Poitiers, 8 octobre 1989

Ps 119:41-48
Hab 1:2-3;2:2-4
2 Tim 1:6-14
Luc 17:5-10

Avoir honte de l'Évangile ? Cela vous est-il déjà arrivé ? Mettre son drapeau dans sa poche ? Non, vraiment jamais ? Sûr ? C'est qu'ils ne sont pas toujours facile à défendre les chrétiens ? On en entend tellement sur l'histoire de l'Église, que se réclamer d'elle peut ne pas être reluisant. Ou bien, c'est que moi-même je ne suis pas très facile à défendre ? Il se trouve que ma profession de foi n'aurait pas exactement collé avec ce que je venais de dire, ou de faire, ou d'être ? Même un chrétien fait parfois des choses dont il a intimement honte, et alors il préfère dans ces circonstances taire sa foi. Paul, qui connaît bien la nature humaine sait ce qu'il en est. C'est pour cela qu'il encourage celui qui est comme son fils spirituel. "N'aie donc pas honte de l'Évangile" "Ce n'est pas un esprit de timidité, que Dieu nous a donné".

Car enfin, cette timidité, cette honte de ce qui malgré tout est nous, de cette foi qui est la nôtre, de cette foi qui est constitutive de notre personnalité profonde, de cette foi qui n'a rien de superficielle, cette honte de notre foi, d'où a-t-elle pu venir, sinon d'un besoin très mal placé de laisser une "bonne" image de soi aux autres, d'éviter d'être associé aux erreurs des autres ; quand ce n'est pas pour éviter d'associer l'Évangile à nos erreurs ! Oh ! Seigneur, combien de fois as tu dû avoir honte de nous, et de nos craintes stupides ! Qui sommes-nous pour vouloir sauvegarder notre réputation, ou bien même la tienne ? Nous avons tant besoin de cet "esprit de force d'amour et de sagesse" de ton Évangile.

Mais, à quoi peut-elle nous être utile, cette force, si nous restons frileusement repliés sur nous mêmes, si notre vie de foi passe inaperçue ? En fin de compte, qu'est-ce que le Seigneur attend de nous ? Sinon, comme le disait Pierre, d'être prêt à rendre compte de l'espérance qui est en nous. Voilà une des tâches du chrétien, voilà une des tâches de l'Eglise. Ou plutôt même, voilà LA tâche du chrétien, LA tâche de l'Église.

Oui d'accord Seigneur, je comprends bien cela. Mais regarde ma foi, comme elle est si petite, plus petite encore que ce grain de moutarde. Je suis loin, Seigneur, très loin de dire au mûrier d'aller se planter dans la mer, alors comment parler de toi, comment agir en ton nom, comment vivre en disciple. Je ne saurai pas, je ne ferai pas bien. Non, il vaut mieux que j'attende. Plus tard, quand je serai devenu plus compétent, alors oui, tu pourras te servir de moi. Et puis tu vois bien que je n'ai pas le temps. Et puis il y a des gens compétents, formés pour cela. Moi Seigneur, je les soutiendrai. Mais aller au combat, moi, Seigneur, ne rêve pas. Je ne veux pas, je ne peux pas.

Ah ! Avons-nous oublié la promesse faite à Gédéon :"va avec la force que tu as" ? Alors, dire à Dieu : "augmente notre foi" et en prendre prétexte pour se taire, pour se croiser les doigts, quand il nous attend au travail, quand il nous envoie dans le monde, pour témoigner parmi nos voisins, collègues, etc, ce n'est vraiment pas bien, ce n'est vraiment pas digne. Il ne faut pas se cacher derrière ce faux problème. La grâce, nous l'avons reçue, l'Esprit nous a été donné, nous avons déjà hérité de la vie éternelle, et nous nous laissons arrêter par ce genre de raisonnement ! "Ce n'est pas un esprit de timidité, que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de sagesse." Même le psaume du jour s'y met :"Je parlerai de tes préceptes devant les rois, et je ne serai pas dans la honte."

De plus, qu'est-ce que le Seigneur veut nous faire comprendre ce matin ? Quel type de serviteur inutile sommes-nous ? Sommes-nous de celui qui ne sert à rien parce qu'il ne fait rien ? Ou bien sommes-nous de celui qui agit parce que c'est cela qu'il doit faire ? Qu'est-ce que nous voulons être pour le Seigneur ? Des disciples qui ne font rien parce qu'ils ne se sentent pas à la hauteur, ou plutôt des disciples qui vivent leur foi naturellement, car leur foi c'est leur vie, et que faire autrement paraîtrait totalement impensable ? Où est notre vie, où est notre trésor ? Où est la logique du fondement de notre existence ?

"Celui qui nous a sauvé nous a adressé un saint appel." En quoi consiste donc ce saint appel. Faut-il que nous tous, nous nous transformions en évangélistes, allant de maison en maison, de ville en ville, faut-il que nous soyons tous apôtres, missionnaires ? Je ne le crois pas. Mais notre foi, notre salut, la grâce reçue nous conduisent en quelque sorte à ne plus pouvoir nous taire, ou du moins devrait-il en être ainsi, sauf bien sûr si par commodité, par lâcheté nous préférons conserver un certain quelque chose. "Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière..."

J'aimerais vous laisser avec ce verset de l'épître à Timothée, que nous allons essayer d'apprendre ensemble, et qu'il soit pour nous, pour moi aussi, le message que Dieu nous laisse ce matin.

Amen.

(Philippe Cousson)

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