Poitiers, 23 décembre 2001

Esaïe 7:10-16
Romains 1:1-7
Matthieu 1:18-25
Psaume 24

Je vais ce matin partager avec vous ce que me dit ce verset, répété, de la fin du Psaume 24.
"Portes élevez vos linteaux : Elevez-vous portails éternels ! Que le Roi de Gloire fasse son entrée."
Imaginons la scène. On pourrait en faire une grandiose scène de film. David va entrer à Jérusalem. Il vient de conquérir la ville, par la ruse. Il veut en faire sa capitale. Il s'approche avec des chants et des danses, et avec l'arche de l'Alliance. Si la ville va devenir sa capitale, elle va aussi devenir la capitale de Dieu. C'est là que plus tard sera construit le temple. Le roi de gloire, l'Eternel Tsébaoth, l'Eternel des Armées, c'est celui qui est symbolisé par l'arche. C'est lui qui fait son entrée solennelle dans la ville. C'est pour lui que les portes de la ville sont grandes ouvertes. C'est pour le Seigneur, le Dieu d'Israël, que les lourds battants sont écartés. Il y a là le roi, les danseurs, les musiciens, les prêtres et les lévites, et les soldats, et le peuple, qui chantent, qui louent l'action de ce Dieu, qui les accompagne. On y chante des psaumes, comme celui-là.

Autre scène : Jacob, envoyé par son père Isaac à Haran pour y chercher une femme de son clan, décide de se reposer pour la nuit. Il prend une pierre comme oreiller et se couche. Durant la nuit, il fait un rêve. Une échelle est là, à cet endroit, un pont entre le ciel et la terre, et des anges montent et descendent. Et il voit, et entend le Seigneur, l'Eternel, qui lui fait une promesse : sa descendance sera nombreuse et Dieu ne l'abandonnera pas. Alors, il déclare que cet endroit est la maison de Dieu, Béthel, et aussi la porte du ciel. La porte du ciel, celle qui permet de communiquer avec Dieu.

Autre scène : Le peuple, les fidèles, montent à Jérusalem, vers la ville sainte en chantant psaumes et cantiques. Il en franchissent les portes avec ferveur et émotion. Puis dans la ville, ils s'approchent du Temple, dont ils vont franchir les portes donnant sur le parvis, emmenés par le roi qui demande aux prêtres et aux Lévites la permission d'avancer. Ils sont accueillis par les desservants et entre dans le Temple, avec autant de ferveur et d'émotions, autant de louange et de chant. Une allusion à ce moment se trouve dans le psaume 118 aux versets 19 et 20 : "Ouvrez-moi les portes de la justice, par elles j'entrerai, je célébrerai l'Eternel. Voici la porte de l'Eternel, car c'est par elle qu'entre les justes." Et ils assistent là à l'entrée du sacrificateur dans le Lieu Saint, par une grande et belle porte, porte qui mène vers la présence de Dieu. Dieu est Saint, mais pas inaccessible.
Quelle est notre relation à Dieu ? Notre rencontre avec Lui est-elle pour nous source d'émotions, de joie, de louange ?

Mais, vous savez qu'on retrouve des images de porte et de temple dans le Nouveau Testament.
Jean place dans la bouche du Seigneur : "Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, et je dînerai avec lui, et lui avec moi."
Et aussi, Paul, qui dit que notre corps est Temple du Saint Esprit, et que nous sommes le Temple de Dieu.
Sommes-nous, suis-je vraiment conscient d'être le Temple de Dieu, l'habitation du Saint Esprit? Avons-nous, ai-je, un jour ouvert la porte à l'Agneau, au Seigneur ?

Nous pouvons imaginer que notre être, que notre coeur ait une porte.
A quoi peut servir une porte ?
Fermée, elle est défense, protection contre ce qui pourrait venir de l'extérieur. Il suffit d'habiter le sud de Toulouse, et de ne plus en avoir à sa maison, pour savoir de quoi protège une porte. Mais une porte fermée peut aussi signifier l'enfermement, l'impossibilité de sortir, de rencontrer. Elle peut signifier le refus du moindre risque. Elle peut aussi enfermer, cacher ce que nous voudrions conserver caché, sous clef, dans la boîte à secret. Voilà pour la porte fermée.
Ouverte, elle permet la sortie, le contact, l'approche des autres. Elle est prise de risque, risque de la rencontre, de l'affrontement, de la différence. Elle est communication, partage.
Ouverte, elle permet aussi l'entrée, la visite. Elle expose l'intérieur, l'intimité, la fragilité. Elle invite. Elle est confiance et espérance.

