Poitiers, 19 décembre 2004

Galates 2:1-21

Cher frères et soeurs,

Au moment de rédiger ma prédication de ce matin, j'ai dû relancer l'antivirus de mon ordinateur après l'avoir mis à jour, parce qu'il envoyait à tous vents des pseudo-messages potentiellement infectants. C'est d'ailleurs une image assez bonne de ce que Paul a été amené à faire dans l'église de son temps. Il se répandait dans l'église primitive un virus qui allait de communauté à communauté, et dont les dommages pouvaient être graves, même si pour les virus informatiques, les seuls dégâts sont parfois seulement le pullulement.

Paul reprend donc dans ce qui est devenu le chapitre 2 de son épître le thème qu'il continuera de développer dans toute l'épître : la justification s'obtient par la foi en Jésus-Christ.

Il nous rapporte d'abord deux rencontres, puis termine à partir de la réponse faite à Pierre par un plaidoyer personnel où il utilise la première personne du singulier.

Faisons quelques comparaisons des rencontres :

Paul se rend à Jérusalem sur une révélation. Quelle était cette révélation ? Personne ne le sait. Avait-elle trait au voyage lui-même, ou bien à une caractéristique de cet évangile qu'il prêche ? En fait, le problème n'est pas là.

Il se rend donc à Jérusalem et rencontre les "leaders", dirions-nous aujourd'hui, de l'église de la ville. En fin de compte, les discussions se passent bien, et l'accord semble bon. Mais voilà que certains ont des exigences au delà de celles des respectés responsables. Ceux-là s'étaient subrepticement glissés parmi l'entourage de Paul et voulaient par exemple exiger une circoncision des non-juifs.

A Antioche, ce sont ceux de Jérusalem, ces mêmes intégristes judéo-chrétiens qui font le voyage. Et c'est alors que Pierre, en séjour à Antioche et qui partageait la vie de la communauté, discrètement, subrepticement, se soumet à leur diktat, par crainte d'on ne sait quoi. Et même Barnabas est atteint. Ici l'exigence concerne la nourriture, et peut-être même aussi la "table du Seigneur".

Quelques points communs : l'opposition païens / juifs, circoncis / incirconcis, la manière secrète; cachée, dissimulée, dont se passe l'attaque, la vérité de l'évangile que Paul veut défendre.

Ici et là, l'exigence n'est pas la même, circoncision et nourriture, les intervenants finaux non plus. Malgré les incitations, à Jérusalem les apôtres ensemble ne contraignent pas. A Antioche Paul doit élever la voix.

Quelle est donc cette vérité de l'évangile qui pousse Paul à se fâcher contre Pierre, qui fut d'accord avec lui, qui a vécu la scène de la nappe descendue du ciel, qui a appris que n'est pas impur ce que Dieu a déclaré pur ? C'est ce que Paul va rappeler à Pierre, et développer plus loin.

Quel est le rôle de la loi, du respect de la loi, de la loi juive, des multiples commandements et interdictions ? Quel est le rôle de la loi dans le salut ? Voilà où il ne faut pas se tromper. La loi ne peut pas justifier. Elle peut condamner, elle peut révéler le péché, mais elle n'a pas le pouvoir de justifier, elle n'a pas le pouvoir de sauver. C'est ce que Paul avait compris. Pierre aussi semblait-il. C'est ce que ces judaïsants n'avaient pas compris, qui exigeaient des non-juifs qui avaient cru en Jésus-Christ qu'ils deviennent des juifs, qu'ils se soumettent aux lois et règles juives.

Mais Paul ne veut pas de cette justice qui s'obtiendrait par les oeuvres de la loi.

Et il appuie sa démonstration sur une série de raisonnement par l'absurde : si... alors ...

D'abord directement à Pierre : si toi le Juif (celui qui connaît la loi) tu vis comme les païens, pourquoi demander aux païens de vivre comme des Juifs, ce que tu ne fais plus. As-tu oublié le chant du coq ? Qu'as-tu de plus qu'un païen qui se convertit à Jésus-Christ ? Pourquoi suffit-il que des croyants judaïsants arrivent pour que tu snobes ceux avec qui tu mangeais auparavant ?

