Saint Sauvant, 27 septembre 2009

Marc 9:38-48
Jacques 5:1-6
Nombres 11:25-29

Chers frères et soeurs,

de vos lectures quotidiennes ou de vos réminiscences d'école biblique, il vous reste peut-être un souvenir de cet épisode, même si vous n'êtes peut-être pas capable de le localiser dans la Bible.

D'abord, il est sans doute important de situer ce passage dans son contexte du livres des Nombres.
Le peuple murmure comme à son habitude. Cette fois-ci, il réclame de la viande. Il regrette l'Egypte où il y avait de la viande à manger. Il oublie qu'ils y étaient esclaves.
Ceci provoque la fureur de Dieu, du Dieu qui avait entendu leurs plaintes et qui les avait fait sortir d'Egypte.
Mais cette colère ne convient pas du tout à Moïse. Comme à de nombreuses occasions, Moïse rappelle à Dieu que ce peuple, c'est son peuple, que c'est lui qui l'a fait sortir d'Egypte. Que si Moïse en a reçu la charge, il ne peut rien faire seul. Que c'est à Dieu seul que revient cette responsabilité. Et, comme aussi d'autres fois, il demande à Dieu la mort, plutôt que de voir le malheur du peuple.
Alors Dieu ordonne à Moïse de rassembler 70 anciens du peuple, qui seront chargés à côté de lui d'administrer ce peuple.
Et puis il annonce l'arrivée de la viande.
Moïse, réaliste, un peu comme les disciples de Jésus avant les multiplications des pains, s'interroge à voix haute sur la possibilité de fournir de la viande à tout le peuple.
Et c'est alors à Dieu, comme tant d'autres fois aussi, de rappeler à Moïse, que c'est effectivement lui, Dieu, qui a fait sortir le peuple d'Egypte, à main forte et à bras étendu. Alors, comment Moïse peut-il douter de la puissance de la main de l'Eternel ? Aurait-il oublié lui aussi ?

Moïse, donc, rassemble le peuple, leur fait part des paroles de Dieu et puis réunit les 70 anciens autour de la Tente, du Tabernacle, qui alors se trouve plantée en dehors du camp.
Et maintenant débute notre passage.

Après notre passage, c'est l'arrivée des cailles. Le peuple se jette sur les oiseaux. Il voulait de la viande, il en a. Et il en mange. Le peuple, non content de manger à satiété, se goinfre. Ce qui provoque à nouveau la colère de Dieu. La gloutonnerie décime le peuple.

On peut chercher des passages parallèles dans d'autres parties de la Bible. La première partie du passage de l'Evangile d'aujourd'hui, "celui qui n'est pas contre nous est pour nous", "ne les empêchez pas", peut être associé à notre passage. De même que le choix des 70 par Jésus.
Le passage le plus proche se trouve en Exode 18 quand Jéthro conseille à Moïse de s'entourer d'aides pour diriger le peuple. Les circonstances sont différentes dans l'autre récit, mais le propos reste le même. Moïse ne peut plus continuer à gérer tout ce peuple nombreux et contestataire.

De la même façon que Moïse pour conduire le peuple avait besoin de l'aide et de la présence de Dieu, ces responsables du peuple avaient aussi besoin du secours de l'Esprit du Seigneur, de son souffle. Comme on transfère un peu de la charge de Moïse, on transfère aussi un peu de l'Esprit qui lui avait été donné. Le transfert de compétences est ici accompagné du transfert de moyens.

C'était pour administrer correctement le peuple que l'Esprit s'est posé sur eux. Et voilà que, dès que l'Esprit se pose sur eux, ils se mettent à prophétiser. Ils parlent. Ils parlent des choses de Dieu. Ce n'est pas forcément ce qu'on attendait d'eux, mais c'est ce que l'esprit leur donne de faire.
La forme du verbe dans le texte hébreu est intéressante. Il est à la forme réfléchie. Après ce verbe, on n'attend pas de complément d'objet direct. Ils n'ont pas quelque chose à prêcher, à prophétiser. C'est la prophétie qui leur tombe dessus. Ils sont inspirés, touchés par l'Esprit. Ils deviennent des prophètes comme le seront Jérémie ou Esaïe.

Mais voilà, cela ne dure qu'un temps, bref sans doute. Il ne continuèrent pas. Mais il faut tout de même dire que si la traduction semble évidente, il y a tout de même des versions qui disent le contraire (King James en anglais ou Chouraqui en français). Je retiendrai quand même la traduction majoritaire et semble-t-il correcte : ils ne continuèrent pas. L'Esprit était sur eux. Ils sont devenus prophètes pour un temps.

Moïse avait dû déterminer une liste parmi tous les chefs du peuple pour trouver ces 70 anciens. Ils avaient été convoqués au Tabernacle, à l'extérieur du camp. Et pourtant deux étaient restés dans le camp. Etaient-ils de ceux qui sont toujours en retard ? Etaient-ils occupés, occupés parce que déjà avant d'être installés, ils étaient des responsables sérieux, occupés par leur travail parmi le peuple. En tout cas, ils n'avaient pas quitté le camp.

Et l'Esprit de Dieu est un peu comme un programme d'ordinateur. On lui a communiqué les noms. Présents ou pas présents, l'Esprit s'est posé sur eux tous. Sur ces deux là aussi, dont on donne même les noms : Eldad et Medad. Et comme les autres, ils se mettent à prophétiser, ils se mettent à parler de la part de Dieu, ils se mettent à parler de Dieu. Dans le camp, pas au Tabernacle, pas à l'endroit fait pour ça, mais dans le camp, là où le peuple vit.

