Poitiers, 3 octobre 2004

Galates 1:6-10

Chers frères et soeurs,

Nous continuons donc l'étude de l'épître aux Galates.
Après l'adresse, qui nous l'avons vu est un résumé des points essentiels de l'Evangile de grâce par Jésus-Christ, voici une deuxième partie, qui surprend. En fait je m'en suis rendu compte en lisant des commentaires qui tous signalaient ce fait. Paul a oublié, ou bien a omis, une partie qui figure dans toutes ses autres épîtres. Certains parlent dans ce cas-là de silence assourdissant. Il s'agit de la prière qu'il adresse à Dieu au sujet de l'église à laquelle il écrit, et qui commence en général par quelque chose comme : Je rends continuellement grâce à Dieu, etc... Ici, rien de tout ça, comme s'il n'y avait pas de motif de rendre grâce pour ces églises de Galatie.
Ou plutôt, c'est comme si ce que Paul a à dire à ces églises est si pressant que cela ne peut pas attendre une introduction supplémentaire.

Et d'ailleurs, il n'y a pas que les commentateurs qui soient surpris, Paul aussi l'est. En tout cas c'est ainsi qu'il commence cette partie. Est-ce qu'il vient juste d'en être informé ? Est-ce qu'il vient d'en recevoir confirmation. En tout cas l'information le surprend, l'étonne. On pourrait presque dire qu'il en est révolté, sinon peiné.

Serions-nous peinés à cette nouvelle aujourd'hui ? Pas sûr. Ce qui le chagrine, le trouble, le révolte, c'est que les églises de Galatie sont passées à un autre évangile. Elles sont devenues en quelque sorte hérétiques. En ces temps d'oecuménisme, que voilà un mot bien désuet, obsolète, non ? Quand tous les chemins mènent à Dieu, comme on dit parfois, la protestation de Paul paraît complètement à côté de la plaque. Il fait une fixation sur des choses complètement relatives. C'est bien comme ça qu'une telle attitude serait comprise aujourd'hui? Peut-être pas de tous, mais de bien des gens.

Et pourtant ce texte est là, et il faut faire avec. Nous allons donc l'examiner d'un peu plus près.

Je vous ai lu le texte dans la version Darby, car elle rend mieux compte du texte original, au moins pour certains détails.
Par contre, elle ne permet pas de noter que deux mots sont à rapprocher du verbe qui signale le repentir ou la conversion, parce que ces deux mots utilisent le même préfixe qui indique un retournement, méta. C'est au verset 6, en parlant des Galates qui passent d'un évangile à l'autre, en se retournant, et au v. 7 de ceux qui sont venu pervertir l'Evangile, le retourner, le renverser.
Cet Evangile à l'envers, Paul le présente comme autre, comme différent, comme alternatif. Voilà encore un vocable que l'on aime bien de nos jours, au point qu'on a tendance à l'utiliser à bien des sauces. Et de cet alternatif là, Paul ne veut pas, mais pas du tout. Et il y va même fort, celui qui prêche cet Evangile là, ce pseudo Evangile, qu'il soit anathème, rejeté, maudit presque. Qui anathèmise encore de nos jours ? On les traite alors volontiers de fondamentalistes, d'intégristes, d'intolérants. Même si le fondamentalisme, l'intégrisme, l'intolérance, en soi, n'ont pas vraiment à voir avec un attitude qui serait violente ou haineuse.

Bon, et si nous essayions de voir en quoi cet autre Evangile est si différent de celui que Paul annonce.

D'abord, un peu de vocabulaire : Evangile, c'est à dire bonne nouvelle, annonce d'une bonne nouvelle, la bonne nouvelle de la venue du Règne de Dieu, de la présence du Règne de Dieu, du salut en Jésus Christ.
Evangéliser, c'est annoncer la même bonne nouvelle.
Et, un autre mot de la même famille, traduit ici par ange, mais qui peut aussi vouloir dire tout simplement messager.