Il poursuit : ne vous méprenez pas : si on ne chercher plus sa justification dans la loi, on ne se jette pas nécessairement dans la transgression de la loi, dans le péché. La justification par la foi seule ne fait pas des croyants des pécheurs, et du Christ un serviteur du péché.

Mais à contrario, si on cherche à reconstruire une loi pour la justification, c'est aller à l'échec, tant pour les Grecs que pour les Juifs, car tous savent qu'il est impossible d'obéir à la loi. Tous savent qu'ils ont besoin de la grâce de Dieu, de la justification en Jésus Christ. De plus, conclue-t-il au verset 21, si la loi procure la justification, qu'est-ce que Christ est venu faire sur terre, qu'est-ce qu'il est allé se faire clouer sur la croix ?

Mais voilà, le verset 20 donne une conclusion très personnelle à Paul, qui doit nous concerner tous : puisque c'est la foi en Christ qui justifie, c'est que c'est lui qui donne la vraie vie, la vie nouvelle, c'est lui qui est LA vie, c'est lui qui est la vie de Paul, c'est lui qui est notre vie.

La loi, les oeuvres de la loi, apportent la mort, parce qu'elle ne peuvent pas apporter la vie, elles ne peuvent pas apporter la paix et la justification, elles en indiquent la nécessité, le besoin, l'urgence. C'est la foi en Christ, la foi au Fils de Dieu, l'acceptation de la grâce de Dieu, qui permettent la justification, et la vie, et la vérité, et la liberté.

Ce texte nous pose, à nous maintenant quelques questions :

Quel est notre comportement par rapport aux autres chrétiens, et quelles exigences mettons-nous sur leurs épaules ?

Quel est notre comportement par rapport à la loi, à la morale ou à l'éthique ou quelque nom qu'on lui donne ?

Quel est notre attitude, notre sentiment par rapport à Jésus, dont malgré l'ignorance grandissante nous allons nous rappeler la venue ?

Les autres chrétiens : ceux de notre communautés, et ceux des autres communautés. Bien sûr, nous ne sommes pas tous d'accord. Malheureusement, nous faisons table à part avec certains. Savoir lequel écarte l'autre est une autre question. Mais, il est fréquent d'entendre stigmatiser dans nos églises les uns ou les autres et réciproquement : libéraux, fondamentalistes, papistes, pédobaptistes, charismatiques, ceux qui chantent un cantique à la main et ceux qui chantent en levant les mains, etc. etc.. Autant de mots doux qui éloignent, qui rejettent. Au lieu de faire comme Paul, Barnabas, Pierre, Jacques et Jean, qui se sont donnés la main d'association, les uns vers ceux-ci et les autres vers ceux-là. En conservant une solidarité, aussi économique. Les pauvres du verset 10 désignent à peu près certainement l'église de Jérusalem.

Quand nous nous rendons visite, que faisons-nous ? De l'espionnage ? Avec quel oeil nous regardons-nous les uns les autres ? Quel reproche faisons-nous à l'autre ? Ouvertement ou en silence ? S'agit-il de forme ou de fond ? Sur quel critère jugeons-nous notre justification ?

Celui qui s'en remet à la grâce de Dieu, celui dont la foi est placé en Jésus-Christ et qui ne s'appuie pas sur les oeuvres de la loi, quelle qu'elle soit, celui-là est et doit être regardé comme un frère en Jésus-Christ.

Les oeuvres de la loi : un exemple : le culte du dimanche. Pourquoi y venir ? Parce que notre salut, notre justification en dépend ? Certainement pas. Pourquoi ouvrir la Bible ? Parce que ne pas l'ouvrir pourrait annuler notre salut ? Certainement pas. Pourquoi aider celui qui en a besoin ? Parce que notre félicité éternelle passe par son bien-être présent ? Certainement pas. Pourquoi annoncer l'évangile et appeler à la conversion ? Parce que notre salut passe pas celui des autres ? Certainement pas. Pourquoi être simplement honnête, probe et juste ? Pour gagner son paradis ? Certainement pas.

