Poitiers, 7 novembre 2004

Galates 1:11-24

Qu'avez-vous à déclarer ?

Quelle est la chose que vous avez à dire, à certifier, à proclamer ? Ce qui est si important pour vous, que cela mérite d'être appuyé à ce point ?

Paul, nous l'avons vu a quelque chose à dire aux chrétiens qui sont en Galatie. Et il a besoin pour cela de poser quelques principes, quelques données de départ à son discours. Il a besoin d'appuyer son propos sur des choses qu'il veut certifier, acertainer, dirait-on en Poitou.

Il commence donc cette partie par un très formel et appuyé : je vous le déclare. Une parole qui ressemble un peu à celle de Jésus, quand il disait : En vérité en vérité je vous le dis.

A notre époque où tout est relatif, où il est toujours question de point de vue, faire de telles déclarations n'est plus chose courante. Faut-il le regretter ? Pour certaines choses certainement. Ne dit-on pas que nos sociétés ont perdu leurs repères ?

Pour Paul donc, il est des choses qui ne souffrent pas de doute, qu'il n'est pas envisageable de contester, qu'il défend avec vigueur.

Il nous parle ici de l'Evangile qu'il évangélise. C'est à dire à la fois de l'origine de sa foi, et de l'origine de son ministère. C'est sur la nature de cette origine que toute la logique de l'épître se construit, que le message qu'il adresse aux églises de Galatie s'appuie.

L'Evangile qu'il évangélise, la Bonne Nouvelle qu'il annonce, n'est pas une invention humaine.

Cela veut bien sûr dire qu'il ne l'a pas inventé lui-même. Mais cela veut aussi dire qu'aucun autre homme non plus ne l'a pas inventé, que son origine n'est pas à rechercher dans l'imagination humaine, personnelle ou collective.

Il précise au verset 12 sa pensée.

L'Evangile n'est pas le fruit d'une tradition humaine qui se serait transmise de bouche à oreille. Il n'est pas le fruit de la richesse des siècles ou de la sagesse des nations. Il n'est pas une parole que se transmettent des hommes qui parleraient de leur expérience. Il n'est pas la quintessence d'une culture humaine.

L'Evangile n'est pas non plus quelque chose qui s'enseigne. Il n'est pas quelque chose que l'on acquiert en l'étudiant. Des heures et des heures d'étude n'apportent pas l'Evangile, pas plus que des heures et des heures aux pieds d'un maître.

Et pourtant, ce sont bien des moyens que Paul connaissait. La culture juive, les traditions juives étaient déjà des choses bien établies en terre de Judée. Et c'est bien dans cette culture, dans ces traditions que Paul a été élevé, qu'il a grandi.

L'étude, c'est aussi quelque chose qu'il a connu, ayant été disciple de Gamaliel. L'étude des textes sacrés, des commentaires des textes sacrés, c'est quelque chose qu'il a fréquenté.

Et pourtant, ce n'est pas ainsi que Paul a connu l'Evangile, celui qu'il transmet, qu'il évangélise. Cet Evangile, il l'a reçu directement de Jésus Christ, par révélation.

En voilà un mot. Révélation. Le mot grec a donné Apocalypse. C'est cela le titre du dernier livre de notre Bible : Révélation de Jésus Christ. Le mot se trouve d'ailleurs deux fois dans ce texte, au verset 12 et au verset 16. C'est une notion essentielle pour Paul. Autant pour sa foi personnelle que pour son ministère, on le verra plus loin. Il tient l'un et l'autre de Dieu, de Jésus Christ.

Il reprend en partie son témoignage, comme on dit dans certains cercles chrétiens, le récit de sa conversion. Pas en entier, soit parce que les destinataires le connaissent déjà, soit parce que Paul ne pense pas que cela soit utile pour ce qu'il a à dire.

Du temps où il était juif, il vivait dans la tradition et l'étude. Il vivait sa religion d'une façon hyper. Ce préfixe grec, qui veut dire, beaucoup, très beaucoup, trop, on le retrouve dans deux mots qui décrivent l'action de Paul dans ces versets (13 et 14). Paul nous dit ainsi que poussée à l'extrême rigueur, la logique d'un système religieux tel que celui qu'il pratiquait, mène à l'outrance.

On pourrait croire pourtant qu'un système basé sur une révélation, ce qui se traduit pour beaucoup de nos contemporains par de l'illuminisme, conduit à encore plus de certitude, donc d'intolérance et de violence.

D'où vient alors que l'Evangile de Paul n'est pas celui qu'il aurait pu être ?

Tout simplement d'un petit mot, qui pour Paul caractérise Dieu, sa grâce. L'Evangile qu'évangélise Paul, la Bonne Nouvelle qu'il annonce et qui concerne Jésus Christ, est une révélation de la grâce de Dieu.

