Jérémie 23:1-6
Ephésiens 2:13-18
Marc 6:30-34
Voici un découpage qui peut paraître inhabituel. Ce passage de l'évangile de Marc est souvent escamoté, considéré qu'il est comme partie de la multiplication des pains. On reste sur la multiplication des pains, et ne s'occupe pas de cette introduction.
Mais, ceux qui ont défini les listes de textes avaient certainement leurs raisons. Et cela va nous permettre de nous pencher sur cette péricope de façon un peu plus approfondie.
Si on considère que le passage immédiatement
précédent est à mettre à part - c'est le récit
de la mort de Jean-Baptiste - notre passage se situe entre l'envoi des apôtres
et la multiplication des pains suivie de la marche sur les eaux. C'est un bon
"enchaînement", et il passe bien comme tel, et peu s'y arrêtent,
comme s'il n'était pas important.
Et pourtant, si l'évangéliste l'a
placé, et l'a placé là, si l'Eglise au cours de l'histoire
a voulu le conserver et lui donner valeur d'Evangile, si ceux qui ont établi
les listes l'on retenu ainsi, c'est bien qu'il peut nous parler. Ne croyons
nous pas que l'inspiration du Saint Esprit est justement là, dans cette
chaîne qui a conduit de l'auteur, aux auditeurs que vous êtes aujourd'hui
?
Ce court récit met en scène trois protagonistes : les apôtres, Jésus, et les gens. Chacun à leur tour, ils se déplacent et agissent, et interfèrent les uns sur les autres.
Je les reprendrai les uns après les autres, je chercherai ensuite en quoi leur gestes, leurs paroles peuvent nous concerner aujourd'hui. Enfin je terminerai par un petit mot sur le repos (vacances obligent).
D'abord, dans l'ordre d'apparition, les apôtres, appelés, choisis, puis envoyés par Jésus, dotés de pouvoirs exceptionnels. Ils ne sont pas dans leur position, parce qu'ils l'auraient cherché. Non, il n'ont pas envoyé de CV à Jésus, en voulant être ses disciples. Ils ont été trouvés. Jésus les a dénichés sans qu'ils aient le moins du monde candidaté. Le poste d'apôtre, d'envoyé, n'est pas un poste pour lequel on postule. "C'est moi qui vous ai choisi !" Tout comme Abraham, Moïse, Elie, Esaïe, Amos, et tant d'autres, ils ont été pris, là où ils étaient, derrière une table, derrière des filets, sous un figuier, et envoyés, formés, équipés et envoyés.
Ils y sont allés, comme le leur avait demandé Jésus, deux par deux. Ils ont prêché, ils ont guéri, ils ont chassé des démons.
Et puis ils sont revenus, étonnés, ravis, vers leur maître, vers celui qui les avait envoyés, envoyés vers ce qui leur a sans doute paru grandiose.
Et ils veulent lui raconter. Il faut retrouver Jésus. Il faut lui raconter, lui dire. On ne peut pas vraiment dire qu'ils sont "au rapport". Ou alors il s'agit d'un rapport enthousiaste.
Mais voilà, il n'est pas facile à faire ce rapport. On est toujours dérangé. Le maître est toujours et encore entouré, et il ne cesse pas d'aider, de parler, de guérir. Il y a tant de choses à lui dire.
Jésus, personnage central de l'évangile, est aussi le personnage central ici. Et le Jésus qu'on voit ici est le Jésus qui aime, qui prête attention à ceux qui sont avec lui, tant aux apôtres qu'aux gens, qu'à cette foule qui l'entoure.
Les apôtres reviennent. Il les a envoyé au combat, à la victoire. Il les accueille maintenant, il les écoute, mais sans pour cela cesser de s'occuper aussi des gens. Mais il écoute et observe assez ses apôtres pour s'apercevoir qu'il sont fatigués. Il leur conseille alors de se reposer. Et même, il les emmène, vers un endroit isolé. Il avait choisi la barque, comme ça on ne peut pas les suivre.
Oui mais, ils ont été repérés. Et les barques sur la mer de Galilée ne sont pas des flèches. Elles sont faites pour la pêche, pas pour la régate. Et la mer n'a pas une dimension telle qu'on ne puisse pas en faire le tour rapidement. Voilà que la foule va plus vite, en marchant, en courant sur le rivage, que la barque. Et même, la nouvelle va encore plus vite, comme d'habitude.
Ce qui fait qu'en arrivant, en voulant débarquer, dans ce qui peu de temps auparavant était encore un désert, il y a la foule. Et Jésus voit cette foule. Avec le regard qu'on lui connaît. Il la voit, et il l'aime. Et il leur parle. Il les enseigne.
Jésus, c'est celui qui entre en relation. Il regarde. Combien de fois avons-nous entendu parler du regard de Jésus ? Personne, se trouvant autour de lui, ne fait partie du décor, jamais. Chacun a une existence pour lui. Assis au bord de la route, ou caché dans un arbre, chacun voit son existence affirmée, sa vie transformée, par le regard de Jésus. Et puis il aime, il est ému de compassion, son coeur est rempli de pitié. Non seulement il regarde, il voit, mais il est en lui même affecté, touché par l'existence des autres, et par leur situation. Et alors, il parle, il enseigne, il soigne, il guérit. Non seulement, il regarde, non seulement il aime, mais aussi il agit.
