-ce le témoignage en parole et en acte d'un chrétien, est-ce un passage de l'Ecriture, est-ce une révélation émanant de Dieu même ? En tous cas, réveillez-vous, levez-vous, ressuscitez (c'est le même mot). ! Une nouvelle journée est devant vous, une nouvelle vie est là. Il faut la vivre, et ne pas s'endormir sur ses lauriers, ou plutôt sur les épines de la couronne du Christ.
Quand on observe l'histoire de tous les réveils que l'Eglise de Jésus-Christ, l'Eglise Universelle, a traversé, on constate que chaque réveil a été précédé de la sonnerie retentissante d'un réveil-matin appelé repentance. Au départ de chaque réveil, qui toujours touchait pratiquement toutes les églises diverses du même lieu, il y a la repentance de l'église, de tous, des responsables et des autres. On est vraiment bien dans son lit douillet de routine et de confort, bien au chaud entre soi. Qu'il est difficile de s'en faire sortir ! Qu'il est difficile de ne pas y revenir, de ne pas se couler à nouveau dans des habitudes autrefois nouvelles !
Mais voilà, veillez, cela veut aussi et surtout dire : restez en éveil. Bien entendu, il n'est pas exigé de votre corps de faire la grève du sommeil, mais il faut que votre intelligence, que votre esprit soient toujours en éveil. Les drogues, les diverses méditations, transcendantales ou autres, veulent faire planer, elles veulent détendre, libérer, endormir la volonté, l'intelligence, l'esprit. Le nirvana, la paix intérieure, est-ce le sommeil de l'âme ? Un peu croiser les mains pour dormir comme disaient les proverbes ? Non, Veillez ! Restez en éveil !
Et puis demeurez fermes dans la foi !
Pour demeurer ferme, il faut d'abord l'être. Logique non ? Mais être
ferme, est-ce être fermé ? La fermeté est-elle la fermeture ?
Peut-on être ferme sans être bouché ? Notre conviction est-elle
toujours aussi fondée que cela ? Se peut-il que la conviction d'un autre,
quoique différente soit aussi fondée. Sans bien sûr que
tout mon univers s'écroule. Etre ferme, c'est aussi cela, être
solide sur ses bases, et en aimer un autre qui est dans la même situation,
c'est à dire, solide sur ses bases. Oui mais voilà, il se trouve
que sur les mêmes bases, solides, disons du rocher plutôt que du
sable, on peut construire des maisons, construites sur le roc donc, qui ne sont
pas exactement faites pareilles, et pourtant aussi solides, stables et fermes
l'une que l'autre, et bien sûr elles ne sont fermées ni l'une ni
l'autre.
Bien, nous sommes fermes, et maintenant, il faut y rester, y demeurer, sans
s'endormir, rappelez-vous il y a deux minutes. Demeurer ferme, qu'est-ce que
c'est ? Est-ce de la rigidité qu'il faut ? Devons-nous être inflexibles
? Devons-nous avoir un cou raide ? Est-ce vraiment la seule solution pour éviter
d'être emporté à tout vent de doctrine ou autre ? Songeons,
ou plutôt veillons sur notre enracinement, c'est ici qu'est la fermeté
dans la foi. Ne soyons pas aveuglés par nos convictions, mais regardons
plutôt à la foi dans laquelle il faut demeurer ferme, aux bases
véritables qui nous assurent de notre fermeté, à Christ,
à sa croix et à sa résurrection.
La foi, c'est à la fois croire et vivre. La foi concerne ce que l'on
croit et guide ce que l'on vit. Si on ne sait plus trop que croire, comment
savoir quoi vivre ? Si la vie ne nous concerne plus trop, alors à quoi
bon croire ?
Croire, c'est avoir reçu un certain nombre de choses, c'est avoir compris un certain nombre de vérités, qui nous ont touchés, qui nous ont atteints. Et ce n'est pas fini. Ce n'est pas le moment de s'endormir. Il y en a encore à venir. N'en restons pas au lait que reçoit le nourrisson. Et chacun de nous en est à un moment différent. Et chacun de nous a reçu des choses différentes, comme il était utile pour le Royaume de Dieu. Ne nous arrêtons pas pour sommeiller, il y a d'autres choses à faire, et d'autres choses à comprendre pour être prêt à les faire.
Car la foi, c'est aussi vivre. Un croyant, c'est aussi un pratiquant. Une foi qui ne se vit pas s'engourdit, elle passe en hibernation, elle s'endort. Veillez ! Demeurez fermes dans la foi ! Où vivons-nous ? Quand vivons-nous ? Ici et maintenant. Pas dans un pays et à une époque imaginaires, pas dans un monde de rêves, même doux, même pieux. Ici et maintenant. Dans notre monde, où le pire côtoie le meilleur, où le désespoir côtoie l'espérance. C'est dans ce monde là qu'il nous faut vivre notre foi, qu'il nous faut confesser de la bouche, qu'il nous faut aimer, qu'il nous faut veiller, qu'il nous faut demeurer ferme dans la foi.
Alors, fortifions-nous. Reprenons des forces auprès du Seigneur. Nous en avons besoin.
Quand je suis faible, c'est alors que je suis fort ! Qu'est-ce qu'on devrait
être fort dans ce cas !
Réveille-nous Seigneur. Ouvre nos yeux, notre coeur. Ne nous laisse pas
sommeiller, ne nous laisse pas un peu croiser les mains.
Veillez ! Demeurez fermes dans la foi ! Fortifiez-vous ! Que parmi vous, tout
ce que vous faites se fasse avec amour.
Amen.