Poitiers, 9 mars 1997

2 Chr 36:11-23
Eph 2:4-10
Jean 3:14-21

Aujourd'hui, voilà un verset bien connu. Ce verset est placé par notre église au centre de sa foi. C'est aussi par lui que j'ai vraiment compris la foi chrétienne. Il est tellement connu, que beaucoup parmi nous peuvent le réciter. On essaie : Car Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle.

Pour la plupart d'entre nous, je l'espère, ce verset est un message, un slogan de liberté, de libération, de salut. Mais est-ce bien vrai pour tout le monde ?

Il y a dans notre monde, dans notre entourage, des tas de gens pour qui Dieu n'existe tout simplement pas, pour lesquels l'hypothèse 'Dieu' est absolument inutile. Pour ceux-là, croyez-vous que ce verset soit un message de libération ? Non, c'est tout simplement un mensonge, une évidence de mensonge, encore une tromperie des religieux qui veulent duper le peuple pour maintenir une domination. Ce verset n'a pour eux aucun sens en lui-même. Comment ce qui n'existe pas pourrait-il aimer et sauver. Il n'en ont rien à faire, sinon peut-être essayer de tirer de là ceux qui s'y sont laissés prendre. Il ne sont pas concernés, ils ne sont pas libérés, de quoi d'ailleurs grands dieux, devraient-ils être libérés ? A les entendre de rien, ils pensent librement. L'Evangile, ce n'est pas leur salut.

Nous connaissons aussi des personnes pour qui Dieu existe, peut-être, mais alors, il est loin, ailleurs, pur esprit, grand horloger ou conscience universelle. Il n'est plus là pour s'occuper des hommes qui s'ébattent sur cette troisième planète de cette petite étoile. Dire que Dieu a tellement aimé le monde, c'est tellement grotesque. Qu'il puisse aimé un homme, même le meilleur, paraît absurde. Non ce message est pour eux aussi un mensonge. Le Dieu suprême n'a vraiment rien à faire du sort d'un homme, ou de l'humanité, ou du monde, ce qui s'y passe suffirait à le prouver. Qu'est-ce que les chrétiens viennent chanter là ? Dieu, aimer le monde ? Tellement ? L'Evangile, ce n'est pas leur salut.

Et même, si par extraordinaire, Dieu s'intéressait aux hommes, ils les choisirait. Tout de même. Pourquoi voudrait-ils sauver n'importe qui ? Les voleurs ? Les assassins ? Les violeurs ? Mais ceux qui excluent, sont-ils aussi parfaits qu'ils l'exigent des autres ? En sont-ils vraiment persuadés, au fond d'eux-mêmes ? Ne sont-ils pas aussi atteints par leurs propres exclusions ? L'Evangile, ce n'est pas leur salut.

Dieu a donné son Fils unique. Comme vous y allez ! Jésus-Christ a sans doute existé, ce que certains contre toute évidence historique, contestent encore. Il a existé certes. C'était sans doute un grand homme, un grand philosophe, un maître, un prophète, un gourou. Sans doute, mais le Fils de Dieu, ça c'est un peu gros ! Il a eu une vie exemplaire, d'accord. Sa vie est à méditer, à imiter, bien sûr. Fils de Dieu ? Fils unique de Dieu ? Non, là certains autour de nous ne suivent plus. L'Evangile, ce n'est pas leur salut.

Quiconque croit en lui. Ah bon, et puis ? Ce n'est pas possible. Le salut, comme ça, là, tout simplement ? Bien sûr que non ! Il faut mériter son salut. Il faut se racheter, se faire bien voir. Combien de nos amis pensent que le salut, ça se mérite, ça se récolte. Il y a des choses à faire, des rites à accomplir, des indulgences à grappiller. Toujours plus, et sans fin, jusqu'à la fin. L'Evangile, ce n'est pas leur salut.

Ne périsse pas. Nous sommes environnés de tant d'hommes, de femmes, qui sont déjà morts, pour qui la vie n'est plus une vie, pour qui le futur est une crainte, une angoisse. Mais voilà, toutes les tentatives de "s'en sortir" par soi-même sont vouées à l'échec, en fin de compte. Il y en a même qui décident que mort pour mort, autant l'être effectivement. A quoi bon lutter quand la mort est déjà là. Qui leur dira, que l'Evangile peut être leur salut ?
On trouve aussi ceux pour qui la vie est une quête à la poursuite d'un idéal inatteignable. C'est toujours imparfait, c'est toujours plus loin. Cette vie sans succès est une vie sans salut.

La vie éternelle. Foutaise. Quand on est mort, on est mort. Il y en a bien qui racontent des trucs, sur la vie après la vie. a fait vendre des livres. La récompense dans la vie éternelle, c'est bon pour les prolétaires. La vie de nombre de nos contemporains se limite à eux-mêmes, à leur temps, à leur personne, aux satisfactions momentanées, peut-être à leurs proches. L'Evangile, ce n'est pas leur salut.

Celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils de Dieu. Il s'est de lui-même exclu. Il refuse l'Evangile. Pour l'instant. Puisse-t-il ne pas s'enferrer dans ses idées ? Qui lui expliquera le fond de l'Evangile ? Qui priera l'Esprit de le convaincre de son péché, de le convaincre de la grâce de Dieu ?
Et pourtant, enfin, notre verset ne contient-il pas le coeur de l'Evangile ? Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle.

Dieu. Le Créateur. L'Auteur de notre univers, et de notre vie.
Celui que nous connaissons. Celui qui connaît chacun, chacune de ses créatures, chacun des hommes. Celui qui aime. Celui qui aime tant le monde. Il connaît chacun. Il aime chacun. Dieu, celui qui veut établir une relation personnelle avec chacun. Celui qui a créé le monde, qui a créé l'homme, et qui l'a créé libre. Il aime tout le monde. Il aime les hommes, même s'ils se déchirent. Il aime la nature, que les hommes tendent à détruire.

Dieu a donné son Fils unique. La venue de Christ sur la terre, sa mort sur la croix, ont coûté à Dieu. Ce n'était pas une bagatelle, un tour de passe-passe. Il a vraiment voulu montrer dans sa chair, qu'il aimait les hommes. Comme l'a dit Pierre, Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant.

Afin que quiconque, c'est à dire n'importe qui, c'est à dire même toi, présent ici ce matin et qui hésite. C'est aussi ton voisin, celui qui habite à côté de toi, celui qui travaille à côté de toi, celui qui marche dans la rue à côté de toi. L'Evangile est pour tous, pour autant qu'on l'écoute et en vive, pour autant qu'il soit proclamé.

Croit en lui. Beaucoup parmi nous connaissons ce passage du livres des Nombres auquel fait référence le verset 14, quand les Israélites dans le désert, après avoir murmuré contre Dieu, sont confrontés aux serpents brûlants, et quand, sur instruction de Dieu, Moïse fait un serpent d'airain qu'il élève sur un pieu pour pouvoir être vu de tout le camp. Celui qui était mordu par un serpent et qui regardait le serpent d'airain avait la vie sauve.
Celui qui se disait : c'est absurde, regarder n'enlèvera par le venin, et qui ne regardait pas avec confiance, mourait. Le salut de l'Evangile est pour celui qui regarde à Jésus-Christ, à la croix, pour celui qui compte sur la grâce de Dieu démontrée à la croix, pour celui-là le salut est présent.

Cesser de se regarder soi-même, cesser de ressasser ses angoisses, ses problèmes, ses montagnes de problèmes, et regarder ailleurs, vers Jésus-Christ, voilà une issue. Alors on pourra regarder ailleurs, les autres, le monde, avec Jésus-Christ, par Jésus-Christ.

Alors la mort qu'était cette vie disparaîtra. Une vie nouvelle, éternelle commencera. Les perspectives s'élargiront, l'horizon se débouchera, l'avenir s'ouvrira. Dieu l'emplira. Jésus-Christ y occupera le centre, et les autres y trouveront toute la place. Et la mort physique n'y changera plus rien.

Car Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle.

Je voudrais terminer en disant ce que n'est pas cet Evangile que nous proclamons, et que résume ce verset.

Ce n'est pas une religion, dans le sens "classique" du terme. Je m'explique. Il ne s'agit pas ici d'une série de rites au caractère efficace, magique qu'il faudrait accomplir. Il ne s'agit pas d'une série de prescriptions d'ordre personnelles qui permettraient d'établir une échelle de mérites. Il ne s'agit pas d'un ensemble de connaissances, plus ou moins cachées, qui répondraient à des questions métaphysiques. Il ne s'agit pas non plus d'un système de règlements qui régiraient une société idéale, donc soumise.

Si c'est quelque chose comme ça que tu es venu chercher ici ce matin, tu ne le trouveras pas. Tel n'est pas l'Evangile que nous proclamons.
Si tu cherches le salut, le vrai, le voici. Cesse de regarder à toi, à ce que tu rates, à ce que tu réussis. Regarde à Christ, au crucifié, au ressuscité. Laisse l'amour de Dieu envahir ta vie. Renonce à te justifier. Il t'aime comme tu es, pour te changer. Lui te changera, pas toi. Cherches-le, apprends à le connaître, à l'aimer, à l'écouter. Il t'a cherché, il te connaît, il t'aime, il t'écoute. Regarde autour de toi. Ceux qui t'environnent, il les aime aussi. Aime-les. Lance-toi avec lui dans la vie éternelle. Ta vie de mort est finie, là, au pied de la croix, et devant le tombeau vide.

Car Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle.

Amen.

(Philippe Cousson)

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