Rouillé, 28 août 2005

Jérémie 20:7-9
Romains 12:1-2
Matthieu 16:21-27

Chers frères et soeurs en Christ,

Parmi les passages qui nous sont proposés aujourd'hui, j'ai choisi la fin du verset 2 du passage de l'épître aux Romains, en fait surtout les trois derniers mots, si on ne tient pas compte de la conjonction et.

On peut se dire en regardant ce court passage qu'il n'y a pas de difficulté. Et pourtant, en regardant la majorité des traductions anglaises, je me suis rendu compte qu'elle comportaient une différence tout de même importante avec la majorité des traductions françaises, même si on retrouve dans d'autres traductions anglaises la compréhension française et inversement. Aborder un texte biblique même court, surtout court, n'est pas du tout si évident que ce la pourrait paraître de prime abord. Une traduction, surtout si on a pris l'habitude de l'utiliser, d'autant plus si on n'utilise que celle-ci, laisse passer beaucoup de richesses, et peut même parfois conduire à des interprétations trop affirmées, sinon douteuses.

Le problème porte justement sur cette dernière partie, et sur la façon dont sont traités ces trois mots, qui sont : bon, agréable et parfait.
Nous sommes habitués à entendre : discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait. Mais les anglophones sont habitués à entendre : discerner la bonne, agréable et parfaite volonté de Dieu.
Même si l'idée semble proche, cela n'est tout de même pas la même chose. Dans la première version, ce texte nous donne presque une définition, ou un critère de ce qu'est la volonté de Dieu, c'est à dire : ce qui est bon, agréable et parfait. Et la deuxième version, quant à elle qualifié la volonté de Dieu, celle-ci est bonne, agréable et parfaite, ce sont ses caractéristiques.
Et on a même quelques autres nuances d'interprétation dans quelques versions : ce qui est bon aux yeux de Dieu, ce qui est agréable : ce qui plaît à Dieu.

Dans toute la suite de ce que je vais dire, il faudra garder à l'idée que ces trois peuvent soit qualifier, soit définir la volonté de Dieu, c'est à dire ou bien comment est la volonté de Dieu, ou bien ce qu'elle est, c'est à dire ce que Dieu veut.

Je vais commencer par passer en revue ces trois mots avec le sens qu'ils ont dans le vocabulaire biblique, puis en recherchant dans quels cas ils ont été utilisés ailleurs dans la Bible. Je terminerai en essayant de voir comment ceci peut s'appliquer à nous ici et maintenant.

Plutôt que le mot bon, la philosophie préfère le mot bien, au moins en français. Elle lui associe une idée de norme, de règle, d'obligation, d'obéissance, de devoir, de vertu. Elle l'associe aussi au bonheur, et l'oppose au mal et au malheur.
Le mot grec agathos, de même que le mot hébreu tov, qui est traduit par bon, ne cadre pas totalement avec cela. Il comporte bien l'idée de conformité, de conformité avec la volonté de Dieu, c'est ce qui détermine le bonheur et la prospérité, mais aussi et surtout, c'est ce qui est conforme à ce que l'on attend. Une chose bonne est conforme à ce que l'on attend, à sa raison d'être. C'est cette idée de conformité à un objectif, à un but, qui me semble ici importante. Ce qui est bon, ce qui bien, n'existe pas, comme ça dans l'absolu, il existe en fonction d'une volonté, d'un objectif, d'un but, d'une destination. La volonté de Dieu n'est pas un code, un ensemble de règlements, de lois, de coutumes, mais bien un objectif, un but, une destination.

Le deuxième mot, euarestos, est traduit en français par agréable et en anglais par acceptable. Il recouvre en effet ces deux sens. En fait il indique que cela plaît. Mais à qui ? A Dieu peut-être ? Sans doute. Mais pourquoi pas aussi au prochain. Notre époque, où on pense souvent à soi même, pourrait penser, n'est-ce pas, que ce qui est agréable, c'est ce qui me plaît à moi. D'ailleurs, le même risque existe pour le mot bon. D'ailleurs ce mot possède une préfixe qui peut signifier très ou bien, et que l'on retrouve dans évangile, bonne nouvelle, ou encore dans eucharistie. Ce serait donc ici alors bien agréable, très agréable. Et si on part sur la traduction acceptable, cela veut donc dire aussi convenable, qui convient, qui correspond aux attentes, qui satisfait aux attentes.

Le troisième mot, teleios, veut dire parfait, mais aussi complet, terminé, accompli. Ce qui était l'objectif est atteint.Il n'y a rien à ajouter. Pour atteindre ce résultat, il faut un engagement total, sans réservé, sans partage, une adhésion, une foi, dans l'objectif fixé. La perfection de Dieu ne vient pas principalement de ce qu'il serait parfait comme une oeuvre d'art, un théorème unificateur ou un cristal de diamant, mais parce que son amour est sans limite. La perfection de Dieu tient à son amour sans réserve. Nous avons dans la croix le témoignage de ce que cet amour est complet, total, parfait, accompli.

