Quelques récensions 2009 et 2010 pour Le Protestant de l'Ouest

Un livre sur Jésus de plus ?

Jésus : la foi au risque de l'histoire / Pierre Prigent. - Lyon, Olivétan, 2010. - 305 p. ; 23 cm . - (Collection biblique).

Jésus est un de ceux sur lequel on a le plus écrit. Des écrivains, Renan, Mauriac, des croyants Boegner ou Duquesne, et même le Dalaï-lama. Alors, un de plus ?

Dans ce livre on sent la patte du théologien, de l'historien, du professeur. Ce livre n'est pas une biographie de Jésus. Ce n'est pas une anti-biographie de Jésus. Ce n'est pas un livre pour convaincre que, si, bien sûr, Jésus est le Christ, et il faut croire en lui. Ni d'ailleurs un livre qui voudrait laisser entendre que Jésus n'a pas existé, ou qu'il n'a pas été ce que l'Eglise dit qu'il a été.

Ce serait plutôt un manuel pour étudiant des Evangiles.
L'auteur nous offre d'abord une méthodologie. Il nous donne les principes de base pour aborder ces textes à partir d'une analyse de leur construction.
Et ensuite il applique ces principes, mais non pas sur quelques textes, quelques épisodes, mais sur l'ensemble des quatre évangiles.
Il part à la recherche des personnages de ces récits, d'abord Jésus, puis les autres. Il passe en revue divers aspects des paroles, des actes de celui qui sera appelé le Messie.
Dans son analyse, il essaye de voir si derrière les textes et les variantes on peut deviner une intention, entrevoir une vraisemblance, acquérir une certitude.

Je poserai tout de même un léger bémol technique. Si l'index des références bibliques est bien fourni, on peut se demander si la masse des écrits sur Jésus et les évangiles n'a pas découragé la publication d'une bibliographie qui manque.

L'ensemble de sa démarche est porté par cette recherche de celui qui est venu nous annoncer et vivre l'amour de Dieu pour les hommes.

Alors, si vous voulez sortir d'une lecture liturgique ou d'une lecture biographique des évangiles, ce livre vous ouvrira des horizons. Préparez-vous à quelques remises en question, mais je crois que votre lecture ultérieure de ces textes fondateurs de votre foi en sera enrichie.

 

Inviter l'histoire de l'église à son moment de méditation personnel

L'Evangile médité par les pères : Jean / Daniel Bourguet. - Lyon, Olivétan, 2010. 271 p. ; 20 cm. - (Veillez et priez).

Pour étudier l'évangile selon Jean, on se tourne vers un (des) commentaire(s), classique(s) ou académique(s). Comme appui de son moment de méditation personnel, on utilise un calendrier à effeuiller, un éphéméride ou un recueil annuel.

Et bien, voici un outil qui vous permettra de cumuler les deux, même si ce n'est pas un véritable manuel d'étude de l'évangile. Vous n'y trouverez pas toutes les indications de critique et d'analyse du texte, ni la plupart des éléments de contexte qui permettent d'éclairer un texte. Mais vous aurez bien en main un guide pour 118 jours de méditations quotidiennes de 64 auteurs différents.

Comme vous l'aurez compris, il ne s'agit pas ici de commentaires mais de courtes méditations de une ou deux pages qui enrichiront votre vie spirituelle et élargiront les horizons de votre foi.

Parce que, en parcourant l'évangile selon Jean, vous aurez l'occasion de parcourir aussi l'histoire de l'Eglise. Pour vous aider à situer chacun des auteurs, des notices biographiques sont ajoutées en annexe.

Bien sûr un tel ouvrage n'est pas une totale nouveauté. Par exemple, en 1936 est parue sous forme d'un éphéméride annuel une sélection de telles méditations sous la direction de Bernard de Perrot, mais les textes étaient plus courts et ils ne concernaient pas exclusivement un même livre biblique.

S'il vous arrive d'avoir à préparer une prédication, sur un passage de Jean, par exemple, vous trouverez peut-être ici l'idée, la pointe, le message ou un élément de celui-ci.

L'auteur a déjà publié le même type d'ouvrage sur les trois autres évangiles. Voilà donc des outils qu'il serait peu sage de négliger.

Même si Ignace de Loyola ne se trouve pas dans celui-ci, voilà un excellent recueil d'exercice spirituel.

 

Causse, Jean-Daniel. Figures de la filiation. Paris, Cerf, 2008. (La nuit surveillée). 20

Ce petit livre (126 pages) ne traite pas directement des problèmes politiques ou sociaux de filiation ou d'adoption, il aborde la question un peu plus au fond. La richesse de la bibliographie indique les multiples lectures qui ont alimenté la réflexion de l'auteur. Par exemple, il cite fréquemment Freud, Lacan ou Lévinas. Il commente aussi plusieurs passages bibliques clés.

Qu'est-ce qu'un fils, qu'est-ce qu'un père ? En quoi suis-je père, en quoi suis-je fils ? Un fils est un autre, porté par une parole et un nom, adopté en fait. Il est celui à qui on ouvre les possibles, avec lequel on établit une relation qui n'est pas un lien de propriété, qui n'est pas le vecteur du désir ou de l'imaginaire. Il n'est ni projection de soi vers l'avenir, ni rattrapage du passé. Le père n'est pas celui qui est à l'origine, il est celui qui transmet, il est celui qui permet même le départ. Dieu, comme Père n'est pas cette figure parfaite qui possèderait tout ce qui fait défaut à l'humain, ni tout puissant, ni autosuffisant. Il est celui qui est Père et Fils depuis toujours, il est un Dieu de relation, de parole.