Et on retrouve ces mots souvent dans ces quelques versets : verset 6 : un évangile différent, v. 7 : pervertir l'évangile, v. 8 : un ange, vous évangéliserait, nous vous avons évangélisé, v. 9 : quelqu'un vous évangélise.
Il y a ici un croisement de messagers et de messages, de bonnes nouvelles. Comment s'y retrouver ?
L'Evangile prêché par Paul, celui qu'il a évangélisé, c'est celui de la grâce de Christ, c'est l'Evangile du Christ.
Et l'autre alors, le différent ? Quoique Paul dise en fait que ce différent n'en est pas vraiment un autre, mais qu'il ne doit pas être évangélisé. Comment peut-on le caractériser ? C'est ici le grand intérêt de la version Darby. Cet évangile différent, il est outre, au delà, plus loin. Et cette différence, ce dépassement, cet outrance, que peuvent-ils bien être ? Qui sont ces gens qui troublent les églises de Galatie, et qui pervertissent l'Evangile ?
La lecture du reste de l'épître nous l'indique; il s'agit des chrétiens judaïsants, qui voulaient imposer aux croyants les rites et les obligations de la religion juive.
Pour Paul, il n'était pas question que l'observance de la loi puisse de quelque manière que ce soit compléter le salut apporté par Jésus Christ lui-même. Pour Paul, la loi, si elle est utile pour montrer le péché, ne peut absolument rien pour le pécheur. Il est impossible à un homme d'accomplir la loi, et à fortiori il lui est impossible de racheter ses péchés. Et pourtant, c'est ce retour vers les exigences de la loi juive que l'on voulait annoncer aux Galates.
C'est en cela que l'Evangile de la grâce prêché par Paul est en totale contradiction avec la version qui a détourné les églises de Galatie. Parce que seul le don que le Christ a fait de lui même, de sa vie et de sa mort, peut manifester et apporter le salut aux hommes.

Dans la suite de l'épître, l'apôtre Paul va poursuivre en détail la description de cet Evangile de la grâce qui est celui qu'il prêche, qu'il évangélise, en tant que serviteur du Christ. Il va insister sur le caractère totalement indépendant d'une observance sans faille de la loi que présentent le salut par grâce, la manifestation du Règne de Dieu. Il est totalement inutile de tenir absolument à tout observer les rites et observances de la loi de Dieu. C'est même contre-productif, puisque cela peut induire à penser que ce salut pourrait être d'une certaine manière mérité. Et, vous l'aurez compris, ce n'est jamais ce que Paul prêche, ce que Paul évangélise. Et cette attitude légaliste peut soit mener à l'orgueil, soit au désespoir. Au désespoir, parce qu'il est tout de même facile de réaliser que l'accomplissement de la loi est impossible à un homme. A l'orgueil, parce qu'alors, ce que le Christ a accompli a été heureusement complété parce que moi j'aurais pu accomplir. Ce salut, je l'ai aussi gagné, ou acheté peut-être.

Cette tentation n'a pas été que galate, elle a traversé toute l'histoire de l'Eglise, dans toutes ses branches. Et le protestantisme, les protestantismes n'en sont pas exempts.
Pour quelles raisons certains insistent-ils pour aller au culte ? Pour glorifier Dieu ? Ou pour que Dieu relève les présents ? Pourquoi lire régulièrement la Bible ? Pour y rencontrer Dieu ? Ou pour obéir à un ordre non écrit mais primordial ? Sans parler de ceux qui exigent par exemple de parler en langues, ou de donner telle part de ses revenus, ou de respecter tel jour.

Le discours déviant auquel ont été confrontés les église de Galatie est-il le seul qui détourne l'Evangile du Christ ? Certes pas. Il s'agissait de conformité au monde d'alors, où le salut, problème grave pour l'époque, était forcément mérité, où la grâce, où le salut par la grâce seule, était un scandale ou une folie.