Et Paul a reçu ce ministère directement de Dieu. Il a d'ailleurs la conviction que Dieu l'avait choisi et préparé pour cela. Et qu'il n'avait pas besoin d'une quelconque caution humaine. Et qu'il n'avait d'ailleurs à rendre compte de son ministère d'apôtre et d'évangéliste à personne.

S'il a rendu visite à Pierre et à Jacques, c'est pour les rencontrer, parler de Jésus Christ, qu'il n'avait pas accompagné durant son ministère terrestre. Mais ce n'était pas pour faire allégeance. Ni pour recevoir des ordres de mission. Il les avait de première main.

Et s'il est allé en Syrie et Cilicie, ce n'est pas envoyé par l'Eglise de Jérusalem. Et pourtant, des chrétiens de Judée, même s'ils ne connaissaient pas comme frère, avaient appris son histoire, et se réjouissaient de l'annonce de la Bonne Nouvelle. Et s'ils louaient Dieu pour cela, c'est bien qu'il reconnaissaient que c'était Dieu qui avait conduit Paul là où il était.

On verra une prochaine fois la raison pour laquelle Paul insiste sur cette autonomie de son message et de son ministère, et sur la valeur que cette révélation va donner à son Evangile, et à cette Bonne Nouvelle de grâce et de liberté, face au poids de la tradition et de l'enseignement.

Mais alors, faut-il jeter par dessus bord nos traditions et notre enseignement ? Faut-il décharger nos moniteurs d'école biblique et de catéchisme ? Je ne crois pas que ce soit ce que Paul nous dit ici.

Ce texte est d'abord une partie du message de cette lettre, une étape dans l'argumentation de l'apôtre. Mais il a tout de même, je le crois, quelque chose à nous dire.

Avant tout, la foi chrétienne ne s'acquiert pas par tradition, ni par l'étude.

La religion chrétienne est avant tout affaire de relation, de rencontre, et spécifiquement de rencontre avec le Christ. Chaque homme est appelé à une rencontre personnelle avec son Sauveur. Si la tradition, l'étude ou le témoignage peuvent conduire à cette rencontre, il n'en dispensent jamais.

Parce que chacun est différent, parce que Dieu connaît chacun personnellement, il faut que la rencontre ait lieu pour chacun, en tête à tête avec le Seigneur. Il n'y a pas de schéma uniforme. La rencontre peut être dramatique, elle peut être joyeuse, elle peut être les deux en même temps ou successivement. Elle peut être brève comme un jaillissement, elle peut être longue comme un mûrissement. Mais elle doit être. Dieu est patient. Il attend.

Ce n'est ni la tradition, ni l'étude qui font le chrétien. Mais la révélation de Dieu à celui qui le cherche. Et il arrive même que Dieu se révèle à celui qui ne le cherche pas. C'est ce qui est arrivé à Paul.

Oui, mais alors, et c'est la pensée de quelques chrétiens, pourquoi évangéliser ? Paul n'y voit pas de contradiction, puisqu'il évangélise. Mais lorsqu'il évangélise il a bien conscience qu'il ne fait que conduire au Christ. C'est ce qui se passe en l'homme et le Christ qui est important. L'annonce de la Bonne Nouvelle n'est que la préparation de ce moment de la révélation et du salut par grâce.

Qu'avons-nous donc à dire ? Que Dieu cherche les hommes, qu'il souhaite entrer en contact avec eux, en contact direct, qu'il veut les rencontrer, qu'il leur offre sa grâce, qu'elle ne s'hérite pas, qu'elle ne se gagne pas par l'étude, mais qu'elle s'accepte humblement et gratuitement.

Mais alors faut-il suspendre nos traditions, coutumes et usages ? Faut-il fermer nos facultés de théologie ?

Bien sûr que non. Mais il faut garder à chaque chose sa place.

La vie en société, la vie en église suppose des règles, une culture. Elles peuvent être variables. Elles sont relatives. Elles sont importantes tout de même. Mais elles n'ont rien à voir avec le salut. Elle n'ont rien à voir avec l'essence de la foi. Et surtout elles ne remplacent pas la rencontre personnelle avec Jésus. La vie communautaire, si elle est essentielle, ne peut pas se substituer à l'intimité avec Dieu.

Si Dieu a choisi de rencontrer un à un ses enfants, il a aussi choisi d'utiliser la Bible pour parler aux croyants et aux hommes, pour porter sa Bonne Nouvelle. L'étudier est donc important pour comprendre et transmettre son message. L'étude reste le complément de la rencontre, mais ne peut pas en tenir lieu.

Non, frères, je vous le déclare, l'Evangile que je vous annonce n'est pas une invention humaine. Et il est pour chacun d'entre vous.

Amen.

(Philippe Cousson)

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