Poitiers, 14 août 2011

Matthieu 15:21-28

Comme dirait le pasteur Mino Randria, "juste quelques mots pour actualiser ce passage".

"Ta foi est grande". 4 mots en français comme en grec. Mais une affirmation qui embarrasse bien souvent des croyants. Combien de chrétiens qui pensent, modestement, qu'ils sont simplement des "petits croyants". Voyons cela de plus près.

La foi. Quelle définition en donner ? Comment l'appliquer à notre vie ?
Une définition connue se trouve dans le chapitre 11 de l'épître aux Hébreux : "La foi, c'est l'assurance des choses qu'on espère, la démonstration de celles qu'on ne voit pas." Bien... et alors, si je n'ai pas cette assurance ? Je n'ai pas la foi ?

Restons plus prosaïques : voyons le sens du mot français "foi", ou de son équivalent grec : croyance, confiance, engagement, auxquels il convient d'ajouter un sens de l'équivalent hébreu : fidélité. Oui, mais alors, comment mesurer la croyance, la confiance, l'engagement, la fidélité ? Est-il possible de croire à moitié ? Est-il possible d'avoir en partie seulement confiance ? D'être partiellement fidèle ? Il nous arrive parfois d'entendre de telles expressions. Mais n'est-ce pas une manière de dire que cette croyance, cette confiance, cette fidélité ne sont pas réelles, pas véritables.

Cependant, la foi n'est pas une demi-assurance des choses qu'on espère. Il n'y a pas de petites lignes au contrat. La foi n'est pas une demi-démonstration des choses qu'on ne voit. Il ne reste pas de lemme ou de théorème à démontrer. Il n'y a pas non plus de demi-fidélité. Parce qu'en fait, il ne s'agit pas de notre fidélité. Il s'agit des promesses du Seigneur. Il s'agit des engagements de Dieu. Et ce ne sont pas des demi-engagements. La foi est quelque chose à saisir. Dieu est à prendre au mot.

Je vais mentionner ces quelques mots du prophète Habaquq, repris plusieurs fois dans le Nouveau Testament, avec ici ou là quelques nuances : "le juste vivra par la foi". Ce n'est pas la justice qui définit la foi. C'est la foi qui définit la justice. C'est la foi qui conduit à la justice. C'est la foi qui donne la vie.

A tel point que Jésus mentionne plusieurs fois l'expression : "ta foi t'a sauvé". Non seulement la foi conduit à la justice, la foi donne la vie, mais la foi donne aussi le salut. Ce n'est pas le salut qui donne la foi. Quand Jésus dit : "Ta foi t'a sauvé", il signifie : "ce ne sont pas tes efforts, ni tes mérites qui t'ont sauvé, seulement ta foi, ta foi en moi, ta foi en Dieu, ta foi dans la puissance de salut de Dieu, ta foi dans l'oeuvre de Dieu en toi".

On tente parfois de définir la foi par ses contraires. La foi, c'est le contraire du doute. Celui qui doute n'aurait pas de foi, ou si peu. Mais le doute fait en quelque sorte partie de la foi. Celui qui commence à douter cherche à comprendre, à revenir à la source de sa foi, source qui est à l'extérieur de lui-même, source qui ne dépend pas de lui-même. Le doute permet de construire et de fortifier sa foi, qui est cette confiance vécue et assumée dans l'amour de Dieu. C'est d'abord dans cet amour de Dieu que se fonde notre foi, pas dans nos sentiments.

Il est permis au croyant de douter, si ces doutes conduisent à une meilleure connaissance du Sauveur et à une vie encore plus orienté vers lui.

