Poitiers, 19 février 2012

Esaïe 43:18-25
2 Corinthiens 1:18-22
Marc 2:1-12

Chers frères et soeurs,

ceux qui comme moi n'ont plus vingt ans ont sans doute le souvenir dans leur livre d'histoire de cette image du scribe assis, accroupi, le papyrus entre les genoux.

Pourquoi cette image ? Parce que le texte précise que les scribes qui contestent avec Jésus, sont assis, alors même que la foule est nombreuse et que la porte est inaccessible. Que faisaient-ils assis ? Est-ce que c'était à cause de leur rang dans la société ? Est-ce qu'ils étaient en train de noter ce qui se disait ? On ne sait pas. Mais ils étaient assis, et réfléchissaient à ce que disait et faisait Jésus. Ils n'ont pas eu cette fois-ci de contestation orale. C'était seulement dans leur pensée.

Jésus est donc dans cette maison. Et la foule a entendu qu'il y était. Les gens sont venus par ouï-dire. Y compris des scribes. Qui se sont assis. Etaient-ils arrivés les premiers ? Mieux informés, peut-être. De toutes façons, Jésus est un personnage qui les intéresse.

Avant de continuer, je voudrais mentionner que le texte commence par le mot "entré". Jésus est à nouveau entré à Capernaüm. Il était depuis plusieurs jours dans un lieu isolé en dehors de la ville.

Quand Jésus est en contact avec la foule, il guérit, mais aussi il parle. Ici on dit qu'il "dit la Parole". Ailleurs on dit qu'il annonce le Royaume. Il est donc en train de parler. On ne sait pas ce qu'il disait.

Et alors arrivent ces quatre hommes qui en portent un cinquième, paralysé, sur un brancard. Vous imaginez facilement comme c'est déjà difficile de faire sortir sur un brancard un blessé dans une foule. Ici, ils cherchent à le faire entrer dans la maison. Impossible. Le texte dit qu'ils n'en avaient pas la possibilité, pas le pouvoir. Ils en étaient matériellement incapables. Alors, ils ont contourné le problème, par en dessus. Ils sont montés sur le toit, l'ont percé, et ont descendu leur ami.

C'est une image classique de nos livres d'école biblique, de nos bibles illustrées. Et le paralytique a été guéri. Mais il y a ici un enjeu beaucoup plus grand que cette simple guérison, si une guérison peut être simple.

Oh ! Surprise, quand Jésus voit leur foi (et le mot voir n'est pas ici au hasard, comme le mot entendre ne l'était pas non plus au début du texte) quand il voit leur foi, il fait une déclaration qui laisse pantois nos scribes assis : Enfant, tes péchés sont pardonnés. Le paralysé lui-même a dû être surpris. Il n'était pas venu pour ça, à ce que nous pouvons supposer au moins.

Prenons donc le raisonnement de nos scribes confortablement assis : pardonner les péchés : il se prend pour qui ? Il parle bien, il guérit, ce qui est déjà extraordinaire, mais pardonner les péchés, seul Dieu en a la puissance, la force, seul Dieu, le un.

Voyons les mots qu'utilise l'auteur du texte : d'abord il fait penser aux scribes que Dieu a la puissance, la force, la faculté, la capacité de pardonner. Il est un Dieu puissant pour cela, et lui seul a cette puissance. Et même ce Dieu puissant, au point de pardonner les péchés, c'est le Dieu un, celui de la confession de Moïse : Ecoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un. Celui donc qui déclare pardonner les péchés se prétend Dieu, pas seulement un dieu, mais Le Dieu, le Un. Et ceci est un blasphème.

Alors Jésus leur montre qu'il les connaît bien, qu'il connaît leurs pensées, il leur répond. Mais il répond indirectement à leur remarque.

Il commence en comparant la guérison, qu'ils acceptent en fait, avec l'annonce du pardon des péchés. Il leur demande de réfléchir laquelle des deux actions est la plus facile, celle qui demande le moins de peine, d'effort. Il reste alors encore dans le même registre de la puissance.

De plus, comme ailleurs avec le jeune homme riche, il ne les détrompe pas sur l'affirmation qu'il serait Dieu, même si la foule, qui ne sait bien sûr pas ce qu'ils ont pensé, ne comprend pas tout de l'incident. Il ne leur dit pas : vous vous trompez, je ne suis pas Dieu. Il va même insister et en rajouter. Il va guérir pour montrer qu'il peut aussi pardonner. Il ne parle plus de puissance, mais d'autorité. Il change de mot. Le mot qu'il utilise alors signifie le pouvoir de faire, la liberté de faire, l'autorité de faire par nature, par essence. Et cette autorité qu'il s'attribue, il le place en tant que Fils de l'homme, un titre venu des Ecritures et associé au Messie.

