Poitiers, 12 mai 2002

Actes 1:12-14 ; 2:42-47
1 Pierre 4:13-19
Jean 17:1-19

Vous avez très certainement remarqué que nos textes d'aujourd'hui ont, encore une fois, et ce n'est pas un hasard, un sujet commun. Ils nous donnent quelques caractéristiques du disciple, du chrétien.

Je vais donc ce matin, en reprenant ces textes, faire un petit parcours de ces quelques caractéristiques du disciple. Il ne s'agit pas d'en donner une définition, du style qui pourrait permettre de dire, celui-là est chrétien, celui-là ne l'est pas. Ce n'est pas mon intention, ni celle des textes non plus. Il ne s'agit pas non plus de faire le tour complet de ce qu'est ou devrait être un chrétien. Non, ce matin, les textes nous proposent quelques éléments pour comprendre, pour commencer à intégrer ce que c'est qu'être disciple du Christ, ce que c'est qu'être chrétien. D'autres textes nous donneraient d'autres caractéristiques complémentaires, d'autres directions de pensée et d'action. Cependant, celles d'aujourd'hui me semblent essentielles.

Le texte de l'évangéliste Jean nous donne des équivalences au mot de disciple, utilisant plusieurs périphrases. Les autres textes en utilisent aussi.
Quand on les regarde de plus près, on s'aperçoit que c'est à chaque fois Dieu qui est l'acteur dans ces équivalences, dans ces quasi-définitions.
Jésus dit : Ceux que tu m'as donnés, les hommes que tu m'as donnés, tu me les as donnés, parce qu'ils sont à toi.
Voilà donc une caractéristique : le disciple est à Dieu. Et il est à Christ. Mais aussi, il en a pris conscience. Ceux qui étaient sauvés, et qui étaient ajoutés à l'Eglise, sont en fait alors ceux qui ont réalisé quelle était leur parenté spirituelle, leur filiation.
Notre salut n'est pas quelque chose que nous pouvons nous faire nous-mêmes. Il y a des personnes lucides conduites au désespoir qui disent : "Je ne m'en sortirais jamais". Il y a des personnes pleines d'illusion qui pensent n'avoir pas besoin d'un autre que d'eux mêmes pour faire leur vie. Il y a des personnes qui pensent que l'Autre, celui qui est au-dessus, attend d'eux qu'ils fassent quelque chose, qu'ils s'en sortent par eux-mêmes.
Mais les textes d'aujourd'hui sont clairs, comme toute la Bible d'ailleurs. Le salut, le sens de la vie, nous est donné par Dieu, par le Christ. Le chrétien, le disciple, le sauvé, c'est celui qui humblement le reconnaît.
Première caractéristique donc : le salut vient de Dieu.

Deuxième caractéristique : le disciple, c'est celui qui connaît. Oh! Pas tout tout de suite. Mais il reste que le disciple, c'est celui qui connaît le seul vrai Dieu, et celui qu'il a envoyé, c'est à dire Jésus Christ. Le disciple, c'est celui auquel le Fils a fait connaître le nom du Père. C'est celui qui a connu, reconnu que tout ce qui est donné par le Christ vient de Dieu, celui qui connaît, reconnaît que le Christ est sorti de Dieu, que Dieu l'a envoyé. C'est celui qui garde la parole. Ou encore la vérité. C'est celui qui persévère dans l'enseignement des apôtres. C'est celui qui croit.
Qui croit, à quoi ? L'enseignement des apôtres, qu'est-ce qu'il dit ? La parole, la vérité, qu'est-ce qu'elle dit ? Qu'est-ce qu'il y a à connaître ?
En fait, c'est assez simple au départ : Qu'il y a un Dieu. Un seul. Qu'il aime le monde. Qu'il a envoyé son Fils Jésus-Christ. Qu'il nous a laissé un témoignage, l'enseignement des apôtres, la parole du Christ. Que nous sommes à lui, et à Christ. Qu'il est le seul qui sauve.
Deuxième caractéristique du disciple : Il est celui qui connaît Dieu et son Christ Jésus, et qui poursuit cette connaissance de la vérité, de la parole donnée, de l'évangile.

