Poitiers, 3 juillet 2005

Gal 5:1

Chers frères et soeurs en Christ, nous voici arrivés à une forme de conclusion de la série de méditations sur l'épître aux Galates. Ce verset est souvent retenu comme le noeud de l'épître, et il aborde un thème qui a parcouru la philosophie de tous les temps. Je ne vous présenterai pas une dissertation philosophique, je n'en suis pas capable. Mais nous essayerons ensemble de voir ce que ces quelques ont encore à nous dire.

Repassons d'abord rapidement cette épître aux Galates.
Cette région de Galatie a été visitée par Paul. Il y a laissé des églises touchées par la grâce du salut en Jésus Christ. Et voilà qu'il apprend que des croyants d'origine juive, des judaïsants, prétendent imposer à ces croyants de Galatie les règles du judaïsme de l'époque, en laissant entendre que ce sont des conditions au salut. Et c'est ce qui fait réagir Paul. Pour Paul, il n'y a rien à ajouter à l'oeuvre du Christ, à l'amour et la grâce de Dieu. Alors, il attaque, argumente. Il raconte, il explique, il expose. Ses rencontres avec les apôtres sur ce même sujet, la grâce de Dieu, le salut par la foi, la justification oeuvre de Dieu mais pas oeuvre de la loi, la vie du croyant réglée non par la loi, mais par l'Esprit.

Voyons donc ce verset : il commence, dans l'original, par les mots : la liberté. Grammaticalement, le nom est au datif : A la liberté, pour la liberté. Il faut aussi noter en passant que ce mot répond en grec au dernier mot du verset précédent, qui est presque le même à une lettre près, et qui est traduit par "la femme libre". On dirait en terme contemporain que Paul rebondit.
Voyons un peu quel sens donner à cette liberté. S'agit-il de celle qu'un poète a longtemps gardé comme une perle rare ? S'agit-il de cette autonomie guidée par une raison éclairée ? S'agit-il d'une absence de contingence et d'aliénation ? S'agit-il d'un idéal à conquérir, à atteindre, pour lequel il faille lutter ?

En fait, la liberté dont il est question dans ce verset, et dans l'ensemble de la Bible, n'a de sens que si elle est le résultat d'une libération. D'ailleurs ici, elle est le résultat de la libération qu'a opéré le Christ. Libérer, c'est ici, et dans l'ensemble de la Bible, affranchir, quitter le statut d'esclave ou de prisonnier.
On peut trouver dans cette épître, mais aussi ailleurs dans la Bible, les choses qui peuvent nous tenir en esclavage, en servitude, nous enchaîner. D'abord le péché. Mais aussi, et le rapprochement est assez curieux pour qui n'est pas habitué, la loi. Non pas la loi en tant que code moral et pratique, en tant que liste de choses à faire ou ne pas faire, mais bien la loi en tant que moyen de justification, en tant qu'outil de calcul en vue du salut, en vue d'une délivrance de l'état de pécheur. Cette loi devient alors un esclavage, et comme il est impossible de l'accomplir, elle devient comme une drogue, dans le sens qu'on ne peut plus s'en passer, mais qu'elle n'est jamais satisfaisante.
A l'époque, on parlait du joug de la loi juive, à laquelle il fallait se soumettre, et l'allusion évangélique au joug facile que Jésus demande de porter est aussi sans doute en rapport avec ceci. De même d'ailleurs que l'expression qui termine ce verset : le joug de la servitude. Il ne s'agit ici ni du joug de l'esclavage, ni du joug du péché, mais bien du joug de la loi, ce qui est le cri de tout l'épître.

Revoyons encore ces cinq mots qui constituent la première partie de ce verset, et qu'on pourrait redonner simplement en français par : Pour la liberté Christ nous a libérés.

Pour la liberté : Cette liberté qui est la nôtre, elle était l'objectif de Christ pour nous, elle est et reste cet objectif si nous ne le vivons pas. Il y a eu, et il reste sans doute encore des tas de choses dans nos vies qui nous emprisonnent, qui nous asservissent, qui nous polluent, qui nous pourrissent la vie et la rende difficile ou impossible. Eh bien, que nous ayons par rapport à tout ceci la liberté, c'est l'objectif de Christ. Il veut notre liberté. Et c'est pour cela que lui, le Christ, l'oint de Dieu, a voulu nous libérer. Mieux que cela, il nous a libérés. Ce n'est pas à venir, ce n'est pas quelque chose à attendre ou à espérer. C'est fait. C'est effectif. C'est terminé, c'est accompli. Christ nous a libérés. Il n'y a rien à faire, rien à ajouter.
Si donc nous sommes libérés, et nous le sommes, c'est donc pour la liberté. Bien. Mais, c'est quoi alors ? S'agit-il de se dire : plus de règles, plus d'asservissement ? En fait, il faut prendre le raisonnement à l'envers. Ce ne sont pas tant des choses qui disparaissent, que des possibilités qui se présentent, des opportunités, des possibilités de faire ce que nous aurions dû nous engager à faire, mais qui étaient impossibles ou difficiles alors. Cette liberté, c'est la vie selon l'Esprit, c'est la vie des fruits de l'Esprit, la vie de l'amour pour Dieu et pour son prochain. Toutes choses que l'asservissement au péché empêchait ou entravait.
Cette liberté, cette libération, c'est aussi la fin de la course à la justification, la fin de la course poursuite culpabilité - compensation. C'est la fin des comptes d'apothicaire des bonnes actions, des actes méritoires. De cela aussi, la libération que Christ donne, nous libère. Le salut par grâce, le don gratuit de Dieu, comme certitude que nous recevons, nous libère de cette angoisse possible quant à l'amour de Dieu.

