Poitiers, 7 mai 2000

Actes 3:13-15;17-19
1 Jean 2:1-5a
Luc 24:35-49

Imaginons.
Nous sommes les disciples de Jésus.
Cela fait trois ans pour certains que nous le suivons. Il nous a étonnés par ses prodiges. Il nous a captivés par ses paroles. Il nous a bouleversés par son comportement.
Et voilà que celui en qui nous avions placé notre affection, notre espérance, toute notre vie, au point de laisser tomber tout le reste, voilà qu'il y a trois jours qu'il a été exécuté. Fini, terminé. Nous sommes encore ensemble, parce qu'il n'y a pas d'autres choses à faire, là, maintenant.
Et puis, quelques uns et quelques unes ont dit qu'ils l'avaient vu. Est-ce que c'étaient des rêves éveillé ? Est-ce que c'était du délire dû à la douleur ?
Et puis, voilà. Nous sommes rassemblés, encore une fois, dans une maison. Dans la chambre haute, peut-être. A parler du passé plus lointain. A parler du passé tout récent.
C'est alors, qu'Il est là. Tout le monde le voit. Tout le monde l'entend.
Que faisons-nous ? Que pensons-nous ?
Lui, il arrive, et nous salue. De la salutation habituelle. Comme si tout cela était normal.
Et pourtant, ce n'est pas vraiment ordinaire, ce qui nous arrive, là.
Mais, pour lui, tout va bien, apparemment.
Parce que pour nous, ce n'est pas vraiment le cas.
Est-ce que nous n'aurions pas, nous non plus, les mêmes réactions que les disciples ? La crainte, la peur. Ils sont terrorisés. Ne le serions nous pas, nous aussi ? Hier soir, il était mort, mort et placé dans un tombeau. Et le voilà...
Et puis, il y a trois jours, la conduite des disciples n'a pas été très joli-jolie. Tout le monde s'est carapaté, quand ça a tourné au vinaigre. Est-ce que nous serions restés, nous, quand la troupe est arrivée, quand le procès a eu lieu ? Oui, maintenant, c'est facile. Nous connaissons la fin de l'histoire. Mais alors...
Ils n'en mènent pas forcément large, les disciples, en revoyant là, celui qu'ils avaient abandonné.

Laissons un peu maintenant ce récit, pour nous pencher un peu sur nous-mêmes, et sur nos contemporains.
Quelles sont nos peurs, nos craintes ? Quelles sont leurs peurs, leurs craintes ? Quelles seraient-elles si Jésus revenait aujourd'hui ?
Devant quoi manifestons-nous de la crainte, ou de la peur, ou de la terreur ? Quand nous ressentons de la menace, du danger, et que nous sentons impuissants pour y faire face.
On peut essayer de repérer quelques caractéristiques tant de l'objet de cette menace que de notre état personnel.
La menace peut présenter un caractère surprenant, inconnu, bizarre, qui va éveiller immédiatement comme un réflexe de défense.
La menace peut toucher au tabou, au sacré. Il est des choses dont on ne s'approche pas, qu'on ne dit pas, qu'on ne fait pas. Sinon...
La menace est par définition menaçante, elle paraît hostile.
Elle semble inéluctable, fatale.

En face d'elle, on se sent impuissant, faible, si faible.
Et, on a tendance à faire des liens entre notre propre histoire et cette menace. Il reste toujours en nous quelque chose, plus ou moins grande, plus ou moins grave, en tout cas pas toujours claire, qu'inconsciemment on rattache à cette menace. La mauvaise conscience est aussi très souvent mauvaise conseillère.

Et qu'est-ce qui peut être en danger ? Qu'y a t-il à craindre ? Pour notre santé ? Pour notre vie ? Pour nos biens ? Pour nos proches ? Pour l'inconnu après la mort ?

Qu'est-ce que les disciples, qui croyaient voir un esprit, un fantôme, pouvaient bien craindre ?

Alors, on peut mieux comprendre la salutation de Jésus, qui, si elle était habituelle, n'en était pas moins pleine de sens.
"Que la paix soit avec vous. Shalom aleheim. Salam aleikoum."

Nous n'utilisons pas ces mots-là en français.
Mais il est un mot, très couramment utilisé, et dont le sens profond s'est volatilisé dans cet usage, c'est : "Salut !"
Notre salutation, notre Salut ! est-il souhait de salut, est-il porteur d'espérance vers celui à qui nous le lançons ?

