Poitiers, 13 décembre 1992

Psaume 96
Esaïe 35 1:10
Jacques 5:7-10
Matthieu 11:2-11

     Encore ce matin, nous méditerons à partir du psaume indiqué sur les livrets, aujourd'hui le psaume 96.

     Il y a autour de nous, et vous en connaissez sûrement, des personnes qui pensent que Dieu n'existe pas, qu'il ne peut pas exister, que ce qui se passe ne se passerait pas s'il existait, ou même que cette hypothèse est totalement inutile. Et voilà, les hommes sont sur la terre, seuls, et ils n'ont qu'à se débrouiller, seuls, avec les problèmes de cette terre, ceux qui sont naturels, et ceux qu'eux ou d'autres hommes causent. Rien ne viendra d'un ailleurs qui n'existe pas.

     Il y en a d'autres, et vous en connaissez aussi, qui admettent qu'il existe certainement un Dieu, une espèce de Grand Architecte, d'horloger, d'Etre Suprême. Mais il reste silencieux, voire inaccessible, indicible, lointain, peut-être hautain. Et la situation est la même. Lui il est là-bas, ou plutôt là-haut, et nous ici, il faut bien qu'on se débrouille. Là non plus, rien à attendre de quelqu'un qui pointe aux abonnés absents. Il ne viendra pas

     Les théories sur les relations entre les systèmes décrivent les échanges possibles sous trois formes : un échange d'information, un échange d'énergie ou un échange plus tangible, de matière.

     Poursuivons la revue. D'autres personnes encore disent que Dieu a délivré en une fois, ou en plusieurs fois, ou peut-être délivre encore, son message, une information, des informations, la connaissance, et c'est à nous de nous arranger avec ça. On sait peut-être comment il faudrait faire, mais on reste seul. Il n'est pas venu.
     Il s'en trouve aussi pour affirmer que Dieu, une personne ou une entité diluée dans l'univers, procure son énergie, ou l'énergie cosmique, ou l'énergie primordiale, ou l'Energie (avec un grand E), par des moyens divers, la méditation, ou le cristal, ou que sais-je encore. Mais voilà, une fois cette énergie reçue, qu'attendre d'autre ? On reste là, et Lui, la divinité, est ailleurs, ou partout, ce qui est la même chose, et on doit encore se débrouiller tout seul. Il ne peut pas venir.

     Mais Dieu, notre Dieu, l'Eternel, le Dieu des juifs, le Dieu des Chrétiens, lui, il s'est déplacé, il s'est incarné. Le Christ est venu vers nous. Il a habité parmi nous. La psaume l'a annoncé : il vient. Et nous le savons, nous pouvons en témoigner : il est venu. Et il a promis, et nous le savons, il est avec nous tous les jours, jusqu'à la fin du monde. Non ? Sa promesse, vous la vivez ? Ce matin, il est là ? Il est venu ? Oui ?

     L'Avent n'est pas l'attente mystique d'une illumination, ni la quête forcenée d'une part d'une quelconque énergie du cosmos.

     L'Avent, puis Noël, c'est la célébration du Dieu qui vient, du Dieu qui est venu, il y a presque 2000 ans maintenant. Et non seulement il est venu croiser le chemin des apôtres et des disciples en Palestine du temps de Tibère ou de Ponce Pilate, mais aussi, n'est-ce pas, il est venu croiser nos chemins à chacun parmi nous. Il a, il y a quelques minutes, quelques jours ou quelques années, fait irruption dans nos vies, dans chacune de nos vies. Comme certains l'ont écrit, il est venu nous rencontrer, chacun, là où nous étions, là où nous en étions, pour nous conduire ailleurs. "T'es venu de loin ?" Oh oui, de très loin, pour descendre, pour te rejoindre, pour te rattraper, pour venir là où tu étais, où tu en étais, et pour t'ouvrir un chemin nouveau, un chemin où tu ne marcheras plus seul. "Tu veux bien venir avec moi ?"

