Poitiers, 31/10/1999

Romains 3:21-31
Ephésiens 2:8-9

Quelle journée, quelle époque ! On ne sait plus où donner de la fête !

Nos enfants, depuis quelques années, vont dans les rues de maison en maison en quémandant des bonbons. Aujourd'hui, c'est Halloween !

Demain, nos frères catholiques vont nombreux se retrouver dans les églises pour la fête de tous les saints, la Toussaint.
Mélangeant cette date avec celle du lendemain, le 2 novembre, jours des morts, beaucoup de nos contemporains vont se rendre dans les cimetières, pour se souvenir des morts, et remettre un peu d'ordre aux tombes.

Et puis, il y a nous autres, les protestants, qui fêtons, bien discrètement il faut le reconnaître, le jour de la fête de la Réformation. Nous voulons nous rappeler, et rappeler autour de nous, que le 31 octobre 1517, il y a 482 ans, un moine, un certain Martin Luther, est allé placarder sur la porte de l'église du château de Wittenberg une affiche en 95 thèses contre les indulgences. Beaucoup de personnes étaient attendues dans cette église.

Avant de reprendre les textes de Paul qui sont au coeur du message de la Réforme, je voudrais revenir un peu sur ces fêtes.
Nos sociétés ont installé, tout au long de l'année, des points de repère, des balises, qui sont les fêtes. Confidentielles ou populaires, elles permettent de rappeler un événement passé, un principe général. Elles sont un lien de notre tissu social. Peut-on imaginer la France sans le 14 juillet ?
Nous voici donc ces jours ci face à trois fêtes de types très différents.

D'abord Halloween. Connue et pratiquée en France depuis seulement quelques années, mais très populaire aux Etats-Unis, elle nous viendrait d'Irlande. Bel argument pour la développer en Europe : elle serait européenne. En fait, il s'agit d'une très vieille fête païenne, qui installait la crainte des puissances du mal. Sous la menace d'une malédiction, il s'agissait pour un clergé plus ou moins magicien, de recueillir une dîme obligatoire. Bien sûr, tout ceci a évolué. Il en est resté toute une imagerie de diables, de sorcières, du mal, du cauchemar, de la peur. Sous une forme ludique, il reste cette quête de bonbons, dîme moderne, sous menace de terreur carnavalesque. Le développement de cette fête chez nous est dû à un commerçant qui avait constaté que l'entreprise américaine de déguisements qu'il avait achetée faisait la plupart de son chiffre d'affaire autour d'Halloween. Son introduction en France fut une réussite rapide, en quelques années, suivie par tout ce qui bouge au bruit du tiroir-caisse.

Mais, en passant, pour parler de fête païenne et commerciale, pour parler de récupération, il est une fête païenne à l'origine, qui fut récupérée par le christianisme, et que le commerce a maintenant repris, Noël. Fête à l'origine de la renaissance du soleil, de la lumière, elle devenue célébration de la naissance du Christ, et récemment, elle devenue la fête des enfants et des cadeaux. Combien savent-ils les sens historiques de cette fête ? Combien connaissent l'importance de Jésus-Christ et du christianisme ? Combien ont réalisé ce qu'était cette vie commencée à la crèche et terminée à la croix et à Pâques ?

Voici maintenant la fête catholique de la Toussaint. Fête populaire s'il en est. Mais malheureusement, on n'y célèbre pas tant tous les saints, que tous les siens. C'est une fête typiquement familiale. On y meurt beaucoup sur les routes en se rendant dans les provinces par un climat pas toujours bon. On se retrouve, et on se rend au cimetière pour associer les morts au rassemblement des vivants.

Conserver le lien de la famille à travers le temps, relier les générations, tout ceci est important pour la solidité de notre société. Mais ce lien social a-t-il à voir de manière directe ou magique avec la foi chrétienne ? Faut-il aller d'abord à l'église avant d'aller au cimetière ? En quoi se rappeler de ceux qui nous ont précédé est-il un acte religieux, un acte chrétien ?