Que retenir déjà du choix des mots de Paul : que la volonté de Dieu pour nous, et donc ce qui est attendu de nous, se situe dans une perspective, avec un objectif, une destination. Que la volonté de Dieu n'est pas statique. Qu'il s'agit bien pour nous de nous situer dans ce mouvement, de vivre conformément à ce qui est attendu de nous, d'une manière qui plaise à Dieu, et qui soit totalement et parfaitement coulée dans le flot de son amour parfait.

Maintenant, un petit tour dans d'autres endroits de la Bible pour y retrouver ces mots dans d'autres contextes, et voir ce que cela peut encore nous apporter.

Souvent dans les Ecritures, Dieu est décrit comme bon : Psaume 34:8 "Goûtez et voyez combien l'Eternel est boni", ou alors, Psaume 136 : Célébrez l'Eternel, car il est bon, car sa miséricorde dure à toujours. Et ce psaume lie la bonté de Dieu à sa miséricorde. Au Psaume 25:8, L'Eternel est bon et droit, c'est pourquoi il montre aux pécheurs le chemin.
A tel point que, au jeune homme riche qui l'interpelle "Bon maître", Jésus demande "Pourquoi m'appelles-tu bon ? Dieu seul est bon."
Tout à fait autre chose. Rappelez-vous le début de la Genèse : Dieu vit que cela était bon.
Pour terminer ce parcours, voici deux morceaux de l'épître aux Romains, chapitre 7 : verset 12 : Le commandement est saint, juste et bon, et puis plus loin au verset 17 : Ce qui est bon n'habite pas en moi, c'est à dire dans ma chair. C'est ce qui pousse Paul à nous demander de vivre selon l'esprit et non selon la chair.

Pour commencer les citations du mot agréable, je pense que beaucoup connaissent même par coeur, par qu'il est souvent utilisé dans la liturgie, le passage d'Esaïe 58 : Voici le jeûne auquel je prends plaisir, détache les chaînes de la méchanceté, etc. Une bonne idée de ce qui est agréable à Dieu, acceptable pour lui. On retrouve la même idée dans Actes 10:55 : En toute nation, celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable. Ou dans Romains 14:18 : Le Royaume de Dieu, c'est la justice, la paix, la joie par le Saint Esprit, celui qui sert Christ de cette manière est agréable à Dieu.
Une autre chose qui est agréable à Dieu se trouve décrite dans la première épître à Timothée, 2:3 où la prière d'intercession est décrite comme bonne et agréable devant Dieu.
Je terminerai en reprenant Hébreux 11 où il est dit qu'Hénoch était agréable à Dieu à cause de sa foi, et que sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu.

La loi de l'Eternel est parfaite, nous dit le Psaume 19 verset 8. Et Jacques 1:25 nous précise que cette loi parfaite est la loi de la liberté.
J'avais déjà cité la visite du jeune homme riche. A la fin Jésus lui dit : Si tu veux être parfait... On sait ce qui suivit.
Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait nous demande Matthieu 5:48, nous donnant ainsi l'objectif de Dieu que donne aussi Colossiens 1:28 : afin de rendre tout homme parfait en Christ.
Si la perfection est une caractéristique de la volonté de Dieu, de sa loi, cette loi est aussi la loi de la liberté. Sans la liberté, pas de perfection, pas d'accomplissement. Ne peut plaire à Dieu que celui qui fait le bien, ce qui est bon, totalement, dans la liberté et non dans l'asservissement. Celui qui n'est pas libre ne peut pas être parfait. Et comme on l'a vu, c'est l'Esprit qui libère, et la chair qui asservit.

Sommes-nous donc un peu plus avancés ? Juste avant, Paul nous demande de discerner quelle est la volonté de Dieu. Discerner, ce n'est pas deviner, ce n'est pas imaginer, c'est tester, éprouver, comme on teste un matériau, du métal. Il s'agit pour nous, dans notre vie de tous les jours, de tester, d'identifier ce qu'est la volonté de Dieu, là où il nous attend, là où il nous a placé, afin de répondre à son attente, afin de suivre son mouvement, son intention. Et pour cela Paul nous donne des critères, comme le technicien qui recherche des spécifications précises pour retenir ou non telle pièce ou tel composant : ce qui est bon, ce qui est agréable, ce qui est parfait, car telle est la volonté de Dieu.
Ce que nous supposons être la volonté de Dieu, est-il bon ? Est-ce que cela atteint les objectifs de Dieu ? Est-ce une action d'espérance ? Est-ce que c'est agréable à Dieu ? Est-ce qu'on y retrouve la foi ? Est-ce digne du Seigneur ? Est-ce une délivrance ? Et enfin, est-ce que c'est parfait ? Est-ce que c'est un accomplissement ? Est-ce que s'y manifeste l'amour de Dieu ?

Parce que, si cela n'est pas bon, c'est à dire ne répond pas à une attente de Dieu, si cela n'est pas acceptable mais plutôt indigne ou injuste, si cela n'est pas parfait, mais partiel, incomplet, sans but, alors il y a de fortes chances que cela ne réponde pas aux critères.

Alors, donc, discernez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.

Amen.

(Philippe Cousson)

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