     Il me semble que le mot utilisé dans ce psaume, aux versets 7 et 8, et traduit par rendre ou rapporter la gloire, et dans une autre traduction comme on paye un tribut, est une forme grammaticale du verbe venir, utilisé au dernier verset dans la formule "Il vient". Ce serait une forme causative. Faites venir la Gloire au Seigneur, la gloire et la puissance. Il y a ici un échange. Si Dieu vient, s'il est venu, notre louange aussi vient à lui. Ce psaume demande de le louer, de l'adorer, de lui rendre gloire, de faire venir ce culte à Lui. Et ceci est d'ailleurs demandé à tous, tous les peuples, toutes les nations. Même la nature, le ciel, la terre, la mer, la campagne et les arbres chantent leur joie. Cette gerbe de louange qui vient à lui, que nous faisons venir à lui, le trouve en train de venir vers nous.
     Il vient. Et il ne vient pas les mains vides. Il vient avec le salut, avec la justice. Jésus, c'est Sauveur. Esaïe nous livre le chant de celui qui vient, qui vient en sauveur. Esaïe nous indique comment reconnaître ce salut : Les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent, les eaux jaillissent dans le désert, et un chemin est ouvert.

     Face au questionnement angoissé de Jean Baptiste, transmis pas ses disciples : Es-tu ce lui qui doit venir, ou devons nous en attendre un autre, Jésus répond en reprennant ces signes. Il est celui qui doit venir, il est Celui qui vient, il est là, et les signes du salut sont manifestes, et le salut est manifesté, avéré : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lèpreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts réssuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Oui, les disciples de Jean l'ont bien compris, c'est la présence même de Dieu, de l'Eternel, qui se manifeste ici par ces signes. L'attente des croyants est enfin récompensée, comme l'a si bien chanté Siméon en tenant le petit enfant.

     Revenons à nous tous ici rassemblés ce matin. Comment cela se fait-il que nous soyions réunis dans ce temple, le dimanche ? D'abord, nous sommes tous venus. Car nous qui sommes encore valides, nous ne nous sommes pas contentés d'écouter la radio ou de regarder la télévision, en restant seuls, mais nous sommes venus, venus à la rencontre les uns des autres, et à la rencontre de celui qui vient, qui est venu, de celui que nous attendions, et qui nous attendait. Car enfin, si ce momment est un rendez-vous entre nous, c'est aussi et surtout un rendez-vous que le Seigneur nous donne. Nous ne le voyons pas, mais nous savons qu'il est là, qu'il est venu lui aussi à ce rendez-vous. Et nous pouvons aussi faire venir à lui nos louanges, notre adoration.

     Notre célébration de l'attente de l'Avent, est aussi une façon de se replacer dans la foi de ce peuple d'Israël, qui a attendu la venue annoncée de Dieu, du Messie de Dieu. Et d'ailleurs, ils l'attendent encore, sûrs de sa promesse qu'il viendra. Il est venu, nous le savons. Et il vient tous les jours, vers nous, à côté de nous, sur ce chemin nouveau où nous cheminons ensemble, où nous venons ensemble. Il vient, dit le psaume avec la justice et la vérité. Les empreintes de nos pas sur ce chemin sont-elles bien les empreintes de la justice et de la vérité ?
    Si l'Esprit Saint est maintenant cette présence de Dieu parmi nous, dans l'Eglise, en nous, la présence du Seigneur, de Dieu dans le monde, autour de nous, se manifeste aussi et surtout par nous, par son Eglise. A qui disons-nous : Je viens ? Qui donc nous attend ? Qui dit de nous, qui dit de l'Eglise, qui dit de notre église : Elle viendra, elle vient, je peux l'attendre sûrement. Savons-nous, individuellement et collectivement, reconnaître là où il nous faut venir ? Savons-nous reconnaître là où nous sommes attendus, là où le secours de Dieu est attendu ? Celui qui chemine avec nous, celui qui nous accompagne, qui vient avec nous sur ce chemin nouveau, savons-nous l'entendre, savons-nous écouter sa voix qui nous dit, qui nous chuchote ou qui nous crie : je suis attendu là, tu es attendu là, vous êtes attendus là. Je suis celui qui vient, et tu viens avec moi, et vous venez avec moi. S'en trouve-t-il qui louent le Seigneur, qui font venir à lui la gloire, pour notre venue, pour sa venue avec nous ?

     Redonner l'espoir, redonner l'espoir à ceux qui n'attendent plus, ni rien ni personne, à ceux qui ont oublié que Dieu est celui qui vient, qui ignorent que le Seigneur est venu, voilà le chemin par lequel le Seigneur, l'Eternel, veut que nous venions aussi. Un chemin de justice et de vérité.

     Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?

     Il vient. Amen.

(Philippe Cousson)

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