Jésus leur lance donc : "Que la paix soit avec vous !"
Mais la paix, elle n'est pas pour l'instant avec eux. Ils sont appeurés, effrayés, troublés.
Alors Jésus leur demande ce qui leur arrive, et comment il se fait que toutes ces idées leur passent par la tête.
Mais non, il n'est pas un esprit, il n'est pas un fantôme. Il est réssuscité, il est vivant. C'est bien lui. On peut le toucher.

Les disciples n'en croient pas leurs yeux, n'en croient pas leurs oreilles. Trop beau pour être vrai. Ce n'est pas possible. Il est là. Et il ne leur est rien arrivé de fâcheux. Et lui, il demande à manger. Et il mange.
Et puis, il parle, il explique.
Et alors, ils comprennent. Tout ce qu'ils ont vécu, ils le revoient, ils l'assimilent. Les écritures, les actions et les paroles du Maître.Tout ça commence à devenir clair. Les péchés pardonnés. La repentance à prêcher. Ils sont des témoins, qui vont recevoir la puissance d'en haut et partir annoncer la bonne nouvelle.

Cette paix que Jésus leur a donné, il sont chargés de la répandre.
Leur crainte et leur terreur vas être remplacer par une autre crainte. La crainte de Dieu.

L'homme est un être fini, limité, même si il a su au cours des siècles augmenter sa puissance. L'homme reconnait qu'il existe des forces nettement au-dessus de lui, qu'elles soient cosmiques ou telluriques, naturelles ou déclenchées par lui-même. Il se trouve placé en face d'elles en situation de crainte, parfois même d'angoisse.
Et puis, il y a les hommes qui reconnaissent qu'il y a un Dieu, qui en reconnaissent la puissance, qui même peuvent en supposer les exigences. Ils ont face à ce Dieu une crainte. Cette crainte peut alors être une peur pour soi-même, pour sa santé, pour son avenir, pour un au-delà, une peur qui peut parfois mener au désespoir. Parce qu'il se pourrait bien que face à ce Dieu là, le compte n'y soit pas.
Il y a ceux qui voient en ce Dieu le gendarme, qui va contrôler leur vie, et dont la peur va être le garde-fou. L'angoisse de mal faire, de s'écarter de la voie sera le compagnon de toute une vie. Est-ce là la paix que Jésus donne ?

Et puis il y a ceux qui qui connaissent le Dieu de miséricorde, le Dieu de Jésus le Christ, celui dont nous parle l'épître de Jean. Jésus, à la fois victime et avocat, est aussi celui qui est le chemin, qui apporte un commandement d'amour, qui apporte la paix.
La crainte de Dieu, de ce Dieu-là est d'une nature toute différente.
Elle est aussi reconnaissance de notre faiblesse, de sa force. Elle est reconnaissance de nos limites, de nos manquements, de nos péchés. Elle est aussi reconnaissance de la grâce. Elle est foi au Christ et au plan de salut de Dieu. Elle est confiance mise dans cette grâce.
Elle est joyeuse à cause de la certitude que donne cette confiance.
Elle est louange. Elle est glorification de Dieu.
La terreur du risque, du danger est remplacé par la certitude, l'assurance d'une relation d'amour, quoiqu'il arrive.

Elle est aussi reconnaissance des exigences que cette espérance laisse.
L'obéissance à Dieu, à ce qu'il attend, n'a rien à voir avec une marche à la baguette. Il ne s'agit pas de peur du gendarme. Il est des choses qui deviennent "naturelles" à ceux qui placent en Dieu leur confiance. La vie de foi, d'espérance et d'amour, la vie de témoignage, est une conséquence du salut, elle n'en est pas le moyen. En aucune manière.
Si quelqu'un vous laisse à penser que vous pourriez mériter un tant soit peu quelque chose envers Dieu par ce que vous pourriez faire, ne l'écoutez surtout pas. Notre crainte envers lui doit nous montrer sa puissance, et son amour.

Mais à l'opposé, n'écoutez pas non plus celui qui vous dit que vous pourriez perdre ce que vous avez reçu. Son amour dépasse tout ce que vous pouvez imaginer. Jésus est avocat et victime. Il est réssuscité. "Si nous confesson nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner."

Nous disons souvent, et de plus aussi au cours de la Cène, que là où deux trois sont réunis en son nom, il est au milieu de ceux-là.
Alors, il est au milieu de nous maintenant. Il le sera tout à l'heure aussi.
Quelle est notre crainte ?
Est-elle terreur ou confiance ?
Est-elle paix ou trouble ?

"Que la paix soit avec vous !", nous dit-il encore ce matin.
Recevons cette paix, et nous pourrons aller où il nous envoie pour être ses témoins.

Amen.

(Philippe Cousson)

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