Poitiers, 20 février 2005

Galates 4:1-31

Chers frères et soeurs,

Je poursuis donc avec vous notre parcours à travers l'épître aux Galates.

Aujourd'hui, une histoire d'enfants et d'esclaves. Il s'agit de la suite de l'argumentation de Paul dans sa dispute contre les idées des judaïsants qui sont arrivés dans les églises de Galatie, et qui voudraient imposer aux croyants de l'Evangile les principes et règles du judaïsme de l'époque.

Ce chapitre peut se découper en plusieurs parties enchâssées. Entre deux parties traitant d'enfants et d'esclaves deux autres parties qui relatent les relations personnelles entre Paul et ces églises, qui elles-mêmes entourent un passage sur le zèle et les personnes zélées.

Dans ce texte, plusieurs mots différents sont utilisés qui sont traduits par enfants. On trouve aussi le mot fils. Les sens en sont soit héritier, soit mineur ou bébé.

L'enfant de la première partie est celui, qui quoiqu'héritier est aussi mineur, donc dépendant, et donc a un statut semblable à celui de l'esclave, sans autonomie. Il doit se soumettre à des tuteurs, à des curateurs, sans parler des éducateurs et pédagogues. Certains commentateurs ont reconnu ici la situation juridique antique des mineurs héritiers orphelins. Ils doivent attendre un certain âge avant d'être pleinement héritiers.

On trouve dans ces passages les mots esclave, asservi, servante. A cette époque-là, pas de droits sociaux pour les esclaves. Un esclave doit obéissance. Il doit être soumis en tout. Il n'est pas libre de ses mouvements, de ses actes, de sa vie même. Et l'asservissement auquel Paul fait allusion dans le début du texte est associé à quelque chose d'un peu mystérieux, les éléments, les éléments du mondes, les faibles et misérables éléments, ou encore les dieux qui par nature n'en sont pas.

Il est des tas de choses, personnifiées ou non, qui sont capables de nous asservir, de nous imposer nos pensées et nos actions. Inutile de remonter à l'époque antique pour comprendre cela. Certains parlent d'aliénation.

Et pour sortir de cela, Paul rappelle à ses lecteurs, ce que Dieu a voulu quand il a envoyé son Fils, il a voulu tirer les hommes de la servitude en leur faisant prendre part à l'héritage, et pour leur donner la place de l'héritier, il utilise l'adoption, cadre juridique bien connu dans cette période. L'adoption est reçue de Dieu par le Christ, par son Fils, et à ses fils adoptifs il a envoyé son Esprit, son souffle dans nos coeurs. Cette adoption signifie la fin de l'asservissement, de l'esclavage, la fin juridique de la vie passée, un nouveau nom et le statut d'héritier.

Et ce statut d'héritier est à associer avec la promesse mentionnée dans la dernière partie du chapitre. C'est la promesse qui désigne l'héritier, c'est l'héritier qui manifeste la promesse. Le véritable héritier, c'est le fils de la promesse, c'est Isaac. Il est le fils de la femme libre. C'est la promesse qui permet la liberté. Sans promesse, sans espérance, pas de liberté. Sans horizon ouvert pas de liberté, mais bien la servitude. Par opposition, voici le fils de la chair, l'avenir construit en se débrouillant, en essayant d'accomplir la promesse par soi-même, en forçant la main à Dieu. Ce fils de la servante n'est pas celui de la promesse, il est celui de la réussite personnelle, si vraiment réussite il y a. On pourrait dire qu'il est "bricolé".

Paul veut ainsi rappeler aux Galates que l'héritage ne s'obtient pas par la soumission, ni par ses efforts, ni par l'asservissement, ni par son habileté, mais bien par l'appropriation de la promesse, par la réception de l'adoption. L'héritage, la liberté, le salut sont donnés par Dieu, et ne sont pas obtenus par l'obéissance.

Dans ce cadre général, Paul rappelle aux disciples l'époque de sa venue. Lorsqu'il est arrivé, il était malade, ou handicapé (peut-être des yeux suivant une indication du verset 15). Et il est possible de comprendre que ce handicap pouvait être repoussant d'après le verset 14. En fait on ne peut absolument pas savoir quelle était cette maladie, ce handicap, cette infirmité. Beaucoup d'hypothèses ont été formulées. Mais elle n'apportent rien de plus au fond de l'affaire. L'important est que ce problème aurait pu détourner les Galates du message et du discours de Paul, mais ce ne fut pas le cas. Il fut bien reçu. Paul a pu annoncer l'Evangile, et l'Esprit de Dieu a pu travailler.

Mais voilà, Paul en est arrivé à se demander ce qu'il a bien pu manquer. Il se demande si ce qu'il a dit et fait a bien servi à quelque chose. Alors, il continue d'essayer de montrer qu'ils sont partis sur un autre voie, une voie sans issue.

Son souci pour cette église et ses "petits enfants" est évidente. Il ne s'agit pas tant pour lui de ne pas rester sur un échec, mais bien par amour de ramener ses amis, ses frères et soeurs en Christ dans le chemin de la grâce et de la liberté, de la vérité. Ce qu'il souhaite, c'est que Christ soit formé en eux, que l'esprit soit dans leur coeur et crie à Dieu : Abba, Père.

