Poitiers, 26 octobre 2008

Exode 22:20-26
1 Thessaloniciens 1:5-10
Matthieu 22:34-40

Chers frères et soeurs,

voici un texte très connu, répété souvent dans notre liturgie.

Nous allons encore nous y plonger.

Jésus vient d'avoir une discussion avec les Sadducéens sur la résurrection des morts. Il leur a montré que leur question n'avait pas de sens.
Sur le sujet de la résurrection, les Pharisiens avaient une position semblable à celle de Jésus. Mais cela ne veut pas dire qu'ils se ralliaient à lui. Au contraire, comme les Sadducéens, ils voulaient lui tendre un piège, qui le prendrait en défaut sur l'interprétation des Ecritures, la Loi, c'est à dire la Torah.

C'est donc l'un d'entre eux qui s'y colle. Certains manuscrits disent : un légiste, c'est à dire un connaisseur et interprète de la loi.

Il interpelle donc Jésus : Maître !
C'est à dire celui qui enseigne. Lui reconnaît-il cette qualité de maître ou est-ce plutôt pour flatter ou même ridiculiser ? De toutes façons, il n'était pas là pour recevoir un enseignement de la part de Jésus. Il aurait plutôt pris la place de l'examinateur, de celui qui interroge pour contrôler les connaissances et l'interprétation des étudiants.

Voyons la question posée :
Quel commandement est grand dans la loi ?
Mais, la loi est un tout. Il n'est pas possible d'en ressortir un commandement, ce qui relativiserait les autres. Vous savez bien que la hantise des religieux scrupuleux est de pécher par inadvertance, sans s'en rendre compte. Et c'est pour éviter cela que des tas de règles de la vie de tous les jours ont été établis.
Non, parmi les commandements de la loi, il n'y en a pas de petits. Ils sont tous égaux, tous à respecter à la lettre.
Alors, si Jésus en fait ressortir un, c'est qu'il y en a des moindres. Et ce n'est pas admissible.
Dans la loi, tous les commandements sont grands.

Mais Jésus répond, en citant la Torah, et cite un commandement. Il fait mine d'entrer dans le jeu de son contradicteur.
Mais le commandement qu'il cite n'est pas n'importe lequel. C'est celui qui suit la phrase qui est LA confession de foi des Juifs, une sorte d'équivalence à la profession de foi des Musulmans. Cette phrase, qu'il nous arrive même de chanter en hébreu, c'est Ecoute Israël, L'Eternel est notre Dieu, l'Eternel est un. Shema Israel.
Et c'est la suite que cite Jésus.

Ce premier commandement de Jésus, ainsi d'ailleurs que l'autre qu'il cite, commence par : Tu aimeras.

Ce n'est pas un commandement qui commence par : Tu feras, ni par : Tu ne feras pas.

Beaucoup de nos contemporains attendent que l'amour leur tombe dessus. Ici, l'amour n'est pas subi, c'est un commandement. Et ce commandement n'est applicable, que parce qu'il existe un autre amour qui est déversé sur nous.

Tu aimeras... ton Dieu. Pas un Dieu, pas Dieu, pas le Dieu, pas Tel Dieu, mais bien : tu aimeras TON Dieu. Cela signifie que doit s'établir entre ce Dieu devenu le tien et toi un relation vivante, une relation d'amour.

Et Jésus qualifie cet amour demandé : de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée. Tout ton coeur, toute ton âme, toute ta pensée. Pas beaucoup de reste pour autre chose.

Et cette exigence que cite Jésus, c'est le grand commandement. Jésus semble entrer dans le jeu de son interrogateur. Et il va même plus loin : c'est le premier commandement.

Si c'est le premier, c'est qu'il a au moins un successeur.
En voilà un second. Mais, pour qu'il n'y ait pas de malentendu, Jésus ajoute aussitôt c'est un semblable. C'est à dire : ce n'est pas parce qu'il est second qu'il est moins important. En fait lui aussi est grand. Alors, il y a au moins deux grands commandements. La joute commence à devenir un peu moins favorable au questionneur.