Troisième caractéristique du disciple : sa non-conformité au monde.
Les disciples ont été pris du milieu du monde. Mais ils ne sont plus du monde. Leur fonctionnement n'est plus celui du monde. Leurs réactions ne sont plus celles du monde. Alors, soit ils sont admirés, soit ils sont haïs. Soit ils font envie, soit ils sont par leur existence même une accusation, une remise en cause de l'ordre des choses du monde. Et cette haine peut mener jusqu'à des soufrances. L'histoire a connu des persécutions.
Pierre met cependant un bémol. Il ne s'agit pas de mettre sur le compte de la souffrance du disciple ce qui serait le résultat d'agissements non conformes à ce qui est attendu du disciple, ou même de l'honnète homme. Les souffrances du meurtrier, du voleur, du malfaiteur, du fouineur, ne sont pas les souffrances du chrétien.
Mais ce qui est plus surprenant, c'est que cette souffrance a pour résultat la joie du disciple. La joie parfaite de Christ est en eux. Non pas que cette souffrance puisse ajouter d'un façon quelconque au salut donné par Dieu. Mais la souffrance à cause de la foi au Christ, est en quelque sorte une participation, une communion aux souffrances du Christ lui-même, et aussi une participation à l'amour que le Christ portait au monde.
Cette souffrance, si elle survient, ne doit pas surprendre. Le texte de Pierre est là pour prévenir. Il assure aussi l'aide de Dieu dans ces moments-là. Il appelle à la confiance en Dieu. Cette souffrance ne doit pas non plus être ressentie comme honteuse, mais bien plutôt glorieuse, non pour soi même, mais comme part à la gloire du Christ. Elle est aussi à vivre dans la joie du salut et de la communion au Christ.
Si le disciple n'est pas du monde, s'il ne fonctionne pas selon le système du monde, il est tout de même laissé dans le monde. Il est préservé du monde, ou plutôt du malin. De plus, il est envoyé dans le monde.
Pourquoi envoyé dans le monde ? Pour porter cette parole, cette vérité, que Dieu aime le monde, que la vie éternelle, c'est de connaître Dieu et celui qu'il a envoyé.
Troisième caractéristique donc : le disciple n'est pas du monde, mais il est envoyé dans le monde.

Quatrième caractéristique du disciple : sa solidarité, sa communion avec les autres disciples.
Les disciples sont ensemble avant et après la Pentecôte. Ensemble ils prient, ensemble ils rompent le pain, ensemble ils écoutent les paroles des apôtres, ensemble ils partagent ce qu'ils ont. Jésus l'a prié. Les disciples sont un. La prière, la louange, le partage, le pain rompu, voilà l'unité que manifestaient les disciples après la Pentecôte. La parole transmise, la connaissance appronfondie de Dieu, l'enseignement des apôtres, ont pour le disciple un caractère communautaire. On n'est pas disciple seul à l'écoute de l'Evangile. La prière, la louange, la fraction sont aussi des choses à partager, à vivre ensemble. Le disciple ne se comprend qu'en communauté.
Quatrième caractéristique pour aujourd'hui : le disciple vit dans la communion, l'unité.

Voilà donc le sens de ces textes. Voilà donc une description de l'Eglise primitive, comme on dit. Réputation surfaite disent certains. Modèle à suivre absolument disent d'autres.
Notre église aujourd'hui est ce qu'elle est : sans doute divisée, sans doute trop fondue dans le monde, connaissant parfois le doute, et agissant aussi parfois d'elle même.

Reprenons ensemble alors ces caractéristiques du disciple pour voir où nous en sommes, chacun pour soi, et tous ensemble, notre communauté d'ici, et l'Eglise sur la surface du globe.

