Esaïe 66:10-14
Galates 6:14-18
Luc 10:1-24
C'est un texte que l'on croit connaître : l'envoi des disciples. Mais en fait ce texte n'est présent qu'ici, dans Luc. Ailleurs dans Luc 9, mais aussi dans Matthieu 10, il s'agit de l'envoi des douze apôtres. Ici, il s'agit de l'envoi des 70 (ou 72) autres disciples.
Bien sûr ces chiffres ont une signification symbolique certaine. 70 (ou 72, c'est selon), c'est le nombre des nations païennes après le Déluge. Douze, c'est le nombre des tribus d'Israël. Il y a donc un envoi vers le peuple élu, puis un envoi vers les nations... quoique ici, ils soient envoyés en avant de Jésus donc sur la terre de Palestine, d'Israël. Mais alors aussi des Samaritains.
Jésus est en route vers Jérusalem (9:51), et il envoie des équipes pour préparer son voyage. On pourrait dire que c'est comme pour un cirque. Il y a aussi des équipes qui vont de ville en ville, qui cherchent des emplacements et qui font la publicité. Sauf que la présence d'un cirque n'est pas vraiment le signe que le Royaume de Dieu s'est approché.
Il mentionne des choses qui semblent incongrues : la moisson, les loups et les agneaux.
Dans les campagnes, on sait ce qu'est la moisson, quelle en est la saison, et qu'il y faut de la main d'oeuvre, même s'il en faut moins avec la mécanisation. Mais dans nos villes, dans nos quartiers, qui reconnaît un champ de blé, même d'un champ de maïs ? Les loups, il n'en reste presque plus, et s'il en reste, on veut les chasser loin des troupeaux. Quant aux agneaux, aux agneaux de nos terroirs, ils sont bien intéressants, dans nos assiettes.
Nous connaissons le sens donné traditionnellement à la moisson en terme de théologie. Il s'agit de ceux que le Seigneur nous demande de rassembler autour de lui, desquels il attend repentance et conversion. Mais on a l'impression que cette fois-ci on aurait plutôt affaire à des semailles qu'à la récolte. Les disciples vont vers des gens qui à priori ne sont pas encore confrontés au message de l'Evangile, de la Bonne Nouvelle. Ils sèment la Parole, ils témoignent de la personne qu'ils ont rencontré, qui a changé la direction de leur vie, et qui les a envoyés, et qui vient après eux.
Et on peut aussi penser que le fait qu'ils soient envoyés par deux n'est pas étranger à cet aspect du témoignage qui exige la présence de deux témoins pour être valable.
Une autre raison qui fait encore penser plus à des semailles qu'à une moisson, c'est l'hostilité attendue : agneaux au milieu des loups. On connaît assez les fables pour savoir qui arrive à des agneaux au milieu des loups. Même si à la fin de ce passage, on s'aperçoit que la victoire était plutôt de leur côté, et que c'était plutôt eux qui inspiraient la peur aux démons.
Jésus leur laisse des consignes, qui indiquent un caractère d'urgence, et la présence proche, prochaine de leur maître. Pas de bourse, pas de sac, pas de soulier, pas de salutations. La plupart des commentateurs font allusion aux salutations orientales formelles et longues, qui risquent de ralentir certainement leur marche.
Mais, on peut voir le caractère provisoire de ces consignes, en allant vers le verset 35 du chapitre 22. Alors, ils peuvent prendre une bourse, un sac, des souliers. C'était avant Gethsémané, avant la dispersion.
Les disciples sont donc envoyés en avant, et là où ils
arrivent, ils choisissent une maison, pas deux, pas plusieurs à la suite,
une maison. Ils disent alors : la paix sur cette maison. Plus qu'une parole,
mais pas un acte magique. Si elle est accueillie, cette paix reposera alors
sur celui qui l'a accueillie.
On ne dit pas combien de temps ils restent dans la même maison, mais ils
y ont alors le gîte et le couvert. Et dans la ville où ils se trouvent,
ils annoncent le Royaume de Dieu qui s'approche, qui s'est approché d'eux,
ils soignent les malades, ils apportent la paix. Sinon, ils manifestent qu'ils
n'ont pas été accueillis en secouant la poussière de leurs
sandales, pour signifier qu'ils ne veulent pas traîner la poussière
de cette ville à leurs pas.