Tu aimeras...
Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Jésus cite encore la Torah. Et cette fois-ci, la confession de foi suit la citation : Je suis l'Eternel ton Dieu.

Tu aimeras ton Dieu, tu aimeras ton prochain.
Cet amour que Dieu veut n'est pas éthéré, mystique, abstrait, il est bien concret et proche : il s'agit de TON Dieu, de TON prochain. Cet amour qui t'est demandé te touche.

Vers Dieu, ce doit être de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée, vers ton prochain, ce doit être comme toi-même, ce qui est quasiment équivalent.

Et là, Jésus porte l'estocade : Ces deux commandements, c'est toute la loi. Ils la contiennent, la résument.
Ou plutôt, toute la loi y est accrochée, comme la marmite à la crémaillère. D'ailleurs c'est la même étymologie.
Toute la loi, tous les commandements, tous, sont accrochés à ceux-ci. Les autres commandements n'ont pas de sens indépendamment de ces deux là.

Et Jésus va même plus loin. Non seulement toute la loi, toute, dépend de ces deux commandements, elle y est accrochée, mais aussi les Prophètes, c'est à dire toutes les Paroles de Dieu, toutes les Ecritures. Toute la Révélation est portée par cet amour demandé.

Que dire de cet amour demandé pour Dieu ?
Il n'existe que parce qu'il existe un autre amour, celui de Dieu pour nous. Cet amour de Dieu est toujours premier, vraiment premier. Rappelons-nous Jean 3:16 : Car Dieu a tant aimé le monde.

Tant aimé. Me semble-t-il, cela dépasse même ce qui est demandé ici : de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée. L'amour de Dieu, lui, n'est pas mesurable.

La relation d'amour introduit une intimité. Elle abolit la distance. Elle permet la prière. La prière est un dialogue. Ce n'est pas une supplique adressée à quelqu'un de lointain. Ce sont des mots d'amour, des mots d'amour échangés.

De la même façon que les Ecritures sont tenues par cet amour, elles sont aussi le moyen principal par lequel Dieu se révèle, le moyen qui éclaire tout ce qu'il est possible d'observer et d'écouter pour comprendre l'amour que Dieu nous donne et nous demande d'avoir autour de nous.

Aujourd'hui, les églises issues de la Réforme Protestante fêtent la Réformation en souvenir de l'acte posé par Martin Luther à Wittemberg.
Rappelons-nous du coeur de ce message : la grâce seule, la foi seule, l'Ecriture seule. L'amour de Dieu est premier. Il est à la racine même des deux grands commandements d'aujourd'hui, des deux commandements auxquels sont accrochés tous les autres.

Parce qu'en fait, le salut des hommes ne dépend pas de leur obéissance, ni même de ce qu'ils auraient réussi à aimer leur prochain, ou même à aimer Dieu, mais bien de ce que c'est Dieu qui d'abord nous aime.

Ces deux commandements sont accrochés, et bien accrochés à l'amour de Dieu, à sa nature même. Et notre salut aussi.

Le message de la Réforme Protestante est donc : N'essayez pas par votre obéissance de vous acquérir le salut. Cela n'a pas d'utilité dans ce but-là.

D'abord et premièrement Dieu aime. Alors, il est demandé à celui qui sait qu'il est aimé d'aimer Dieu, et d'aimer son prochain.

Nous venons au culte pour retrouver celui qui nous aime, et que nous aimons. C'est un moment spécial de rencontre avec Lui. C'est aussi un moment de rencontre avec les autres chrétiens. "A ceci tous reconnaîtrons que vous êtes mes disciples..."

Bien sûr, nous avons d'autres moments avec Lui, mais celui-ci est partagé et ritualisé.

Que cette rencontre avec Lui et entre nous nous aide pour les jours à venir, et que notre intimité avec lui se développe de plus en plus, parce qu'il nous aime, et qu'il nous faut l'aimer, ainsi que notre prochain.

Amen.

(Philippe Cousson)

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