Et pourtant toutes ces choses, en elles-mêmes sont bonnes. Mais alors, quelles sont-elles ? Pour quelles raisons vivre avec ces principes, avec cette éthique qui n'est pas une loi justifiante ? Paul le dit au verset 19 : C'est par la loi que je suis mort à la loi, afin de vivre pour Dieu. Esaïe l'avait dit avant lui dans ce passage célèbre qu'on reprend souvent dans la liturgie : Le jeûne auquel je prends plaisir, dit le Seigneur, etc.

Cette éthique du chrétien, de celui qui est déjà justifié quoi qu'il arrive, est un culte à rendre à Dieu, elle est pour Dieu. On vient au culte pour Dieu, on lit sa Bible, on prie pour Dieu, on aide son prochain pour lui bien sûr, mais aussi pour Dieu, on appelle à la repentance par amour pour l'autre bien sûr, mais aussi pour Dieu, on se comporte honnêtement bien sûr pour vivre tranquille, mais aussi pour Dieu. C'est tout cela lui rendre un culte.

Et Jésus, le Christ, qui est-il pour nous ? Est-il pour nous liberté, vérité, foi, salut, justification ? Paul dans le verset 20 nous dit des choses fortes. Sa relation au Christ n'est pas simplement un affaire de croyance, une conviction intellectuelle, c'est bien plus que cela. Il a fait sur la route de Damas une rencontre avec le Seigneur qui a changé sa vie. Sa relation avec Jésus est justement une relation. C'est cette relation, cette foi au Christ qui est sa justification. C'est par cette foi qu'il est pour Dieu rendu juste. Et il va encore plus loin. La croix de Christ est devenue une expérience personnelle pour Paul. Non seulement, comme on peut le lire ailleurs, Christ est mort pour lui, mais il est aussi mort sur cette croix avec le Christ. Sa vie antérieure, faite d'obéissance à la loi, de soumission et d'engagement, est morte aussi à la croix. Et c'est seulement parce que cette vie-là, cette vie faite d'efforts vains, est terminée, parce qu'il est mort à la loi, qu'il peut dire qu'il vit, qu'il vit pour Dieu et que Christ vit en lui.

Pour celui qui ne connaît pas l'amour de Dieu, il est très facile d'écarter l'Evangile et ses paroles, il est très facile pour vivre sa vie de refuser son message et par là de clouer une fois de plus le Christ sur la croix, à chaque fois qu'il gêne, qu'il pourrait semer une graine de repentance. Mais Paul a une autre perspective. Quand Jésus est mort sur la croix, il est mort avec la vie antérieure de celui qui place sa foi en lui. Ce qu'était cette vie, avec ses pitoyables tentatives et ses consternants échecs, tout cela est mort. Et c'est alors la vie du Christ qui s'offre. Paul peut alors affirmer que c'est Christ qui vit en lui, et non plus lui. Et c'est là qu'est la liberté de l'Evangile.

Dans moins d'une semaine, c'est Noël. Jésus est venu sur la terre. Mais, est-il aussi celui qui est venu vers vous. Certainement. Mais l'avez-vous accueilli ? Pouvez-vous dire comme Paul : Si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi ? Car en fait, le véritable Noël, c'est d'accueillir le Christ Jésus, non pas dans une crèche, ou ce petit bébé bien mignon ne dérange personne, quand on sait qu'il s'agit de lui, c'est de l'accueillir dans notre propre vie.

Et ne croyez pas surtout que pour pouvoir l'accueillir, il y a des choses à faire, des lois à satisfaire, des conditions à remplir. Personne n'est parfait, ni moi, ni vous. Et dans ces conditions, personne ne pourrait mériter ou gagner le droit de l'accueillir.

Est justifié celui qui place sa foi en Jésus-Christ, en l'amour du Fils de Dieu qui s'est livré lui-même, en la grâce de Dieu, celui qui laisse sur la croix toutes ses désespérances, ses désillusions, et ses calculs mesquins, et qui s'abandonne à l'amour de Dieu, à la liberté et à la vérité de l'Evangile.

Alors, il pourra dire comme Paul : Ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi.

Joyeux Noël.

Amen.

(Philippe Cousson)

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