Saint Sauvant, 19 novembre 2006

Daniel 12:1-3
Hébreux 10:11-18
Marc 13:24-32

Chers frères et soeurs, chers amis,

Vous avez peut-être entendu parler, ou vous pouvez imaginer, le paradoxe de la maintenance, ou de la réparation. Normalement, un service de maintenance ou de réparation efficace est celui qui répare efficacement et qui maintient en état de marche ce dont il a la responsabilité. Oui, mais voilà, alors, il n'a plus de travail. C'est là qu'est le paradoxe. Pour pouvoir continuer à fonctionner, un service de maintenance a besoin d'intervenir, donc a besoin qu'il y ait des pannes. Sinon, il ne sert à rien. C'est en quelque sorte ce dont nous parle ce passage de l'épître aux Hébreux.

Autre image contemporaine, qui est d'ailleurs quelque chose d'intemporel et d'universel, c'est la façon qu'ont certains d'effacer les dettes. Si j'ai un débiteur, et que par grandeur d'âme, ou par pitié, ou avec tout autre sentiment, je décide de lui annuler sa dette, je peux. Mais alors, il ne faut pas qu'à longueur d'année, ou à date régulière, je lui rappelle que je lui ai fait cadeau de sa dette. Il y a quelque chose d'anormal dans ce comportement, et j'espère que vous comprenez ce que je veux dire. Ou bien la dette est effacée, et alors elle ne doit plus apparaître, ou bien elle ne l'est pas et on peut alors la rappeler. Et nous sommes encore dans ces quelques versets des Hébreux.

L'auteur de cette épître, que l'on ne connaît pas (peut-être Apolos mais sûrement pas Paul), a ici repris des passages du Psaume 110 et de Jérémie 31 où il est dit que Dieu ne se souviendra pas des péchés. Oui, vous avez bien entendu : Dieu ne se souviendra pas des péchés, effacés, pardonnés, plus rien à faire. Si Dieu a tiré un trait, c'est que nous aussi, il nous faut tirer un trait. Nous n'avons plus rien à faire, nous non plus. Inutile de les ressasser, si Dieu ne s'en souvient pas, pourquoi nous faudrait-il y revenir sans cesse.

Dans la pratique juive d'avant Paul, et d'ailleurs encore actuellement, il y avait une célébration annuelle, qui a donné le Yom Kippour, où on se souvenait des péchés pour les présenter à Dieu et pour en recevoir le pardon. Il y avait des rites et des cérémonies pour marquer alors le pardon de ces péchés. Et on recommençait l'année suivante. Et en plus, il y avait des offrandes quotidiennes au Temple, que les prêtres présentaient pour le pardon des péchés. En fait, la pénitence et l'offrande étaient permanentes, et le péché toujours présent.

Ce passage de l'épître, ainsi d'ailleurs que beaucoup d'autres passages de la Bible, nous disent autre chose. Tous ces rites d'offrande et de rappel ne sont plus d'actualité. Ils n'ont plus lieu d'être. La grâce de Dieu, la mort et la résurrection de Christ, manifestent cette vérité : les péchés sont pardonnés. Déjà Jérémie le disait.

Et aussi, rappelez-vous cette affirmation qui est pour moi au coeur du message de l'Evangile et qu'on trouve deux fois dans Ezéchiel : "ce que je désire, ce n'est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive."

Et quand l'auteur de l'épître cite le prophète Jérémie, il mentionne, non pas qu'il cite un auteur, mais que ce texte est d'origine divine, inspiré dirait-on : "C'est ce que le Saint Esprit nous atteste."

Le Saint-Esprit, c'est non seulement celui qui a inspiré tous ceux qui nous ont transmis les textes bibliques, c'est aussi celui qui nous parle à chacun, nous donnant par exemple la conviction que nous sommes enfants de Dieu, la conviction que nous sommes pardonnés.
Parce que s'il est quelque chose dont il faut être convaincu, c'est bien de la grâce et de l'amour de Dieu, manifestés en Jésus.

Et ce que nous disent ces passages, tant Jérémie, Ezéchiel que l'épître aux Hébreux, c'est bien que cette grâce de Dieu est sans condition, il n'y a rien à faire, rien à offrir en compensation. Pas de sacrifice régulier. La promesse est là, pour tous ceux qui veulent bien l'entendre et la prendre pour eux.

Plus particulièrement, on peut noter dans le passage cité de Jérémie, que c'est Dieu qui agit, qui fait, qui pardonne, qui enseigne. L'alliance que JE ferai, JE mettrai mes lois, JE les écrirai, JE ne me souviendrai pas.

C'est Dieu qui établit l'alliance, une alliance nouvelle, un nouveau testament, c'est lui qui pardonne, et c'est lui qui place sa loi dans les coeurs.

