Poitiers, 25 décembre 2011

Esaïe 52:7-10

Frères et soeurs, ce jour est un jour de fête à double titre.
D'abord, c'est un dimanche, et ce jour est pour les Chrétiens LE jour de fête, celui qui commémore la résurrection du Seigneur, tout au long de l'année, de semaine en semaine.
Et c'est aussi traditionnellement le jour où est fêtée la venue de Jésus sur la Terre comme un petit enfant.

Nous célébrons donc à la fois le début et la conclusion du ministère terrestre de notre Seigneur et Sauveur.
Il s'agit doublement pour nous d'une bonne nouvelle, d'un évangile.

Les Chrétiens depuis les origines de l'Eglise ont lu ce texte d'Esaïe comme une annonce, une figure de la bonne nouvelle, de la proclamation de la venue de Jésus, reconnu comme le Christ, le Messie attendu.

La première interprétation de ce texte est pourtant le retour des exilés de Babylonie vers Jérusalem et la terre de Judée, Sion, le pays d'Israël. Mais cette explication ne clôt pas les interprétations possibles, comme d'ailleurs aucune compréhension d'un texte biblique ne clôt jamais les interprétations possibles du livre que nous écoutons et lisons comme Parole de Dieu.

En l'entendant lire, vous avez sans doute reconnu que Paul le cite dans son épître aux Romains, quand il insiste sur l'importance de la prédication.

Nous allons essayer de visualiser les différents plans du récit, un peu comme un scénario de cinéma ou une planche de bande dessinée.

D'abord au loin, sur la montagne, on voit arriver le messager. C'est comme s'il volait. Ses pieds le portent, ils sont magnifiques, comme le message qu'il porte, message de paix, de bonheur, de salut : "Sion, ton Dieu règne".

Ensuite on entend les voix, on voit les sentinelles, ceux qui veillent sur la ville détruite, désolée, sur les ruines de Jérusalem. Elles crient, elles clament leur joie commune, elles chantent. Et ce qu'elles voient, les yeux dans les yeux dit le texte, de leurs propres yeux dirait-on, elles voient Dieu, l'Eternel qui revient en Sion. Curieusement certaines traductions donnent l'inverse : L'Eternel ramène Sion, restaure Sion.

Puis l'angle s'élargit. C'est Jérusalem que l'on voit, les lieux désolés, détruits, déserts de Jérusalem. Et dans ces lieux dévastés on retrouve cette joie commune. Ce Dieu qui revient est le Dieu qui console son peuple, le Dieu qui rachète Jérusalem.

Et le propos s'élargit encore aux limites de notre monde. Les nations, toutes les nations, voient la force de Dieu, son bras déployé. Le monde voit le salut de Dieu. Car Dieu a tant aimé le monde. La force de Dieu qui est manifestée est en fait celle du Serviteur souffrant décrit dans les versets qui suivent ce passage. Pour nous, nous y lisons la croix.

De la même façon que le messager du début qui porte de bonnes nouvelles est communément associé à Jean-Baptiste qui annonce la venue de l'Agneau de Dieu, l'événement qui manifeste la force de Dieu est la croix avec la résurrection. LA croix est déjà dans la crèche et la crèche est encore dans la croix. Noël est dans Pâques et Pâques est dans Noël. Et cette année les deux épisodes symboliques de la venue de Jésus sont rassemblés en cette même journée, à la fois Noël et dimanche.

Voyons donc si notre monde a les yeux pour voir le bras de la sainteté de Dieu. Voit-il ce messager qui arrive de loin ? Pour quoi chante-t-il ? S'il chante. Quelle est la raison de ses cris ? Sont-ce des cris de joie ? Est-ce que notre monde chante la paix, le bonheur, le salut ?

D'ailleurs notre monde voit-il le messager ? Y a-t-il un messager ? Les pieds du messager sont-ils ornés ? Parce que comme le dit Paul, s'il n'y a pas de prédicateur, pas de messager, comment entendront-ils ? S'il n'y a personne pour porter la bonne nouvelle, l'évangile, de la paix, du bonheur, du salut, personne n'en entendra parler, personne ne verra quoi que ce soit, et les sentinelles qui restent sur les ruines ne verront rien arriver.

Quels sont ces messagers que notre monde voit, entend, écoute ? Ce sont ceux de la convoitise, de la frustration, de la jalousie. Ce ne sont pas les pieds du messager qui sont ornés, décorés, mais les lieux du paraître. On peut aussi déceler la solitude et la tristesse.

Mais il y a aussi en ces temps, malgré tout, des manifestations de solidarité, de partage, de joie et de consolation commune.

A l'occasion de ces fêtes, nous retrouvons nos familles, nos amis, et c'est bien. Gardons à l'esprit ceux qui vivent solitaires. Gardons à l'esprit ceux pour qui cette débauche de moyens est hors de portée.

Gardons aussi à l'esprit quel est ce message qui provoque la joie des sentinelles et des habitants de Jérusalem, la paix, le bonheur et le salut de Dieu. C'est un message dont nous avons à être les messagers, ce jour et tous les autres jours.

Et pour nous, comment peut-on dire ce message ? Pour ceux dont la vie n'est plus que ruines et désolation, Dieu est celui qui vient. Il veut remplacer cette dévastation par la paix, le bonheur et son salut. Il peut le faire parce qu'il a vaincu la dévastation par la croix et la résurrection. Le juste est mort et ressuscité, et il nous offre sa justice. Il nous rachète, cette justice est maintenant pour nous, la paix, le bonheur, le salut. Il y a eu sa venue, célébrée dans la joie à Noël, et sa victoire par la croix et la résurrection célébrée tous les dimanches, en particulier dans la Sainte Cène.

Qu'ils sont beaux sur les montagnes, les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles.

Amen.

(Philippe Cousson)

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