L'approche du Royaume de Dieu, le message de repentance, la guérison des âmes et des corps, la paix de l'esprit, la rencontre avec Jésus, ne sont pas toujours souhaités. Et celui qui porte ce message doit être prêt à cette éventualité, nous le savons bien. Mais le Royaume de Dieu s'est tout de même approché. Comme le dit Paul avec d'autres mots, si personne ne se sent envoyé pour porter cette Parole, comment le Royaume de Dieu pourra-t-il s'approcher ? Si personne ne prépare le chemin, de qui le Seigneur pourra-t-il s'approcher ?
Et puis, voilà ces quelques versets que certains prédicateurs évacuent, les versets de malheur. Malheur à toi, Chorazin, Malheur à toi Bethsaïda. Non, c'est vrai qu'on ne les aime pas ces versets. Et pourtant, ils sont là. Et ils ne sont pas seuls, loin de là, dans les Ecritures. La réponse se trouve, me semble-t-il, au moins en partie, dans le verset 16 : Celui qui vous écoute m'écoute, et celui qui vous rejette me rejette ; et celui qui me rejette rejette celui qui m'a envoyé. Il n'est pas dit : celui qui rejette sera rejeté, mais seulement que c'est Jésus et Dieu qui sont rejetés. Et que malgré tout, le Royaume de Dieu s'est approché.
Et cette marche, ce démarchage en avant de Jésus est un tel succès
que les disciples reviennent avec joie. Jésus ne les contredit pas. Il
a suivi leur voyage, puisqu'il les suivait. Il a senti cette victoire. Il les
a vu vaincre et se dépasser, au-delà de leur espérance,
au-delà de leur imagination.
Oui, mais attention, il ne faut pas se tromper, cette victoire n'est pas la
leur, c'est celle de Jésus, c'est celle de Dieu. La joie des disciples
doit être seulement d'être comptés parmi les disciples, parmi
ceux qui figurent sur le registre, qui ont leur nom inscrit auprès de
Dieu.
Et nous alors. Jésus n'est plus itinérant sur cette terre, il ne va pas passer dans cette ville, et de toutes façons, comme nous y sommes déjà, comment pourrions-nous y être envoyés ?
Pour quelle mission, pour quelle moisson, pour préparer quel itinéraire,
pour porter quel message, pour apporter quelle guérison sommes-nous appelés,
sommes-nous envoyés ?
La question est importante. Je vous rappelle que chacun de nos cultes se terminent
par un envoi. Mais si. Nous aussi nous sommes envoyés. Et chaque semaine
en plus.
Je vous rappelle Jean 20:21 : Comme le Père m'a envoyé, moi aussi
je vous envoie.
Nous sommes nous aussi envoyés, nous sommes nous aussi appelés.
Pas nécessairement à prendre les routes et les chemins, comme
ces colporteurs des siècles précédents, qui ont marqués
l'histoire de nos églises. Mais nous sommes tout de même effectivement
envoyés.
Et comme les disciples de ce passage, nous sommes envoyés en avant de
lui, puisque nous sommes envoyés pour préparer sa venue dans la
vie des gens rencontrés. Notre paix y repose-t-elle ?
Comme Moïse avait désigné des anciens pour le seconder (tiens 70 ou 72, déjà), comme Jésus a envoyé des disciples préparer son passage, son chemin, l'Eglise a aussi besoin de nous pour partager la tâche qui nous incombe, d'annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, de soulager et guérir, d'apporter la paix. En fait, il n'y a personne parmi les disciples, parmi les membres de l'Eglise, qui ne soit appelé, qui ne soit envoyé.
Si cette période est celle des moissons, elle est aussi celle des voyages,
des déplacements, et si il y a déjà des membres de la paroisse
qui sont partis en vacances, il y a aussi parmi nous ce matin des croyants de
passage, des touristes. C'est donc aussi l'époque, où nous allons
de ville en ville, de village en village. Est-ce que le Seigneur nous suit ?
Ou bien le laissons-nous à la maison ?
Et quand nous sommes en situation de celui qui accueille, comment accueillons-nous
? Que faisons-nous de la paix qui nous est proclamée ?
Et à partir de maintenant, à chaque fois que nous nous lèverons pour l'exhortation et la bénédiction, c'est à dire pour l'envoi, nous saurons que là où nous allons, le Seigneur va nous suivre, ensuite. Et la joie de cette mission remplira nos coeurs, comme celle d'avoir son nom inscrit là-haut, dans le coeur de Dieu, dans son amour.
men.