Ce qui fait que l'auteur du texte nous dit donc que Jésus s'affirme comme le Messie, celui qui a l'autorité pour pardonner les péchés, comme Dieu lui-même.

Je vais quitter un instant ce récit de l'Evangile de Marc pour aller visiter les deux autres textes du jour.

Le passage d'Esaïe, en particulier le dernier verset, nous dit ce qu'est le pardon de Dieu. L'amour de Dieu le conduit à effacer les transgressions et à ne plus se souvenir des péchés. Et pourtant son peuple ne montre aucune reconnaissance, aucune adoration ou culte. Et même son péché reste.

Voyons de quelle manière ce péché reste. Ce pourrait être bien sûr que le peuple pèche encore. Et le peuple reste effectivement pécheur. Mais si on regarde d'un peu plus près le verset précédent, la dernière phrase, on peut arriver à une autre conclusion. Le peuple rabâche à Dieu son péché, ses iniquités. Le peuple fait sans arrêt pénitence comme si le pardon de Dieu n'était pas passé sur son péché, sur ses péchés. Dieu est tourmenté non seulement par les péchés, mais aussi par leur rappel incessant.

Regardons ce que nous dit l'autre passage : les promesses de Dieu sont oui et amen. Il n'y a pas du oui et du non. Le pardon de Dieu a posé dans le coeur du croyant les arrhes de l'Esprit.

Tel est le pardon de Dieu. Il est définitif pour celui qui l'accueille. Jésus veut montrer que le pardon appartient à son essence, à sa nature de Fils de l'homme, de Messie, de Christ. Alors pour cela, il va guérir le paralytique auquel il vient de pardonner les péchés. Mais non seulement il lui pardonne ses péchés, non seulement il le relève, mais il l'envoie.

Quand Dieu voit nos besoins, il répond toujours au-delà de ce que nous lui demandons. Cela signifie aussi que nous sommes alors envoyé, parce qu'il a un projet pour chacun d'entre nous. Il ne s'agit pas seulement de voir ses péchés pardonnés et puis tout va bien, la vie continue. Dieu a besoin de chacun et envoie chacun.

Au début du récit, Jésus rentre à Capernaüm, à la fin du récit l'ex-paralysé sort de la maison. Il part. Jésus lui a rendu sa mobilité, l'a relevé, non pas pour qu'il s'assoit, mais bien pour qu'il aille où il sera utile, d'abord vers sa maison.

A la vue de tout ceci, la foule rassemblée est stupéfaite et se met à rendre un culte à Dieu, elle glorifie Dieu, reconnaissant ainsi que Dieu vient d'agir, comment ? elle ne sait pas : nous n'avons jamais rien vu de pareil.

Et nous, où sommes-nous dans cette histoire ?

Nous pouvons être ce paralytique, paralysés par la vie et ses difficultés, paralysés par notre culpabilité, par cette nature que nous connaissons si bien et dont nous avons peine à nous débarrasser. A celui-là Jésus déclare : tes péchés sont pardonnés. Pour l'amour de moi, tes péchés sont effacés. Ce que je te dis est oui et amen. Et même, de plus, Jésus dit aussi : va, sors, je t'envoie. J'ai un projet pour toi. Tu as un rôle, une mission. Ne te tourmente plus de tes péchés, cherche à comprendre où je te veux. Ecoute ma Parole et étudie-la au lieu de ressasser tes erreurs et tes manquements.

Nous pouvons être ces amis qui portons dans la prière et dans l'action ces paralysés que la vie produit autour de nous. Nous pouvons les apporter à Jésus, comme ces amis, ou parler de Jésus comme Natanaël. Nous pouvons être ceux qui portent l'amour de Dieu en prière, en parole et en actes.

Et pourtant nous pouvons être aussi ces scribes, assis sur leurs certitudes, incapables de voir l'action de Dieu autour de nous, à noter et commenter les paroles sans jamais s'y impliquer.

Et nous pourrions être aussi cette foule qui envahit la maison, qui s'entasse pour écouter, qui s'étonne, qui s'extasie du miracle, qui parfois loue Dieu, mais qui ne se sent pas plus concernée, qui ne se sent pas envoyée.

Ecoutez donc ce que Jésus nous dit ce matin : Tes péchés sont pardonnés, lève-toi et va dans ta maison.

Amen.

(Philippe Cousson)

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