Et puis suit un autre mot, un ordre : demeurez ferme, ou encore, persévérez.
Ne vous laissez pas détourner de cette certitude de la libération, de la justification. Ne vous laissez pas embobiner par quelque exigence, par quelque sainteté qu'il vous faudrait accomplir, par quelque preuve de votre foi qu'il vous faudrait fournir. Le salut, la liberté, la vie nouvelle, Dieu vous les a donnés, Christ vous les a acquis. C'est fait. Que ce soit votre certitude, votre conviction, votre espérance, votre joie. Quoi qu'on dise. Quoi qu'on en dise.
Il vous faut placer votre souci ailleurs, non plus en quête de salut, mais en vie de témoignage, de reconnaissance, en faisant fructifier ce que vous avez reçu, en vivant les fruits de l'Esprit. Et ceci sans compter. Et puisque vous recevez sans payer, alors redonner sans compter. C'est ainsi que fonctionne la comptabilité de l'amour de Dieu.

Et enfin, et j'y ai déjà fait allusion, ce verset se termine par cet impératif négatif passif : ne vous soumettez pas à nouveau au joug de la servitude.
Et c'est vrai que pour les Juifs de l'époque, comme d'ailleurs pour ceux de maintenant sans doute, comparer la loi donnée à la libération hors d'Egypte à une servitude, à un esclavage, peut paraître scandaleux. Mais c'est sans doute que pour Paul, les Juifs pratiquants avaient perdu le sens de ce que signifiaient vraiment la libération d'Egypte et la loi. Le peuple était libéré. Là aussi cette libération était faite. Et la loi était là simplement pour témoigner de ce que Dieu avait fait et attendait d'un peuple libéré. Mais, à force, ils avaient fait de cette loi un moyen de libération, une condition au soutien de Dieu. Or, quand Dieu leur a signifié et rappelé son alliance, il leur a bien dit qu'ils étaient au bénéfice de cette alliance. Mais en ne tenant pas cette alliance pour acquise, ils ont cherché à la maintenir par leurs efforts, ou alors ils ont cherché d'autres appuis hors de cette alliance. Bref, ils sont passés à côté de l'alliance.
Et voilà ce que Paul ne veut pas que les chrétiens de Galatie fassent. Ils veut qu'ils restent persuadés de l'amour de Dieu, de la liberté que Christ leur a prodigué, par grâce, de l'alliance dans laquelle ils sont rentrés par la foi, et des fruits de l'Esprit qui sont appelés à croître dans leurs vies.

Et nous, ce matin, en ce début de congés, au moins pour certains, où en sommes-nous de notre libération ? En sommes-nous encore à compter, à calculer, et ce qui ne va pas dans notre vie, et ce qui est bien, ce qui pourrait plaider pour nous ?
Calculer est vain. Tenir une comptabilité, qui de toutes façons sera toujours déficitaire est inutile. Venir au culte pour ajouter un bon point ne sert à rien.

Pour la liberté, Christ nous a libérés. Voilà la certitude qui doit nous emplir. Nous sommes libérés, et nous sommes appelés à la liberté.
Libérés du péché, libérés de la culpabilité aux yeux de Dieu, libérés de nos tentatives de rachat, de compensation, libérés de nos angoisses et de nos désespoirs devant nos échecs d'amendement.
Pour la liberté, la liberté d'aimer sans calculer, la liberté de servir, la liberté de témoigner, de glorifier Dieu.
Les fruits de l'Esprit ne rapportent rien à celui qui les porte, mais ils enrichissent et nourrissent ceux qui l'entourent.

Et par rapport à ceux qui nous entourent, justement, comment la manifester, cette liberté que nous avons reçue ?
En vivant des fruits de l'Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, etc. Et en mentionnant sur quel arbre de vie ils ont poussé. En n'oubliant pas que c'est sur du bois que notre libérateur est mort. Ce bois de la croix a été pour nous le bois de la vie. La croix est comme notre arbre de vie.
En invitant aussi à cesser tout calcul et marchandage pour l'existence et la raison de vivre, et à entrer dans cette libération et cette liberté qui est aussi offerte.
Si le Christ est mort les bras ouverts, c'est aussi les bras ouverts qu'il accueille et invite. C'est les bras ouverts qu'il a libéré.

Le message que Paul a écrit aux Galates n'était pas un simple rappel à l'ordre, c'était un envoi, un ordre de mission, un appel à la mobilisation pour la liberté et la libération, ainsi qu'un hymne à la grâce de Dieu.

Alors donc, je vous rappelle ce message de foi, d'amour et d'espérance :
Pour la liberté Christ nous a libérés. Alors demeurez ferme, et ne vous soumettez pas à nouveau au joug de la servitude.

Amen.

(Philippe Cousson)

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