Il attend d'eux qu'ils soient zélés, mais zélé pour le bien.

Le zèle des "autres", c'est à dire ces fameux chrétiens judaïsants, n'a d'autre but que de les exclure, car ce qu'ils demandent est si peu faisable, que les croyants eux mêmes ne peuvent l'accomplir. En fait ils attendent un zèle qui soit, autant sinon plus, tourné vers eux mêmes plutôt que vers Dieu et vers le bien.

Après ces quelques notes sur ce chapitre, essayons de voir un peu où nous nous situons. En reprenant les schémas de ce passage, sommes-nous plutôt enfants ou esclaves ?

Nous nous comportons comme des esclaves, des asservis, quand nous nous imposons ou laissons imposer des règles de vie. Attention, ne me faites pas dire ce que je ne veux pas dire. Il y a effectivement des tas de choses qu'il convient de faire, et d'autres qu'il ne convient pas de faire. La vie humaine, la vie sociale imposent des règles. Là n'est pas le problème. Le problème vient quand ces règles, ou d'autres, ont une fonction méritoire, quand elles sont là pour valoriser, ou dévaloriser, quand on commence à en tenir un compte, quand le fait de ne pas accomplir un devoir représente une menace pour son salut, quand on s'imagine que Dieu exige un décompte.

Prenons l'exemple mentionné par Paul : les temps. Marquer les temps est-il en soi mauvais. Certes non. Nous marquons le dimanche, comme jour de repos et de louange à Dieu. Bien. Mais, il ne faut que cela soit un bon-point de plus ajouté sur un carnet de notes céleste. Ou, inversement, qu'un dimanche matin sans aller au culte soit compté comme un mauvais point sur ce même carnet.

Et de même pour les fêtes "carillonnées". Pâques, Pentecôte, Noël : des occasions de célébrer Dieu, de se remémorer la vie de Jésus-Christ. Mais pas des obligations religieuses. Le christianisme n'a pas de "piliers". Il n'y a dans la foi chrétienne rien "à accomplir", ni pour son salut, ni pour compléter ou perpétuer le salut des hommes.

Tout ce qui est attendu des chrétiens, l'est en remerciement d'un salut reçu. Tout est de l'ordre du don, tant le salut de Dieu, que la vie du chrétien. L'esclave ne donne pas, il obéit. Seul celui qui est libre, libéré, peut donner.

Et puis, est-ce que nous nous comportons comme des enfants, des héritiers ? L'enfant, l'héritier, c'est celui qui a été racheté, c'est celui pour lequel Dieu a envoyé son Fils, c'est celui auquel Dieu a envoyé son Esprit. Est-ce que je suis celui-là ?Est-ce que je le mérite ? Oh, Oh, Oh. Celui qui pose cette question n'a pas encore compris. Il n'y a jamais rien à mériter dans cette affaire-là. Ce rachat, ce salut, c'est là, offert. Il n'est nul besoin de le mériter, de se le procurer, de l'acheter. Nul besoin d'exercice spirituel. Nul besoin de sacrifice. L'amour de Dieu est là. Pourquoi dire, non, ce n'est pas possible ? L'enfant prend ce que son père lui donne, parce qu'il sait que son père l'aime. Prenons ce que Dieu nous donne.

Et nous recevrons l'adoption. Et nous serons ses enfants, ses héritiers. Les péchés, les erreurs, les ratages, sitôt reconnus sont effacés. La promesse est là, pour nous. Nous sommes les enfants de la liberté. Nous ne sommes plus liés par ce passé qui nous oppressait.

Nous pourrons être alors zélés pour le bien, non par parce qu'il faut sinon..., mais à cause du don de Dieu, et de l'amour qu'il porte aux hommes autant qu'à nous.

Et nous pourrons aussi le louer pour sa grâce, tant dans le secret de la chambre que dans la prière communautaire.

Je voudrais terminer en vous demandant d'essayer de vous souvenir de quelle manière et par qui l'Evangile vous a été annoncé. Bien sûr c'est l'Esprit de Dieu qui est venu vous convaincre de la grâce et de l'amour de Dieu. Mais il y a eu quelqu'un qui vous a parlé, qui a su montrer une parcelle de cet amour de Dieu. Essayez de vous rappeler cette personne, ou ces personnes. Essayez, en pensant à ce que Paul raconte aux Galates de l'amour qu'il leur porte, de vous rappeler ces témoins, quelle était leur attitude, quelles étaient leurs paroles, comment leur message vous a touché, peut-être immédiatement, peut-être après un certain temps.

Vous souvenez-vous du moment où l'Evangile a été pour vous une libération, une respiration, un avenir qui s'ouvrait ?

Cette espérance, cette liberté, ce salut reçu par grâce, n'est-il pas aussi pour les autres ? Ne serait-ce pas aussi à nous de prendre cette part de l'annonce ? Nous qui sommes héritiers de cette promesse, ne nous faut-il pas aussi dire à d'autres que la promesse est aussi pour eux ? Non pas parce que nous risquerions de la perdre, mais parce passer à côté, c'est passer à côté de la liberté, de l'amour. Notre amour pour les autres, notre amour pour les hommes va-t-il jusque là, jusqu'à évangéliser ?

Amen.

(Philippe Cousson)

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