Poitiers, 27 mars 2005 (Pâques)
Luc 24:1-12
Galates 5:1-26
Chers frères,
Qu'est-ce que nous célébrons ce matin ? La résurrection du Seigneur Jésus Christ. Et
pourtant, c'est exactement la même chose que nous célébrons tous les dimanches matin, le
dimanche, premier jour de la semaine, jour de la résurrection.
Nous venons d'en lire le récit. C'est quoi la résurrection ? Une "belle histoire" ? Un récit
connu presque par coeur ? Et c'est tout ? Quelle en est la signification pour nous,
personnellement ? Pour le monde ? Quelle est la validité de cet événement ? Son sens ? Sa
portée ?
C'est un peu ce que Paul développe dans toute son épître aux Galates, et plus particulièrement
dans ce chapitre 5. Je formulerai ceci par le slogan suivant : Croyez-vous que Jésus est
ressuscité ? Oui ? Alors, vivez-le, vivez-en. Vous croyez que Jésus est mort sur une croix, et
ressuscité le troisième jour, alors votre vie ne peut plus être comme si cet événement n'avait
pas eu lieu. Quand on affirme, quand on chante, Il est ressuscité ! Cela doit forcément avoir
des conséquences dans sa vie. Et c'est ce que Paul nous livre dans ce chapitre.
Et ce qu'apporte la résurrection, Paul l'appelle la liberté. Et il la présente dans ce chapitre en
contraste avec deux idées, deux idées qui sont incompatibles avec une vie qui viendrait de la
résurrection.
Dans la première partie du chapitre, il oppose la liberté qu'apporte l'Evangile, à laquelle nous
appelle l'Evangile, à la tentative forcenée d'obéissance à la loi, de soumission à la loi.
Et dans la deuxième moitié, il l'oppose à l'assouvissement des désirs charnels.
Si on peut facilement comprendre qu'une vie sainte, car telle doit être une vie de croyant,
n'est-ce pas, qu'une vie sainte soit contraire à l'assouvissement des désirs charnels, on a plus
de peine à comprendre que le respect de la loi, que la soumission à la volonté de Dieu soit
aussi dépeint comme contraire à l'Evangile.
C'est parce que l'homme a toujours tendance à tout faire de travers, à tout transformer par rapport à lui-même. C'est tout simplement parce que l'homme n'a en fait rien compris à la mort et à la résurrection du Christ. Et pourtant ce n'est pas faute de l'avoir dit et écrit tout au long du Nouveau Testament, et même quand on y fait mieux attention tout au long de l'Ancien Testament. La clef c'est bien sûr l'amour et la grâce de Dieu. L'initiative vient de Dieu, l'accomplissement vient de Dieu. Jésus est mort sur la croix. Qu'est je peux faire de plus? Rien! Dieu l'a ressuscité des morts. Qu'est-ce que je peux ajouter ? Rien. Mais alors, je fais quoi moi là dedans ? Je fais quoi pour ma vie ? Rien ! Tout est déjà fait. Si tu ne crois pas que tout est déjà fait, si tu ne veux pas ne plus rien avoir à faire, alors tu passes à côté de la résurrection. Si tu veux vivre de la résurrection, il ne faut pas chercher à vivre d'autre chose, il ne faut pas chercher à vivre d'obéissance, il ne faut pas chercher à vivre de soumission. C'est Jésus Christ qui a obéi comme aucun homme n'a jamais pu le faire et ne pourra jamais le faire. C'est lui qui a été soumis en tout à son Père, comme personne ne peut l'être par lui-même.
Parce que, en fait, et chacun en a conscience, il n'est pas possible d'être obéissant en tout aux
commandements de Dieu, il n'est pas possible de ne jamais transgresser la moindre règle
morale ou religieuse. S'il est impossible d'être parfaitement soumis, il est alors impossible
d'atteindre les standards de Dieu, et donc de lui plaire, d'avoir une vie comblée.
Pour évoquer tous les commandements, Paul utilise l'image de la circoncision, à laquelle des
croyants d'origine juive voulaient soumettre les croyants d'origine païenne. Pour lui,
commencer par la circoncision, c'était mettre le doigt dans l'engrenage et s'engager à
accomplir le reste. Pourquoi effectivement en rester à la circoncision ? Or, la foi en la mort et
la résurrection de Jésus ne demande pas la circoncision, ni l'obéissance formelle aux
commandements, mais appelle à une vie d'amour, par l'Esprit, dans l'espérance de la justice.
Mais pour certains, cela restait un scandale, que le salut soit accordé sans être mérité. Qu'est-ce que Jésus est allé faire sur la croix ? Il aurait dû nous dire ce qu'il fallait faire, et pas le faire à notre place. Et pourtant c'est ce qu'il a fait, et au delà même de ce que nous aurions pu faire.
C'est cela, la grâce de Dieu. Il nous regarde au travers de la mort et de la résurrection de son
Fils. Mais si nous cherchons à accumuler des bons points, c'est que nous considérons que ce
qu'il a fait n'a en fait pas de valeur, ou pas assez. Et alors, la grâce ne peut plus s'appliquer.