Dans le même ordre d'idée, on oppose couramment la foi à la raison. La raison détiendrait toutes les clés de compréhension de notre monde, de manière exclusive. Mais la raison dépend de notre expérience ainsi que de celle de nos prédécesseurs quand on l'accepte. Et la raison telle qu'elle nous est généralement présentée élimine tout ce qui n'appartient pas à l'expérience commune, comme l'existence de Dieu par exemple. Si la raison est ainsi définie, il devient évident qu'elle est alors incompatible avec la foi. Mais est-il raisonnable de comprendre la raison de cette façon ? La raison est le mode de fonctionnement de notre intelligence. En quoi la foi échapperait-elle à notre compréhension ? Il est parfaitement légitime d'utiliser notre raison pour comprendre et formuler notre foi, pour la mettre en pratique et pour la partager. L'auteur de notre foi est aussi l'auteur de notre monde. Il n'est pas possible qu'il y ait contradiction entre la foi en lui et la compréhension du monde. A nous de chercher l'articulation.

Par contre, le refus de la foi, l'incroyance ma paraît totalement contradictoire avec la foi. Même si, en fait, refuser l'existence de Dieu signifie établir avec lui une relation, une relation de négation et de refus, mais une relation tout de même. Refuser de croire, c'est donner existence à un concept, celui que l'on refuse. C'est une forme de foi en négatif. J'aimerais que ceux qui sont mûs par cette foi-là réfléchissent à ce qu'il refusent et pour quelles raisons, quelles sont les conséquences de ce choix sur leur vie et sur leur raisonnement. Est-ce bien l'existence de Dieu qu'ils refusent, ou bien autre chose de plus profond et personnel ?

L'apôtre Paul présente la foi soit comme un bouclier dans l'épître aux Ephésiens ou une cuirasse dans la première aux Thessaloniciens. La plupart des menaces sur les chrétiens sont de la nature de celle rapportée dans la Genèse : "Dieu a-t-il réellement dit ?" La foi, pas uniquement la croyance mais surtout la confiance en Dieu, est une arme de défense contre tout ce qui pourrait mettre en doute l'amour que Dieu porte à chacun. Cet amour de Dieu reste l'ultime réalité. C'est l'objet de notre foi. C'est pour nous montrer cet amour, pour le vivre et le démontrer que le Christ est venu. Rien ne peut nous ôter cette assurance de la vie, de la mort sur la croix et de la résurrection de Jésus. C'est cette certitude-là, cette foi-là qui est le bouclier dont nous avons besoin.

Mais de cela, la femme n'en savait rien. Elle avait seulement entendu parler de ce Juif, elle qui était Cananéenne ou Phénicienne, de celui qu'elle appelle "Fils de David". Et c'est de cette étrangère que Jésus : "Ta foi est grande." Il n'a jamais dit cela des gens de son peuple, même s'il affirme qu'il est venu pour eux. Par contre, il a déjà dit une parole semblable pour un autre étranger, pour le centurion dont le serviteur était malade. Les seuls dont Jésus qualifie la foi de grande sont les étrangers. Il y a aussi un épisode semblable avec un lépreux samaritain.

Par contre, il ne s'est pas gêné pour dire à ses disciples que leur foi était petite, à ses disciples, à ceux qu'il a choisi, à ceux qui ont accompli des miracles quand il les a envoyés deux par deux. Il leur a même suggéré d'avoir la foi grosse comme un grain de moutarde, au moins.

Les disciples ont aussi eu cette impression-là. Il lui ont demandé d'augmenter leur foi. Comme si la foi pouvait être mesurée. Mais Jésus ne donne pas d'échelle de mesure. Il paraît surpris de la foi de la femme et il est déçu de la foi des disciples.

Et nous, comment situons-nous notre foi ? Est-ce que nous agissons et pensons comme si il y avait une échelle de foi, et que nous serions plutôt vers le bas de cette échelle, ou même vers le haut ?