Mais ce n'est plus vraiment le piège de conformité auquel nous pouvons être confronté aujourd'hui. Une clé pour analyser ces pièges se trouve dans le verset 10, qui introduit le passage suivant où Paul présente ses lettres de créances, où il explique d'où lui vient l'autorité avec laquelle il évangélise. Paul affirme qu'il ne cherche nullement à plaire aux hommes, à satisfaire les hommes.
Plaire aux hommes, se mouler dans le discours ambiant, voilà le piège qui détourne l'Evangile, s'il ne détourne pas simplement de l'Evangile.
Quand la théologie du salut par grâce se pare des atours de la modernité, elle est déjà sur la corde raide. Quand elle reprend les discours ambiants sur l'équivalence des idées, quand on confond respect et amour des personnes avec respect et soumission aux idées, alors l'Evangile n'est pas loin d'être perverti, retourné.

Comprendre les gens, comprendre les idées, comprendre les croyances, voilà qui est utile pour vivre en société, voilà qui est utile pour partager l'Evangile, pour évangéliser. Soumettre l'Evangile à la logique des systèmes actuels, hybrider l'Evangile avec les idées contemporaines, voilà qui va outre l'Evangile reçu, voilà ce qui provoque l'ire de Paul et l'incite à jeter l'anathème.
Et la limite où le dialogue peut aller, où la contextualisation n'atteint pas le syncrétisme, est et reste le salut par grâce, cette grâce du Christ que rien ne peut compléter, que rien ne peut dépasser, qui s'accepte par la foi en Jésus, le Christ, c'est tout. Le reste est d'en vivre. Il ne s'agit plus de gagner quoi que ce soit, simplement de vivre de la Bonne Nouvelle du Royaume, de recevoir tous les jours ce salut gratuit.

Quel est alors l'Evangile que nous évangélisons ?
Ou plutôt au vu du texte d'aujourd'hui, quel n'est pas l'Evangile que nous évangélisons ?
Ce n'est pas un évangile où il reste quelque chose à faire, où il y a quelque chose à faire absolument, nécessairement. Ce n'est pas un évangile de liste ouverte ou fermée de devoirs, de rites obligatoires. Ce n'est pas un évangile d'exercices spirituels. Ils peuvent être utiles à la vie spirituelle, mais n'ont aucune valeur pour le salut en lui-même. Ce n'est pas un évangile de B.A., de gestes solidaires qui apporteraient autant de bons points sur l'échelle mobile du salut. Ces gestes d'amour pour le voisin ou le lointain sont des signes du salut, comme le disaient l'apôtre Jacques, mais ils ne sont surtout pas le mode de salut de l'humanité, même s'ils sont pour le bénéficiaire une forme de salut momentané. Ce n'est pas non plus un évangile de tableau de pêche d'âmes. Si chaque chrétien est appelé à témoigner de son Sauveur, à appeler à entrer dans son salut et son Royaume, il ne s'agit pas par cela pour le croyant de gagner quoi que ce soit pour lui-même. Amener quelqu'un au Christ n'apporte rien, en plus de la joie, à celui qui, conduit par l'Esprit, l'a amené.

Cet évangile, ce salut par grâce, cette bonne nouvelle, ce n'est pas n'importe quelle bonne nouvelle. C'est l'Evangile de Christ. Non, cet évangile prêché par Paul, ce n'est pas un des évangiles de l'humanité, c'est l'Evangile du Christ. Il n'y a pas d'autre nom qui soient une véritable bonne nouvelle. Elle est la seule bonne nouvelle par grâce. Si la bonne nouvelle est gratuite, elle passe par le Christ, et uniquement par lui.

Chercher à plaire à Dieu, être esclave, serviteur de Christ, ce n'est pas pour à la fin mériter leur présence. C'est simplement vivre ce salut par grâce, ce Royaume qui vient. La grâce reçue devient la grâce vécue. Nous avons été sauvés par grâce; Agissons par grâce. Sans rien rechercher. Sans rien attendre. Donner et se donner. Témoigner et servir. Conduire au Christ et permettre de vivre. Ecouter et soutenir. Expliquer et comprendre. En bref, évangéliser.

Amen.

(Philippe Cousson)

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