Quelle est notre unité, notre communion ?
La persévérance dans l'enseignement des apôtres ? Le dimanche matin, on écoute la proclamation de la parole, ensemble. Il y a une étude biblique, où se partagent les expériences et la connaissance de Dieu que chacun a. Mais qui y vient ? Je sais, les uns et les autres méditent la parole, dans leur chambre ou ailleurs. Mais où est alors le caractère communautaire de cette connaissance de Dieu et de son salut ?
La prière et la louange. Le dimanche matin, encore. Et c'est tout ? Un petit groupe d'intercession. Bien. Chacun prie et loue chez lui, dans sa chambre ou ailleurs. Bien, mais où sont la louange et la prière communautaire ? Où sont ce partage des soucis, des joies, que la vie de disciple apportent ? Où est le réconfort qui pourrait être apporté ?
La fraction du pain. Elle est nécessairement communautaire.
Et que partageons-nous de plus ? Que savons-nous de la vie de disciple de l'un ou l'autre ?
Que vivons-nous de la vie de l'Eglise dans notre ville ? Portons-nous chacun et communautairement dans la prière les autres communautés de disciples de l'endroit ? N'avons-nous rien à leur dire ? N'avons-nous rien à partager avec elles ? Il me semble que nous connaissont le même Dieu, le même Christ qu'il a envoyé. Il me semble que nous avons été sauvés par le même Dieu, envoyés ensemble.

Et le monde ? Où en sommes-nous avec le monde ?
Chacun s'est fait sa place au soleil. Chacun a trouvé sa situation dans le monde, s'y est relativement bien inséré. Ce n'est un reproche pour personne. Dieu nous a laissé dans le monde. Mais l'avertissement reste : Ne vous conformez pas au monde. Si nous sommes chacun dans le monde, nous n'en sommes pas. C'est à dire que nos motivations, notre existence, ne sont pas de ce monde. Nous existons par et pour Dieu.
Si nous sommes dans le monde, c'est que nous y sommes envoyés. Pour témoigner.
Est-ce que notre présence à chacun, et collectivement, apparaît comme fondue dans le décor, ou avec des caractéristiques qui suscitent questions, étonnement ou rejet ? Est-ce que notre présence dans le monde dit d'une manière ou d'une autre notre connaissance de Dieu et de Jésus-Christ ? Cette question est pour tous et pour chacun, et aussi pour moi.

Où en sommes-nous de cette connaissance de Dieu, et de Jésus-Christ. En sommes-nous resté au minimum ? Serait-il possible que nous satisfassions de notre niveau actuel, chacun, de la connaissance que nous avons de Dieu et de son salut ? La recherche de la vérité, de la parole de Dieu, que nous avons reçue, est-elle pour nous comme une soif insistante, comme une aspiration profonde ? Notre sentier est-il si clair que nous n'ayons plus trop besoin de chercher de la lumière pour y avancer ? Dieu n'aurait-il plus rien à nous dire ?

Mais d'ailleurs, en quoi Dieu conduit-il nos vies ? Combien de décisions prenons-nous sans même nous demander si cela est conforme à la connaissance que nous avons de lui ? Dieu est-il le souverain de nos vies ? Est-ce Dieu qui agit dans notre vie ? Ou alors, avons-nous repris le volant ? L'acteur de notre vie spirituelle, est-ce que c'est Dieu, ou est-ce que c'est nous ? L'acteur de ma vie spirituelle, est-ce que c'est moi ?

Que chacun, et tous ensemble, nous repassions ces questions dans nos esprits, et que, une semaine avant Pentecôte, nous puissions laisser l'Esprit Saint nous toucher pour enrichir notre vie de disciple, notre vie de communauté, notre vie de témoignage.

Le disciple est celui que Dieu a donné. Il est celui qui connaît Dieu, et Jésus-Christ, qui a reçu sa parole et qui la garde. Il est dans le monde sans être du monde. Il vit en comunion avec les autres disciples.

Seigneur, tout ceci, c'est ce que tu nous dit du disciple. Nous te prions pour que ce que tu as dit soit manifeste en nous. Pardonne-nous si nous avons tenté d'échapper par moment à ce que tu as placé en nous. Même si nous ne sommes pas fidèles, toi tu es fidèle à tes promesses et à ta parole. Loué sois-tu pour ce grand amour que tu as manifesté aux hommes. Aide-nous à le porter là où tu nous envoies.

Amen.

(Philippe Cousson)

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