Après avoir lu ce livre, vous n'entendrez plus les expressions du style "fils de, enfant de " ou "tel père, tel fils" de la même manière. Vous ne regarderez plus vos enfants ou vos parents avec le même regard. Certains passages bibliques prendront sans doute un éclairage nouveau et la fraternité charnelle ou spirituelle aura aussi un autre goût.

 

Vous avez dit : Identité ?

Maire, Charles-Daniel, Identité subie ou identité choisie ?, Lyon : Olivétan, 2009, 156 p., ISBN 978-2-35479-095-0

De quelle identité parlons-nous ? De celle qui structure ou de celle qui divise ?
Dans ce livre écrit avant qu'un certain débat ne soit lancé, Charles-Daniel Maire, ancien missionnaire, ethnologue et linguiste, nous présente par une série de réflexions et d'exemples, ce qui structure la personnalité de chacun, son identité, comment cette identité se construit ou se détruit, comment elle s'adapte plus ou moins aux situations et à leurs changements.

Sur le fronton du temple d'Apollon à Delphes se trouvait l'inscription "Connais-toi toi-même". Savoir qui l'on est est une chose essentielle pour une vie équilibrée. C'est cet aspect de l'identité qui est développé ici. Appartenances et racines pour s'identifier et se construire, identité refusée ou blessée, identité construite ou reconstruite vers l'estime de soi, la place de la foi, voilà les grandes lignes de l'ouvrage.

Si beaucoup parlent de l'identité pour n'en retenir que la mise à l'écart de ce qui n'est pas identique, l'auteur nous appelle à ce regard sur nous mêmes en quête d'authenticité et d'ouverture à l'autre. Il nous invite aussi à discerner d'éventuelles blessures chez nous et chez l'autre, et à adopter une attitude aimante, compréhensive et constructive.

Pour ceux que les problèmes de culture et de théologie intéressent, je rappelle son livre précédent Parole de Dieu & cultures des hommes.

 

Calvin missionnaire ?

Buckler, Andrew. Jean Calvin et la mission de l'Eglise. - Lyon : Olivétan, 2008. - 248 p. ; 23 cm. - ISBN978-2-35479-048-6. - 20

A l'époque de Calvin, le jésuite François-Xavier évangélisait l'Inde et le Japon. On cherche les missionnaires calvinistes de l'époque.

A travers les divers textes de Jean Calvin, l'Institution bien sûr, mais aussi ses leçons et ses commentaires, ainsi que ses lettres qui nous sont parvenues, l'auteur, pasteur de l'Eglise Réformée, analyse l'évolution des réflexions du Réformateur sur l'évangélisation ou la mission, même si la terminologie et la compréhension actuelles ne correspondent pas à celles de l'époque. Il mentionne l'expérience brésilienne mais insiste sur l'importance pour Calvin du Royaume de France. Il décrit le rôle important de la formation théologique à Genève et de la Compagnie des Pasteurs.

L'avancement du Règne de Christ ou du Règne de Dieu tient une place centrale dans l'analyse du rôle de l'Eglise pour Calvin conclut Andrew Buckler à la fin d'un livre à la fois théologique et historique qui nous amène à réfléchir à nos propres actions et positionnements.

 

à la résurrection de la chair et à la vie éternelle

Wright, Nicholas Thomas, Surprised by hope : rethinking heaven, the resurrection, and the mission of the church. - New York : Harper, 2008. - xiv, 332 p. ; 24 cm.

Les diverses cérémonies d'obsèques auxquelles nous assistons nous montrent la variété des idées que se font nos contemporains, qu'ils soient croyants ou non, sur un éventuel au-delà.

Qu'adviendra-t-il de notre monde, des hommes, croyants ou non ? Qu'en est-il du paradis, de l'enfer, voire du purgatoire ? Qu'en est-il de l'âme ? Autant de questions auxquelles tant de spéculations ont tenté de répondre, et que le Nouveau Testament aborde.
L'auteur passe en revue tout ce qui est venu en parasiter le message : les idées grecques sur l'âme éternelle, les diverses images sur le paradis, l'optimisme positiviste depuis les Lumières.

Le théologien et évêque anglican de Durham nous rappelle le message que nous ont laissé les apôtres à travers le Nouveau Testament, et qui mène à une mission de l'Eglise bien claire. La question principale est celle de la nature de l'espérance et de son fondement.

Pour N. T. Wright, le coeur du message des apôtres, c'est la résurrection du Christ, événement central de l'histoire du salut, prémices de la résurrection à venir. Enlevez la résurrection, et le message disparaît. Il analyse les conséquences de cette conviction du renouvellement de toute chose pour l'action des Chrétiens et la mission de l'Eglise, porteuse de l'espérance de la résurrection. Il aborde l'éthique et l'esthétique, le social et l'écologique, l'évangélisation qui ne concerne pas la mort mais la vie, l'attente eschatologique.

De quoi soupirer avec espérance, comme la création (Rom 8:21).

(Philippe Cousson)

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