Il faut d'abord bien expliquer que pour nous autres, protestants, si nous nous souvenons de ceux qui nous ont précédés, si parfois ils sont pour nous des exemples, nous n'avons avec eux aucun autre commerce que le souvenir. Pas de prière vers eux. Pas de prière pour eux. Leur sort actuel ne dépend pas de nous, en aucune manière. Et notre sort actuel ne dépend pas d'eux, en aucune manière, hormis par ce qu'ils nous ont légué. Seuls le souvenir et un certain respect peuvent nous amener dans le cimetière, et à n'importe quelle date. D'ailleurs, pour des huguenots chatouilleux, ce serait de préférence n'importe quelle date, mais surtout pas la Toussaint ou Rameaux.
Pour nous, Dieu est le dieu des vivants. Notre souci, nos prières doivent être orientés vers les vivants, pour les vivants.

Mais, nous conservons aussi le souvenir de ceux qui nous ont précédés. Aujourd'hui est la seule fête protestante, vraiment protestante, uniquement protestante. Nous nous souvenons de Martin Luther et de sa protestation.

En 1517, en Allemagne, un moine nommé Tetzel parcourait le pays pour récolter des fonds pour la basilique Saint-Pierre de Rome. Bien, pourquoi pas. Mais, voilà pourquoi Luther n'était pas d'accord : Tetzel, contre l'argent, donnait des indulgences, c'est à dire des petits bouts de salut, des mérites devant Dieu, des bons points pour contrebalancer les péchés. On pouvait s'acheter plus même qu'une bonne conscience, on pouvait s'acheter son salut. Voilà ce qui était intolérable à Luther, lui qui venait de comprendre, quelques années auparavant, que le salut que Dieu donne est gratuit, qu'il est une grâce qu'il nous offre, au delà de tout mérite impossible à obtenir, que ce salut est acquis par la foi, uniquement et simplement. Il avait été touché par cet épître aux Romains, dont nous venons de lire un passage.

Dans ce passage, il faut d'abord comprendre quelle était la problématique de Paul. Paul, alias Saul de Tarse, était un juif, versé dans les Ecritures, instruit par les rabbins pharisiens. Son dévouement, son engagement, l'ont poussé à combattre cette secte naissante qui allait devenir le christianisme. Mais voilà qu'il a été rattrapé par le Seigneur, et qu'il est devenu un propagateur de la foi nouvelle. Et cette foi il l'a répandue jusque chez les païens.
Il était donc alors face à un problème : que faire de la foi juive, basée sur la loi de Moïse et sur son observance ? Quel sont les rôles respectifs de la loi et de Jésus Christ dans le salut des hommes ? Il insiste ainsi pour dire que la grâce de Dieu passe uniquement et simplement par Jésus Christ, par sa mort et sa résurection, et par la foi de ceux qui croient en lui. Et ceci est vrai, que le croyant, que le chrétien, soit d'origine juive ou païenne.
Il part en fait d'une constatation simple, d'une évidence, au moins pour tous ceux qui sont honnêtes avec eux mêmes : tous ont péché. Il n'y a pas un juste, pas même un seul. Personne n'est "clair" vis à vis de Dieu. Personne, ni vous ni moi, ni Paul ni Luther. Alors, de toutes façons, n'importe quel effort, n'importe quelle bonne oeuvre, n'importe quelle indulgence acquise à prix de sueur, de larme ou d'argent, n'importe quel mérite ne pourra arranger notre situation personnelle vis à vis du péché qui nous sépare de Dieu. Pas même le geste du baptême. Il est le signe de la grâce de Dieu, il ne l'opère pas, il ne la déclenche pas.

Seule la foi rend effectif le salut.Seule la grâce de Dieu donne le salut. Seules la mort et la résurection de Jésus Christ ont rendu possible le salut.

Je voudrais vous laisser ce message de Paul aux Ephésiens, pour qu'il soit ce qui construit votre vie dès à présent : (Eph 2:8-9). J'aimerais qu'il soit ici proclamé symboliquement en plusieurs langues, comme adressé à toute la terre.

Amen

(Philippe Cousson)

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