Mais voilà, la foi, cette certitude, cette confiance, cette fidélité, cet engagement, ne peuvent pas se mesurer, s'évaluer. D'abord parce qu'elle ne dépend pas de nous. La foi que nous pouvons avoir ne dépend pas de nos efforts. On ne s'efforce pas d'avoir la foi. On place sa confiance en Dieu ou alors en nous-mêmes. Si c'est un peu des deux, c'est comme si c'était tout en nous-mêmes. Il s'agit de compter uniquement sur Dieu, sur ses promesses et sur son histoire avec chacun d'entre nous. C'est Jésus le Christ qui est mort et ressuscité. C'est ce Jésus qui a désiré rencontrer chacun d'entre nous. C'est lui qui a placé en nous les germes de l'espérance et de l'amour dont il a vécu. "Jésus est l'auteur de la foi et celui qui la mène à la perfection" nous dit aussi l'épître aux Hébreux. Alors donc, comme il est dit juste avant : "Rejetons tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si facilement, et courons avec persévérance l'épreuve qui nous est proposée."

Au lieu d'essayer de s'évaluer soi-même, pour savoir où en est notre foi, il vaut mieux regarder au Christ, à ce qu'il a accompli pour toute l'humanité, et aussi pour chacun de nous. Il faut prendre conscience que si nous cherchons à nous mesurer nous-mêmes, nous arriverons forcément à un résultat négatif. Chacun de nous est très loin du triple A s'il est honnête. Personne n'est à la hauteur. Personne ne peut se construire cette assurance des choses espérées, cette démonstration de celles qui ne sont pas vues. Seul le Christ a cette capacité, pour chacun, si chacun humblement le reconnaît. Il s'agit pour le croyant de reconnaître celui à qui il a affaire, d'identifier son Seigneur et Sauveur, le Christ.

Même si elle n'avait sans doute pas tout compris, la femme étrangère avait reconnu en Jésus son Seigneur, le Fils de David. A nous aussi d'identifier en lui ce qu'il est. Et ceci est l'oeuvre en nous du Saint Esprit. C'est lui qui nous convainc de notre péché et de l'amour de Dieu, du salut qu'il a manifesté en Jésus Christ, Sauveur et Seigneur.

Se poser la question de sa foi personnelle, de la valeur de cette foi peut sembler une question légitime. Mais ce n'est pas la bonne question. La bonne question est celle de la valeur que nous attribuons à Jésus, à son oeuvre de salut, à sa vie qui a manifesté l'amour de Dieu. La bonne question est celle de la valeur que nous pensons que Dieu nous donne. Si nous réalisons et acceptons que Dieu ne regarde le croyant que à travers son Fils, sans tenir compte de nos hypothétiques mérites ou défauts, alors nous commençons à comprendre son amour.

Parce qu'en matière de fidélité, de confiance, la cote de Dieu est celle d'un triple A, à la puissance infinie. C'est elle qui doit donner sa mesure à notre foi. Notre foi, c'est celle que nous plaçons en lui, et certainement pas en nous-mêmes, même pas partiellement.

Christ est notre sauveur et rédempteur. Dieu est amour. Nous avons cette confiance, cette certitude, cette foi, parce que Lui est digne de foi, mais non pas nous. Cela ne dépend pas de nous.

Se poser la question, c'est déjà y répondre. C'est déjà le Saint-Esprit qui agit. Comprendre que la seule foi qui compte est celle de Dieu. Que celle qui pourrait venir de notre part est pour le moins insuffisante ou alors totalement dévoyée. Qu'aucun outil de mesure ne nous trouvera efficace. La foi, celle qui est assurance et démonstration, est celle que nous recevons de celui de qui nous pouvons avoir totalement confiance. Elle ne dépend pas de nous dès que nous renonçons à cette prétention.

Résister au Saint Esprit, c'est ici vouloir absolument avoir une part à cette foi. Mais cette part-là fera plonger automatiquement les indices.

A son retour, le Fils de l'homme trouvera-t-il la foi sur la terre, ou uniquement des hommes pleins d'eux-mêmes ?

Ta foi est grande, parce que l'amour de Dieu est grand, et parce que sa fidélité est grande, au delà de toute mesure. Alors place ta foi en lui.

Amen

(Philippe Cousson)

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