Si Dieu n'est pas un comptable, nous n'avons pas à l'être non plus pour nous mêmes, et surtout pas pour ceux qui nous entourent. Dans ce que nous faisons, disons, pensons, il n'y a rien qui soit à calculer ni en plus ni en moins. Nous n'avons pas à tenir de comptabilité en recettes et dépenses. Il n'y a aucun péché qui soit de quelque façon que ce soit compensable. Seul peut fonctionner le pardon de Dieu. Accumuler les bons points ne sert à rien.

Et la loi que Dieu place dans les coeurs, qu'il écrit dans les esprits n'est pas une liste de choses à faire que l'on pourrait cocher : aujourd'hui j'ai fait ça et ça, et ça, et je n'ai pas fait ça et ça et ça. Celui qui raisonne ainsi est à côté du message. Il s'agit de vivre de la grâce, pour soi et pour les autres, envers soi et envers les autres. Aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même ne peut pas être comptabilisé, calculé, accumulé. C'est simplement le chemin qui conduit vers la perfection, vers la sanctification dans la foi, la grâce et l'amour de Dieu par le Saint Esprit.

Dans l'économie de l'ancienne alliance, le prêtre était toujours de service, debout, en train de faire des offrandes et des sacrifices, sans arrêt, perpétuellement. Il restait debout car il n'avait jamais terminé, recommençant les mêmes gestes et les mêmes paroles pour toujours les mêmes raisons, et en fin de compte la même absence de résultat tangible. Il fallait recommencer le lendemain, et l'année suivante.

Alors que Jésus est maintenant assis, à la droite de Dieu pour toujours. Il n'y a plus de sacrifice à offrir. C'est fait, c'est terminé, c'est accompli. Si lui, en tant que prêtre pour toujours, n'a plus d'offrande à faire, nous n'avons non plus pas d'offrande à faire pour les péchés. Ils sont pardonnés. Ce n'est pas un futur, ce n'est pas une hypothèse, ce n'est pas un conditionnel, c'est fait, c'est accompli.

Et ceci n'est pas valable uniquement pour nos relations avec Dieu, ça l'est aussi pour nos relations avec nos prochains, nos voisins, nos amis, nos relations.

Il ne s'agit pas de dire : je lui pardonne, mais. Il ne s'agit pas de dire : je lui pardonne, si. Il ne s'agit pas de dire : je lui pardonnerai quand. Si on pardonne, rappelez vous jusqu'à soixante dix fois sept fois, autant dire toujours, on pardonne vraiment, et on n'attend rien en retour. Je répète, on n'attend rien en retour. Pas de pardon donnant donnant.

Inversement, si vous avez été pardonnés, ne pensez pas qu'il vous faut quand même compléter ce pardon. Vous avez été pardonnés, oui ou non ? Alors comportez-vous en pardonnés, et pas en pardonnables.

Et ceci est aussi valable dans notre relation avec Dieu, surtout dans notre relation avec Dieu. Le pardon de Dieu, pour celui qui le reçoit, est total. Il ne faut pas en douter. Il ne faut surtout pas chercher à le mériter. Le pardon de Dieu remet tous les compteurs à zéro, ou même plutôt, il n'y a plus de compteur. D'ailleurs, y en a-t-il jamais eu. Alors n'essayez pas, n'essayez plus de comptabiliser des bonnes oeuvres, n'essayez pas de thésauriser des mérites. Cela reviendrait à considérer le pardon de Dieu comme incomplet, autant dire à le considérer comme rien, c'est à dire en fait à le refuser. Parce que, en réalité, le pardon de Dieu donne un nouveau départ, une nouvelle façon de vivre, avec la loi de Dieu dans nos coeurs.

Mais alors, et cette loi dans nos coeurs et dans nos esprits ? Elle n'est pas là pour être mesurée, elle est là pour être accomplie, pour être vécue. Et comment est-elle dans nos coeurs, dans nos esprits ? Elle s'y trouve par l'écoute de ce que l'Esprit a à nous dire. Elle s'y trouve par la prière et l'écoute de la Parole de Dieu par la méditation de la Bible, et par un compagnonage avec le Seigneur. Une distance prise et le message devient moins net, mais le pardon reste acquis à celui qui y place sa confiance. C'est cette connaissance de l'Eternel, comme dit Jérémie, qui est la clé de cette vie de pardonné.

Cette nouvelle alliance, à laquelle vous êtes appelés et dans laquelle vous êtes, c'est celle du pardon et de la connaissance de Dieu. N'en faites pas celle du mérite et de la soumission. C'est cela aussi le salut par la grâce seule. Où il y a pardon des péchés, il n'y a plus d'offrande pour le péché.

Amen.

(Philippe Cousson)

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