Saint-Sauvant, 27 novembre 2005
Ezéchiel 2:7-3:4
A pocalypse 10:8-11
Fères et soeurs en Christ, cher(e)s ami(e)s,
Ce dimanche est le premier de l'Avent. Noël est dans 4 semaines. Et pourtant je n'ai pas retenu les textes qui nous étaient proposés pour ce jour.
Parce que ce dimanche est aussi le premier de la Semaine de la Bible qu'organise l'Alliance
Biblique Française. Que cette semaine soit ici marquée ou non par un événement particulier, j'ai
quand même pensé qu'il pouvait être bon de se pencher sur notre usage de la Bible. J'ai donc
parcouru la brochure qui nous était proposée, et j'ai retenu une des études qui y était présentée,
sur le prophète Ezéchiel, ou plutôt j'en ai retenu le thème : manger le livre, manger la Parole.
J'ai associé à ce texte le texte parallèle de l'Apocalypse. En fait d'ailleurs, l'Apocalypse fait
souvent allusion à des textes de l'Ancien Testament, et très souvent à des passages d'Ezéchiel.
Certains auraient certainement aimé que je fasse le lien avec la Cène, mais ce ne sera pas pour
aujourd'hui.
Ces textes, comme vous avez pu le remarquer, ont un certain nombre de points communs que
nous essayerons de dégager. Mais d'abord je voudrais faire remarquer que les deux auteurs,
Ezéchiel et Jean, n'étaient au départ ni l'un ni l'autre des prophètes. Ezéchiel est d'une famille
de prêtres exilé à Babylone, et Jean serait un des apôtres, même si l'affirmation est très discutée.
Nous voici donc avec deux auteurs dont Dieu a fait des prophètes, dans la bouche desquels il a
placé sa Parole, avec mission de la répercuter. Et c'est cette façon particulière de placer la Parole
qui nous retient ce matin.
Nous connaissons au moins deux autres textes de vocation de prophète, où le récit est
imagé :Esaïe et Jérémie, mais dans ces deux autres cas, la bouche est touchée, simplement. Il n'y
a pas d'ingestion de la Parole.
Donc, voyons quelques points communs.
D'abord, le récit est dans les deux cas à la première personne : "je". Ce sont les prophètes qui
racontent. Ils témoignent de leur rencontre avec un livre, avec une Parole, avec la Parole à
transmettre. Il a fallu à Dieu un signe pour leur faire comprendre leur vocation, leur mission.
Dans les deux récits on trouve donc un livre. Légères différences : pour Ezéchiel c'est un rouleau,
pour Jean, c'est un petit livre. Et dans les deux cas, ce livre est ouvert. Ils n'ingèrent pas un livre
fermé, hermétique dirait-on, mais bien un livre ouvert, un livre qui parle, un livre que l'on peut
lire, que l'on peut écouter.
Dans l'un et l'autre texte, ce livre est placé dans une main. Il n'est pas posé sur une table ou un
pupitre, un objet sur un objet, mais tenu par une main, Parole portée par une personne. Jean voit
la main d'un ange, d'un messager (c'est le sens du mot), et Ezéchiel ne voit que la main, mais
tous les deux voient cette main.
Ensuite, le livre est mangé, avalé. Ce livre ouvert est entré dans le corps, dans la personne de
ceux qui sont alors prophètes. Il a traversé la bouche, puis est allé dans les entrailles, dans le
ventre, pour y être digéré, assimilé. Et on retrouve dans les deux cas, j'en reparlerai, le goût du
miel, la douceur du miel. S'approprier la Parole est doux.
Enfin, après ce geste, ce signe du livre mangé, les deux prophètes reçoivent alors l'ordre de
parler. Ils ont une Parole à transmettre. Cette Parole qui venait d'ailleurs est maintenant aussi la
leur, elle vient de leurs entrailles, elle sort par leur bouche. Cette prophétie, ce message que Dieu
veut donner, passe par eux, par ces messagers, par les prophètes, par les témoins. Ce n'est pas
un message désincarné, il est porté par quelqu'un qui a été appelé, nourri.
Mais, comme je l'ai dit, on peut trouver quelques différences :
Ezéchiel nous donne une idée du contenu du livre : des plaintes, des pleurs, des lamentations. Et il est écrit des deux côtés, ce qui n'était pas habituel. Est-ce pour dire qu'on ne peut rien y ajouter ? Ou alors que c'en est fini des lamentations, qu'elles sont à leur terme ?
Et Jean lui, comme cela lui a été annoncé, après la douceur en bouche, trouve l'amertume à la
digestion. Le livre lui a paru indigeste. Et pourtant c'est de ce livre là dont il a à parler.
Autre différence notable : la façon dont ils reçoivent le livre.
Si le rouleau est donné à Ezéchiel, Jean le prend dans la main de l'ange. Ezéchiel reçoit quand
Jean prend. Bien sûr, c'est l'ange qui demande à Jean de prendre le livre. S'il y en a qui reçoivent
la Parole, il y en a aussi qui s'en saisissent, mais tous la mangent, et la proclament.
Et enfin, la proclamation demandée à Ezéchiel s'adresse aux Israélites, tandis que celle demandée
à Jean s'adresse à toutes les nations, tous les peuples, etc. Si le message divin a d'abord été
destiné au peuple élu, il l'est maintenant à tous les peuples. Le salut de Dieu est universel.
Je vais maintenant laisser ces deux textes pour deux autres qui de la même manière se répondent
entre Ancien et Nouveau Testament : Psaume 34:9 et 1 Pierre 2:3. Ils se répondent tellement que
Pierre cite mot pour mot le texte du Psaume dans sa version grecque des Septante, ce que
quelques unes de nos traductions ne rendent pas bien : Le Psaume : Goûtez et voyez combien
l'Eternel est bon ! Heureux l'homme qui cherche en lui son refuge. Pierre : Si vous avez goûté
que le Seigneur est bon.