Et apparemment, on n'y est pas habitué. C'est la surprise. Cela se remarque tout de suite. Cela étonne tant que quelqu'un court l'annoncer à Moïse. C'est un jeune garçon, vif et rapide qui porte l'information. Eldad et Medad sont en train de prophétiser. Il ne dit pas : Eldad et Medad ont prophétisé. Mais, ils prophétisent encore.

Alors, Josué, serviteur fidèle, depuis sa jeunesse, plus royaliste que le roi, dit à Moïse : Il faut arrêter ça. Empêche-les. Interdit leur.

Mais Moïse n'est pas de cet avis. Jésus avait eu aussi une attitude semblable à plusieurs reprises, ainsi que Paul.
Moïse se prend à rêver que tout le peuple soit prophète, que tous prophétisent, que tous parlent de Dieu. Moïse aimerait que tout le peuple soit inspiré, que cette puissance, ce souffle de l'Esprit en fasse des prophètes, des porte-parole du Seigneur.
C'est quelque chose que Josué n'avait pas encore compris.

Eldad et Medad sont donc dans le camp. Ils sont devenus prophètes à ce moment là. Ils ne le sont sans doute pas resté, mais à ce moment là, ils l'étaient. On ne nous dit pas ce qu'ils disaient. D'ailleurs, la forme du verbe insiste non pas sur le fait qu'ils disaient une chose précise, mais bien qu'ils étaient devenus ceux qui prophétisaient, ceux qui parlaient au nom de Dieu, poussés par cet Esprit qui s'était posé sur eux. Comme les autres d'ailleurs, mais les autres étaient hors du camp.

Et voilà ici, me semble-t-il une pointe du texte : ceux qui sont hors du camp s'arrêtent rapidement de prophétiser. Mais pas Eldad et Medad, qui eux sont encore dans le camp. L'endroit où se trouvent ces hommes est important pour la manifestation de l'Esprit de Dieu.
Pour ceux qui sont au Tabernacle, il n'est pas utile qu'ils prophétisent longtemps. Ceux qui y sont savent sur qui s'est posé l'Esprit. Alors ils cessent.

Mais pour ceux qui sont dans le camp, il est important que l'Esprit qui s'est manifesté se manifeste encore à plus de personnes. Alors ils restent prophètes, inspirés, plus longtemps. Au point qu'il y en a qui veulent les arrêter. Est-ce qu'ils pensent que l'Esprit est réservé à certaines personnes à certains moments à certains endroits, des personnes sacrées, des moments sacrés, des endroits sacrés ?

Et pourtant, ce que l'Esprit a à dire n'est pas réservé à des personnes, à des endroits, à des moments. C'est dans le camp, au milieu du peuple, que se trouvent Eldad et Medad. C'est à cet endroit-là qu'ils sont touchés, atteints. C'est là qu'ils prophétisent. C'est dans le camp, là où est la vie du peuple, la vie de ce peuple qui murmure sans cesse, que prophétisent ces deux-là. Et la parole de Dieu est sans doute tellement importante qu'ils continuent à prophétiser. Au point, nous l'avons vu, que certains veulent les interrompre.

Mais, c'est bien dans le camp, dans la vie, que la parole de Dieu a sa pleine utilité. Dans un lieu hors du camp, dans la Tente de la Rencontre, bien sûr que la Parole de Dieu est donné, à ceux qui devront la transmettre. Mais dans le camp, elle renverse les habitudes, elle surprend.

Pour en revenir à la réponse que Moïse fait à Josué, l'Esprit sera répandu sur beaucoup, sur tout le peuple des disciples, le jour de la Pentecôte, et par la suite aussi sur tout homme qui se tourne vers le Christ.

Voyons donc un peu comment cette histoire, ce récit très ancien, peut encore nous parler.
Il nous parle de Dieu, de son esprit, de sa parole. Il nous questionne.

Est-ce que nous sommes de ceux qui sans cesse murmurons contre Dieu ? Sommes-nous de ceux qui regrettons une situation connue avant de l'avoir suivi, le Seigneur ? Sommes-nous de ceux qui nous gavons de ce qu'il nous donne ?

Est-ce que nous sommes de ceux qui réservent la Parole à un lieu et à un moment ? N'aurions-nous pas tendance à faire taire celui qui parlerait ailleurs à un autre moment ? Sommes-nous des personnes à deux vies, à deux visages, celui de la Tente de la Rencontre et celui du camp, celui du dimanche et celui de la semaine ?

Est-ce que nous sommes de ceux sur qui l'Esprit s'est posé un jour, et puis s'est petit à petit éteint ? Sommes nous de ceux qui se demandent d'ailleurs si l'Esprit s'est vraiment posé un jour sur eux ?

Est-ce que nous sommes de ceux qui prophétisent au culte et aux réunions, et puis qui s'arrêtent ailleurs et aux autres moments ? Sommes-nous de ceux qui parlent de Dieu et à Dieu le dimanche matin, et qui s'arrêtent pour le reste de la semaine ?

Or, l'Eglise toute entière, chaque membre de l'Eglise est comme chacun des 70 anciens d'Israël. Dieu l'a choisi, Dieu l'a appelé. Dieu a posé son Esprit sur chacun de ses disciples, présent dans la chambre haute à Pentecôte et depuis 2000 ans.

Oui, je sais, ça se voit moins. Nous sommes très discret. Est-ce qu'on aurait réussi à nous faire taire ?

Pourtant la volonté de Dieu, c'est un peuple de prophètes, sur lequel il a mis son Esprit, et qui lorsqu'il est dans le camp ne cesse de prophétiser, de parler de Dieu, de la part de Dieu.

Amen.

(Philippe Cousson)

Retour