Si vous êtes venus ici ce matin parce que c'est Pâques, et qu'à Pâques, il FAUT aller au culte,
vous l'avez bien compris, vous avez tout faux. Et c'est la même chose si vous allez au culte
tous les dimanches parce qu'il le faut. Non, aller au culte, c'est rendre gloire à Dieu à cause de
cette même résurrection, mais certainement pas ajouter un culte à sa liste personnelle.
Ceci étant dit, Paul passe au second point. S'il n'y a plus de règles, vivons sans règles, vivons
une vie déréglée. Mais ici aussi Paul dit "Stop". Ce n'est pas parce qu'il ne faut pas faire de sa
vie une soumission permanente aux commandements, qu'il faut laisser les commandes de sa
vie à son propre plaisir. Les désirs de la chair, les désirs de satisfaction de toutes les envies,
d'assouvissement de tous le fantasmes, nous éloignent aussi sûrement de l'Evangile que les
tentatives d'obéissance à la loi. Dans chacun des deux cas, le centre de la vie, c'est MOI. Que
j'essaye de me soumettre, d'obéir, ou que je me lâche, je pense à moi, à la satisfaction de mon
ego, ou de ma chair, de mon ventre, ou de ma réputation, de ma position. Il est alors loin, le
Christ. Et Dieu encore plus. Et l'autre, je n'en parle pas.
Où est alors l'espérance de la justice ? Où est la foi agissante par l'amour ? Parce que la voilà
la clé de ce chapitre, et la clé de la résurrection, l'amour.
Vous connaissez ce verset : Car Dieu a tant aimé le monde. L'amour de Dieu est à l'origine.
Et c'est cet amour qui est demandé à ceux qui se placent sous la grâce de Dieu.
Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tu regarderas ton prochain, et son intérêt, comme
si c'était toi et ton intérêt. Tu vas cesser de ne regarder que toi, cesser de compter les
commandements que tu as réussi à accomplir et ceux pour lesquels tu as échoué, cesser de
penser à toi et à ce qui pourrait te faire plaisir.
La résurrection apporte cette liberté qui permet de se sortir de ces impasses, de ces parties de
ping-pong où l'échec renvoie à l'échec. Et pourtant, il nous faut faire attention à quelque
chose. Pour pouvoir vivre correctement de cette liberté, pour pouvoir vivre normalement cet
amour, il nous faut nous laisser guider par l'Esprit, nous laisser conduire par l'Esprit.
Se laisser conduire par l'Esprit, ce n'est pas réciter un carnet de recettes pour une vie
heureuse, ce n'est pas appliquer une méthode infaillible pour réussir sa vie, c'est déplacer le
centre de gravité de sa propre vie vers Dieu et vers le prochain. C'est placer en eux son
objectif, sa raison de vivre.
Paul utilise dans ce passage deux mots, dont le sens peut nous éclairer pour comprendre un
peu plus ce qu'est une vie issue de la résurrection. Ce sont les mots gloire et justice.
La gloire, c'est étymologiquement le poids, le poids que l'on veut donner à quelqu'un, ou à sa
propre vie. Paul nous demande de ne pas chercher de vaine gloire. La gloire n'est pas à nous,
et nous savons bien que notre vie est loin d'être glorieuse. La gloire est à Dieu, à Dieu seul,
ont dit les Réformateurs. Ce qui doit peser, ce qui doit compter dans nos vies, c'est Dieu. Et
ce que nous faisons lorsque nous nous réunissons le dimanche matin, c'est rendre gloire à
Dieu. C'est l'objet principal du culte. Chercher une gloire personnelle en quoi que ce soit est
aussi vain que stupide. Nous avons tout reçu de Dieu.
La justice, ce n'est pas ce que nous mériterions, ce n'est pas ce que tel ou tel mérite ou
mériterait. La justice, ou tout du moins celle de Dieu, c'est la justice telle qu'il la voit. Et Dieu
nous voit au travers de son Fils, de son Fils mort et ressuscité. C'est pour cela qu'il nous
regarde comme juste, puisque nous nous plaçons au bénéfice de ce salut par grâce. A cause de
Jésus-Christ, Dieu ne tient pas à notre sujet de comptabilité, sur ce que nous aurions réussi et
sur ce nous aurions échoué.
La justice, c'est celle que nous appliquons en aimant Dieu et notre prochain. Pour ce qui nous
regarde, la justice n'est pas celle qui parle de nous, c'est celle qui parle de l'autre, qui nous fait
aimer l'autre, c'est celle qui nous fait regarder l'autre comme Dieu le regarde. C'est celle qui
nous fait donner à l'autre du poids. Certainement pas parce que l'autre serait un petit bout de
Dieu, ou le visage de Dieu, mais parce qu'il est lui aussi aimé de Dieu.
Souvenons-nous de ce verset : "Oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en
avant". La seule chose qui soit à regarder en arrière, c'est la mort et la résurrection de Jésus-Christ, et c'est d'ailleurs la seule chose que Dieu voit. Par rapport à ce qui est avant, il faut
savoir que Dieu nous attend, et les autres aussi.
La vie que nous donne le Ressuscité, c'est celle que décrivent les béatitudes, ou bien ce que
nous donne la liste des fruits de l'Esprit : l'amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la
bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi. Quel programme !
Oui, Jésus-Christ est ressuscité ! A lui la gloire !
Vivons donc maintenant de cette résurrection !
Amen.