Et si le Christ entre dans le jeu ? Qu'est-ce que cela devient ?
D'abord, si nous l'avons accueilli, un jour, lui avons-nous laissé toute la place ? N'aurions pas par hasard, négligé d'ouvrir une porte, une petite porte. N'y a-t-il pas un petit coin, un petit recoin, où il ne soit pas allé, un jardin secret que nous avons voulu conserver, cultiver, encore, oh ! Pas grand' chose... Que chacun regarde un peu en lui-même, en cette fin d'année, avant de fêter la venue de Jésus sur la terre, s'il n'y aurait pas quelque part, au fond de soi-même, un endroit où le Christ ne serait pas le Seigneur, où il serait encore "personna non grata". Cette époque pourrait être le bon moment pour laisser enfin le Sauveur intervenir dans toute notre existence. Essayons donc d'identifier la porte que nous avons maintenu fermée, la clef que nous pensions jetée au fond d'un lac. Mais voilà, s'il veut venir chez nous, il veut aussi pouvoir intervenir partout et renouveler toute notre existence. Ouvrons les petites portes, pour la laisser entrer, ouvrons les grand, élevons-en les linteaux, écartons-en les battants, que la lumière pénètre partout, et que le moindre gravier, la moindre poussière, le moindre grain de sable ne puisse plus gripper notre vie, notre vie nouvelle. Le Seigneur est patient. Il est là, il attend, avec amour. Il ne force pas la porte. Il aime, il espère, il attend. Il est de toute façon plus patient que nous, qui trop souvent exigeons de lui avec impatience. Ce petit coin que nous refusons à son amour, mérite-t-il cette déception de sa part, et cette acidité donnée à notre vie ?

Et puis, si Christ est en nous, se peut-il que nous voulions garder pour nous cette joie, la cacher de ceux qui nous entourent ? Se peut-il que cette porte par laquelle il est entré, nous ne lui laissions pas la possibilité de l'utiliser pour frapper à d'autres portes ? Oh bien sûr, loin de nous l'idée d'empêcher le Christ de toucher d'autres personnes, même des proches. Mais pour ce qui est de montrer que nous vivons par lui, là c'est peut-être un peu trop. Croire oui, exhiber sa foi, mmm. Enfin, voyons, ça ne regarde que moi. Je crois ce que je veux, et les autres sont libres aussi. Pourquoi ma foi devrait-elle être ostentatoire ? Alors, la porte s'est refermée sur le Christ, sur le salut qui venait d'entrer. Pour le savoir, il faut vraiment être intime. Et pourtant, comme le dit l'Evangile à une autre occasion, "notre coeur ne brûle-t-il pas à l'intérieur de nous" ? Est-ce vraiment cohérent de vivre de l'Evangile, et de le masquer en même temps ? Pourquoi tenons-nous le Saint-Esprit enfermé ? Pourquoi n'y a-t-il qu'une petite poterne qui soit éventuellement laissée à l'Evangile pour sortir ?

Nous avons un jour ouvert notre porte au Seigneur. Il veut cette porte toujours plus ouverte, les linteaux plus hauts, les battants plus écartés. Pour qu'il puisse toujours plus occuper, éclairer et assainir l'espace. Mais aussi pour qu'il puisse par là même être visible aux autres. Pour lui permettre d'aller aussi frapper à d'autres portes. Paul nous a dit : "ce n'est plus moi qui vit, c'est Christ qui vit en moi." Et ce qui se voit par la porte grande ouverte de notre vie, de notre coeur, c'est Christ, et non pas nous. A moins qu'il ne reste quelque placard fermé...
Notre porte ouverte, c'est aussi une invitation au partage, une espérance tournée vers les autres, un canal offert à l'amour de Dieu et à l'action du Saint Esprit.
Notre porte ouverte, c'est aussi la confiance que nous plaçons en Dieu, comme notre seule protection, notre seule garantie face aux risques que cette exposition nous fait prendre. Il nous faut placer cette confiance en Dieu et en l'Esprit Saint. La sagesse, dont le commencement est la crainte de l'Eternel, doit nous conduire en toutes circonstances. L'amour, dont le Christ nous a rempli, doit déborder, si nous ne coupons pas les vannes, les portes.
Par notre porte ouverte, le Roi de gloire doit pouvoir entrer et sortir. Il est notre salut et notre justice.

Comme pour les portes de Jérusalem, comme pour les portes du Temple, nous avons aussi à prier ce psaume pour nous-mêmes :
Portes, élevez vos linteaux : Elevez-vous, portails éternels ! Que le roi de gloire fasse son entrée!

Amen

(Philippe Cousson)

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