Les gens, la foule, les anonymes, ceux qui vont et viennent, voilà le troisième personnage du récit, troisième personnage qu'on retrouve tout au long des évangiles. Ils sont là, autour de Jésus, ceux qui viennent chercher une parole, ou une guérison, et ceux qui repartent, qui l'ont très certainement obtenue. Peut-être y en a-t-il comme le jeune homme riche qui sont repartis tous tristes. Peut-être y en avait-il aussi, l'homme reste le même, qui sont venus voir Jésus par curiosité. Mais je pense plutôt que la majorité est venu pour un besoin, une quête, ou une urgence.
Et Jésus est tellement le pôle d'attraction de cette foule, que dès qu'il s'en va, qu'il fait mine de partir, on le suit, on le précède. C'est tellement vital d'être auprès de lui.
Sans doute, que chaque jour il ne s'agit pas des mêmes personnes, des mêmes histoires, des mêmes destins, mais la foule reste toujours. Elle l'accompagnera, après avoir été enseignée, nourrie, guérie, jusqu'aux Rameaux, et même jusqu'au vendredi Saint, mais était-ce alors la même foule ?
Et cette foule, Jésus la reconnaît pour ce qu'elle est, un troupeau qui n'a pas de berger, qui n'a personne pour lui indiquer la bergerie où se reposer, les pâturages où se nourrir, le ruisseau où boire. Il est, lui, le Bon Berger.
Que viennent donc chercher tous ces gens auprès de Jésus ? Ils viennent chercher, la guérison, la délivrance, une raison de vivre, une explication de ce qu'il ont vu de Jésus, l'accomplissement d'une espérance. Et c'est tout cela l'Evangile, la Bonne Nouvelle que Jésus est venu apporter. Si Jésus n'était pas ce qu'il est, la foule l'aurait laissé depuis longtemps, si elle ne l'aurait pas tout simplement lynché. C'est peut-être ce qui est arrivé de la part des déçus de Jésus de Nazareth, un certain vendredi.
Et nous, que sommes-nous ? Des déçus ? Ou des envoyés enthousiastes ? Qu'avons-nous à lui rapporter, à lui raconter ? Les fruits de notre mission ? Notre joie de parler de lui ? Les paroles que nous avons dites ? Les délivrances que nous avons opérées ?
Mais, je me trompe sans doute. Nous ne sommes
pas des apôtres ? Jésus ne nous a pas appelés ? Il ne nous
a pas choisis ? Il ne nous a pas envoyés ? Ni deux par deux, ni
autrement ?
Quand il nous parle chaque dimanche, quand il
nous parle chaque jour, quand nous écoutons sa parole, quand nous lisons
la Bible et la méditons, il ne nous envoie pas, n'est-ce pas ?
Et quand, dans le secret de notre chambre, ou
en assemblée, nous le prions, nous n'avons pas de victoire à lui
raconter, non ?
Chacun de nous sait où il en est. Alors
nous revenons vers le Seigneur, pour l'écouter, au moins, et pour mettre
ses paroles en pratique, pour suivre ses conseils.
Et, lui, il est là qui nous montre par la pratique, pour ceux qui n'auraient pas encore compris, qui ne reviendraient pas de mission, ce qu'il faut faire et comment. Il regarde, il aime, il agit.
Les gens, autour de nous, les voyons-nous, les
regardons-nous ? Sont-ils comme un troupeau sans berger ? Ou peut-être
ont-ils trop de bergers ? On dit à l'envie qu'à notre époque
les hommes, et les femmes, n'ont plus d'idéal, plus de motifs de se battre,
de vivre, que la mort des idéologies, que le règne de l'argent,
ont tout détruit, et qu'il est maintenant très difficile de mobiliser
pour une cause. Plus de berger. Il y a ceux qui simplement veulent survivre,
et ceux qui ont pour dieu leur ventre, et ceux qui n'ont même plus envie
de vivre. Pas de berger.
Et ces gens autour de nous, les aimons-nous ? Les
aimons-nous comme lui aimait ces foules, comme lui aime encore nos foules, nos
gens ? Sommes nous émus de compassion ? Notre coeur est-il rempli de
pitié ?
Est-ce que nous leur parlons ? Qu'avons-nous à
leur dire ? Où est notre Bonne Nouvelle ? Est-ce que nous leur enseignons
beaucoup de choses ? Qu'est-ce que nous avons à répondre à
leur quête de sens, de vie , d'espoir ?
Il est évident que si l'Evangile n'est pas notre vie, notre espérance, nous ne pourrons pas le communiquer, nous ne pourrons pas le vivre. Prêcher aux hommes qu'il faut changer de comportement, comme le faisaient les disciples selon le verset 12, c'est à dire en langage religieux, prêcher la repentance, ne peut se concevoir que si celui qui la prêche l'a lui même vécue. On ne peut annoncer le salut sans en vivre. Que chacun fasse le point en lui-même, et face à Dieu et à son Christ.
De retour vers Jésus, les apôtres étaient fatigués, au point que Jésus leur conseille de se reposer, et veut même les emmener loin de la foule. Mais s'ils étaient fatigués, il n'étaient pas las. Leur fatigue n'était pas lassitude. Ils seraient sans doute repartis si le Maître le leur avait demandé, et avec la même joie. Mais ils avaient besoin de repos.
Certains d'entre nous sont en vacances. En vacances,
coupure du temps ordinaire, loin des soucis d'un travail. En repos pour pouvoir
plus tard repartir pour une nouvelle année.
A notre époque aussi, le disciple a besoin
de repos. Mais ce repos ne se prend pas loin du Seigneur, il se prend en compagnie
du Maître, auprès de lui. Quelle bonne occasion pour faire le point
! pour se situer par rapport à lui ! par rapport aux autres ! Profitons
donc de nos congés pour retrouver Jésus. Il nous dit à
tous : Venez avec moi dans un endroit isolé pour vous reposer un moment.
Amen.