Vous avez déjà entendu l'expression : mordre dans la vie. Ici il s'agit de goûter pour voir
combien l'Eternel est bon ! En mordant dans la vie, en mangeant la Parole, avons-nous réalisé
combien l'Eternel est bon ? Ce que nous avons reçu de lui ?
Et voici encore trois autres passages sur le goût de la Parole et des commandements de Dieu :
Jérémie 15:16 : "Tes paroles se sont trouvées (devant moi) et je les ai dévorées. Tes paroles ont fait l'agrément et la joie de mon coeur, car ton nom est invoqué sur moi, Eternel, Dieu des armées."
Psaume 19:10-11 : "Les ordonnances de l'Eternel... ...sont plus douces que le miel, même que le miel qui coule des rayons."
Psaume 119:103: "Que tes promesses sont douces à mon palais, plus que le miel à ma bouche."
Sommes-nous à la diète, ou bien faisons-nous notre miel de la Parole du Seigneur ? Voilà un
résumé de ce qui nous concerne aujourd'hui. Essayons donc de voir ce que ces textes peuvent
avoir comme sens pour nous maintenant.
D'abord, ce livre qui nous est présenté est un livre ouvert. Ne le laissons pas fermé. Il doit être
ouvert pour que nous puissions le lire, l'étudier, le méditer, le mâcher, le digérer, mais aussi le
laisser regarder et étudier par les autres, mastiquer et digérer par eux aussi. S'il est ouvert pour
nous, il doit aussi l'être pour eux. Si nous devons proclamer cette parole, elle ne doit être
présentée aux autres fermée, bien empaquetée, prête à consommer, mais bien ouverte. Nous
devons recevoir une parole ouverte, et proclamer une parole ouverte.
Il nous faut la manger, c'est à dire la recevoir d'abord, ou bien la prendre, et puis s'en nourrir.
La Parole est-elle notre nourriture ? Ou n'est-elle peut-être qu'un dessert ? Ou même uniquement
une ligne sur un menu ? Si les prophètes devaient manger la Parole, si c'était leur lot de
proclamer la Parole, c'est maintenant à nous tous de nous nourrir de la Parole, pour pouvoir la
proclamer.
Cette Parole, il nous faut la digérer, en tirer tout ce qui peut faire vivre notre esprit, tout ce qui
peut nous aider à vivre, tout simplement. Et ceci demande un certain effort, une certaine
persévérance, et peut parfois s'accompagner d'amertume. Mais ce devrait être vital pour tout
croyant.
Et enfin, cette Parole, il nous faut la dire, la proclamer. Partager ce qu'il a reçu fait partie de la
vie même du chrétien. "Il faut que tu prophétises." "Dis-leur mes paroles." Voilà l'ordre qui est
donné, qui m'est donné, qui nous est donné à tous.
Il me reste quelques questions.
Qu'en est-il de la douceur et de l'amertume ? Il est assez simple de comprendre la douceur du
miel que donne la Parole. Qu'y a-t-il de plus doux que l'annonce du pardon ? L'amour et la grâce
de Dieu sont ce qui anime nos vies et nous comble. Mais l'amertume ? Qui est concerné ? Au
sujet de quoi cette amertume ? Peut-être est-ce un sentiment par rapport à ceux qui ne
connaissent pas cette douceur ? Peut-être est-ce le prix à payer en témoignant ? Mais de toutes
façons, les deux ordres : "mange" et "parle" restent.
Et que sont les lamentations et les plaintes ? Serait-ce les lamentations et les plaintes de ceux qui
sont dans le désespoir, et auxquels Dieu nous demande de parler ? Elles font sans doute aussi
partie de ce que nous devons assimiler pour pouvoir proclamer le salut de Dieu. Elles sont
d'ailleurs une partie non négligeable de ces textes que nous reconnaissons comme Parole de
Dieu. Parce que si nous n'en sommes pas toujours conscients, Dieu lui l'est, et depuis très très
longtemps. Et s'il attendait de nous cette parole et cette intervention que les autres attendent.
Parce qu'en fait, la proclamation, le témoignage, c'est notre part. Paul disait : "malheur à moi si
je n'évangélise", et ailleurs, "comment croiront-ils si personne ne prêche ?" Pour pouvoir
témoigner vraiment, le témoignage doit nous "prendre aux tripes", et l'amour de Dieu doit nous
conduire, l'amour que Dieu a pour les autres, l'amour qu'il a pour le monde, l'amour qui a
conduit son Fils sur la croix.
Parce qu'en fait, quel est-il ce message, à vivre et à transmettre ? C'est toujours le même. Pour
Ezéchiel, c'était un message d'espérance pour les exilés : "Dieu ne vous a pas abandonnés. Il
vous ramènera dans votre pays." Et le message de Jean est contenu dans le titre du livre :
"Apocalypse de Jésus-Christ", c'est à dire : "Révélation de Jésus-Christ". Tout son livre parle
de Jésus-Christ, comment il est l'accomplissement de toutes les prophéties, de toutes les
promesses, de toutes les écritures. Le salut de Dieu, la Parole à recevoir, à prendre, à ingurgiter,
à mâcher, à digérer, et à proclamer, c'est que Jésus-Christ est cet accomplissement de l'amour
de Dieu, Jésus-Christ crucifié et ressuscité.
"Prophétises de nouveau" "Dis-leur mes paroles" "Goûtez et voyez combien l'Eternel est bon !
Heureux l'homme qui cherche en lui son refuge !"
Amen.