Poitiers, 17 décembre 2006

Sophonie 3:14.20
Philippiens 4:4-7
Luc 3:7-19

Chers frères et soeurs,

Depuis des années, selon une tradition d'Europe centrale ou nordique, nous avons installé une couronne de l'Avent, où nous allumons une puis deux puis trois puis enfin quatre bougies, pour marquer les quatre dimanches qui précèdent Noël. Bien sûr, tous les éléments qui composent cette couronne se sont vu attribuer des valeurs symboliques, qui peuvent d'ailleurs varier suivant le lieu ou l'auteur.
Les quatre bougies ont elles aussi reçu des valeurs symboliques, qui ne sont pas toujours les mêmes, et pas toujours dans le même ordre. Parfois les couleurs des bougies sont aussi symboliques. On retrouve presque toujours la paix et la joie, et souvent aussi l'amour et l'espérance.
Disons pour simplifier : la première bougie allumée symboliserait l'espérance de Noël qui vient. En effet, pour nous chrétiens, Noël est bien plus qu'une fête de réjouissances familiales, de lumière et de couleurs, bien plus que la fête du retour de la lumière, que nos prédécesseurs ont reprise et détournée. C'est le rappel de la venue sur terre de Dieu fait homme, espérance pour l'humanité.
La deuxième bougie serait celle de l'amour. La venue de Jésus est le signe de l'amour de Dieu pour l'humanité, et pour chacun d'entre nous. Car Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu'il ait la vie éternelle. L'amour vécu par le Christ et par ses disciples est une mise en pratique, en fait, de l'espérance apportée par Noël.
La troisième bougie serait porteuse de la joie, et la quatrième de la paix. On va les retrouver toutes deux aujourd'hui dans ce texte des Philippiens, et aussi dans le passage de Sophonie.

Ce thème de la joie traverse toute l'épître aux Philippiens., joie de Dieu, joie de l'apôtre, joie des croyants. Il n'est pour Paul rien moins qu'essentiel.

Et pourtant, dans le monde où nous vivons, il suffit de regarder autour de nous pour constater, comme on dit, que ce n'est pas la joie ! Des hommes ont faim, des hommes pleurent, des hommes ont peur. L'humanité va mal. Et Paul nous demande nous réjouir !

Et pourtant, l'époque de Sophonie n'était pas rose non plus, menaces extérieures et corruption intérieure. Et pourtant Paul était prisonnier. Et pourtant l'un comme l'autre demandent cette joie. D'où pourrait donc venir cette joie ? Pas de la situation présente de Paul, pas de la situation présente du peuple d'Israël au temps de Sophonie. Mais des promesses de Dieu. Si on regarde la suite de ce passage du prophète, après le premier verset, qui commande de se réjouir, toutes les actions ont comme auteur Dieu lui-même, l'Eternel. C'est lui qui est présent, c'est lui qui délivre, c'est lui qui aime, c'est lui qui rassemble, c'est lui qui agit, c'est lui recueille, c'est lui qui ramène. Il n'y a rien à faire de plus pour soi même que se réjouir et cesser d'avoir peur pour voir la victoire du Seigneur. Voilà le jour du Seigneur tel que le voit Sophonie.

Et le regard de Paul n'est guère différent.
Lui aussi, il fait de la joie un ordre : réjouissez-vous. De la même façon que Jésus à la suite des textes de notre Ancien Testament nous commande d'aimer. Mais attention à ne pas confondre : Paul ne nous demande pas d'aller à la recherche des sensations fortes qui pourraient nous apporter ces joies qui sont d'habitude recherchées en particulier justement durant ces périodes de fêtes. La joie que Paul nous engage à vivre est une joie dans le Seigneur.
On retrouvera sans surprise des caractéristiques de la joie demandée par Sophonie.

Paul, dans ce passage, en plus de la joie nous donne aussi deux autres commandements, ordres, conseils.
Être doux, c'est à dire être indulgent. Que votre douceur soit connue de tous les hommes. Que tous les hommes soient au bénéfice de votre indulgence. Il nous faut nous rappeler l'affaire du serviteur impitoyable. En quoi la dureté serait-elle signe de l'amour reçu de Dieu ? En quoi la justification que nous avons reçu de Dieu pourrait-elle s'accorder avec un refus du pardon envers nos contemporains ? Douterions-nous d'avoir été pardonnés par Dieu ? Et d'ailleurs cette même douceur est aussi un des fruits de l'Esprit, avec la joie, dans la liste qu'en donne l'épître aux Galates.
L'autre injonction de Paul concerne le refus de l'inquiétude. N'ayez pas peur, comme disait l'autre. L'anxiété n'a plus de raison d'être si nous plaçons notre confiance dans le Seigneur. Le chrétien est celui qui se confie entièrement dans le Seigneur, celui qui fait totalement crédit aux promesses qu'il nous a faites.

Et c'est ainsi qu'il est possible de se tourner vers Dieu pour lui faire part de nos besoins, non pas tant surtout les nôtres personnels, mais bien ceux de la communauté des croyants. La prière d'intercession est une partie essentielle de la vie communautaire.

On peut aussi noter qu'il existe une incompatibilité totale entre l'anxiété et la prière. La prière ne peut être véritable que si elle est faite dans la confiance, dans la confiance et la reconnaissance, d'où les actions de grâce. Qui irait prier quelqu'un s'il pensait ne pas recevoir de réponse positive ? Mais aussi, qui pourrait être sûr sans connaître un tant soit peu la personne à qui on s'adresse ?

Et le résultat de tout ceci, c'est la paix de Dieu, la paix de celui qui n'est plus en perpétuel stress, en perpétuelle crainte, en perpétuelle revendication, en perpétuelle morosité.

Revenons un peu à cette signification possible de la troisième bougie, la joie.

Cette joie est à la fois exubérante (Poussez des cris de joie) et plénitude intérieure. Elle est une marque de bonheur et de sérénité.
Il ne s'agit pas de la joie superficielle et provisoire qui passe presque aussi vite qu'elle est venue. La joie est citée comme fruit de l'Esprit. Elle est un don de Dieu, et un commandement de Dieu. Elle est en fait une des caractéristiques de Dieu. Au psaume 104 : Que l'Eternel se réjouisse de ses oeuvres. Elle est associée avec le salut, le nôtre et celui des autres. Rappelez-vous des paraboles où les anges se réjouissent des brebis retrouvées. Cette joie est foi dans le salut de Dieu. C'est Dieu qui écarte les jugements, qui détourne l'ennemi, qui enlève le malheur, la crainte, qui ramène les captifs, en fait, il est celui qui est et reste présent. C'est cette présence de Dieu, c'est cet amour reçu, qui sont l'origine et la possibilité de cette joie.

Non, pas plus que l'ordre d'aimer Dieu et d'aimer son prochain comme soi même, que celui de se réjouir, ne sont absurdes. Ils sont même la clé de toute vie humaine valable.

Mais tout cela ne peut en fait se comprendre que si le centre de la vie est déplacé. Tant que le centre de la vie reste soi-même, cela est impossible. Tant qu'il n'y a pas déplacement de perspective, de direction, tant qu'il n'y a pas de changement de centre, pas de conversion, de retournement, l'anxiété reste, l'indulgence et la confiance ne peuvent s'installer, et la prière reste centrée sur soi.

Mais si le centre est placé en Dieu, en Christ, alors toute la perspective change. L'objet des soucis, des prières devient l'autre, tant le frère, la soeur, la communauté des croyants, que le prochain, celui qui à côté est dans le besoin. Quant à ce qui aurait pu nous amener au désespoir, il n'en reste rien, puisque tout est entre les mains de Dieu, puisque le salut de Dieu a été reçu, puisque Dieu s'est incarné, est venu vivre notre vie d'homme.

Cette paix de Dieu, qui accompagne la joie, est aussi notre garde du corps. C'est bien ce que veut dire le mot gardera : la paix gardera vos coeurs. C'est un terme militaire. Nous sommes sous bonne garde. Nos coeurs et nos pensées.

Et puisque nous sommes sous cette protection puissante, puisque nous sommes amener à vivre de cette joie du salut, voyons un peu ce que cette vie-là porte en elle. Elle est une incarnation en nous aussi de la vie de Dieu, de cette vie nouvelle qu'il nous donne. On peut alors reprendre le passage de Sophonie, mais alors à notre compte.
Si Dieu accomplit pour son peuple telle et telle chose, c'est aussi à travers nous qu'il veut poursuivre cette action.
Voyons alors : détourner les châtiments, garder le silence, se réjouir pour l'autre, rassembler ceux qui sont tristes, agir contre les oppresseurs, délivrer les boiteux, recueillir les exilés et en faire un sujet de louange. Pardonne-nous, Seigneur.

Si nous faisons confiance à Dieu, Dieu peut-il nous faire confiance pour porter et vivre son message d'amour, de paix, de joie et d'espérance vers le monde pour lequel son Fils est venu ?

Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur, je le répète, réjouissez-vous. Et la paix de Dieu gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus Christ.

Amen.

(Philippe Cousson)

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