Poitiers, 10 août 2008

Hebreux 11:6

Chers frères et soeurs,

Ce verset, même si j'ai eu de la peine à le localiser précisément, est pour moi un des versets importants de la Bible, après Jean 3:16 et Ezéchiel 33:11.

Je voudrais reprendre avec vous modestement le débat que des philosophes chrétiens ou non beaucoup plus compétents que moi ont de vive voix ou par livres et articles interposés : Peut-on croire en Dieu, Dieu existe-t-il ?

Ce petit verset se situe dans le chapitre 11 de l'épître aux Hébreux, où l'auteur passe en revue les témoins de l'Ancien Testament, les croyants d'avant la venue de Jésus, pour y noter l'importance de leur foi : C'est par la foi que...
Le moteur de leur existence, c'était cette foi en Dieu, et surtout leur vie de relation avec ce Dieu.

Voyons un peu comment ce verset est construit, sans trop s'attarder sur les traductions courantes, qui essayent de compléter les phrases pour qu'elles soient grammaticalement correctes en français.

Cela donne quelque chose comme :
En dehors de la foi, impossible d'être élu. Il faut croire, pour celui qui s'avance vers Dieu, qu'il est, et pour ceux qui le cherchent qu'il devient rémunérateur. Traduction approximative et bancale.

Au centre du verset, il y a Dieu. Il y a en première partie la foi nécessaire, et en deuxième partie ceux qui s'avancent et qui cherchent.

Dieu ?
Mais quel dieu ?
Est-ce que ceux qui débattent doctement de Dieu parlent du même dieu.
A quel Dieu ceux qui croient croient-ils ? Et à quel dieu ceux qui ne croient pas ne veulent-ils pas croire, ou ne peuvent-ils pas croire ?

L'athée qui dit qu'il n'y a pas de dieu, a sa définition de ce qu'est un dieu.
Le païen ou le superstitieux a sa définition d'un dieu.
Le philosophe théiste ou déiste a sa définition d'un dieu.
Le chrétien a sa définition de Dieu.
A chacun sa foi, ou sa non-foi, qui est une foi.

On pourrait d'abord se poser la question de l'existence de l'idée même de dieu.
Comment se fait-il que l'humanité ait été amenée à penser à un dieu, et à s'en construire une idée, une image, des propriétés ?

Très certainement, l'observation de phénomènes non compris a conduit à élaborer des réponses qui permettraient d'expliquer. Des forces ou des personnes hors-normes pouvaient apparaître comme des solutions. L'observation des résultats de quelques actions ou gestes bénéfiques mais incompréhensibles a aussi conduit à des explications faisant intervenir ces forces ou personnes, et introduisant en même temps des gestes rituels qui ont ainsi conduit à des systèmes qu'on peut qualifier de religieux, ou de magique, ou de superstitieux. Et ces systèmes se sont complexifiés.

Il reste à mon avis la question suivante : comment se fait-il que ce soit ce type de réponses qui soit apparu ? J'y voit une révélation non explicite.

Il faut par ailleurs regarder les philosophes reprendre ce concept de dieu et l'analyser avec leurs méthodes.
On parlera alors de religion naturelle, de "preuves" ou d'arguments en faveur de l'existence de Dieu, arguments jamais définitifs, démontés, reconstruits.
On part de ce qui est observé, comme le faisaient les premiers hommes et les premières civilisations.
Par exemple, on regarde l'univers et son agencement.
Certains en concluent que Dieu existe, d'autres qu'il n'existe pas.
Si l'univers fonctionne comme il fonctionne, s'il tourne comme une horloge, c'est qu'il y a un horloger. Si on dit que l'existence de l'univers a une cause extérieure à lui-même, on peut appeler cette cause "Dieu". Ou bien : tout ce qui a commencé a une cause. L'univers a commencé. Donc il a une cause. Ce ne peut être que Dieu. Ou encore : l'univers dépend d'un certain nombre de constantes physiques. Si l'une ou l'autre étaient légèrement différentes, il ne serait pas ce qu'il est, il n'y aurait pas la vie, ni nous les hommes. Ce réglage fin de l'univers ne peut qu'être volontaire, venir de Dieu. Si la vie existe telle qu'elle est, c'est que l'univers a un but, une cause, qu'il vient d'une volonté, de Dieu.
Si ces arguments sont défendus par tel ou tel philosophe chrétien, ils sont aussi réfutés par les philosophes athées ou sceptiques. Certains parlent alors de hasard et de nécessité.

Un autre type d'argument qui ne se base plus sur l'observation de l'univers, de la nature, mais sur la nature humaine, existe, un argument moral.
Les athées relèvent l'existence du mal, et en font un argument massue contre l'existence de Dieu.
Les chrétiens, comme Lewis, l'auteur de Narnia, relèvent l'existence de valeurs morales objectives. Je ne dis pas qu'une morale universelle existe, mais qu'il y a, qu'il existe des valeurs morales objectives. Si ces valeurs morales objectives existent, d'où peuvent-elles bien venir, sinon de Dieu ?

Enfin, un troisième type d'argument circule : si l'existence d'un dieu est possible, d'un être supérieur extérieur dans un des mondes possibles, alors il existe d'une manière absolue.

Je parlait tout à l'heure de révélation non explicite.
Pourquoi les hommes en sont-ils arrivés à ce concept dont ils débattent pour le défendre ou le nier ? Je pense que l'existence même de ce concept, de cette aspiration, nous vient d'une manière non formelle, de celui qui a créé l'homme. Bien sûr, c'est une affirmation de croyant.

Parmi ceux qui admettent l'existence de quelque chose qui ressemblerait à un dieu, il y en a pour qui c'est une force, un esprit, une énergie, quelque de toutes façons d'impersonnel.
Il y a aussi ceux qui considèrent ce dieu ou ces dieux comme n'étant pas concernés par le sort des hommes, ou si peu.
Il y a aussi ceux, et ils sont très nombreux, qui pensent que ce dieu, ces dieux, ces esprits ou quelque autre nom qu'on leur donne, que ces divinités sont exigeantes et achetables. D'où le succès des religions à rites méritoires ou magiques, qu'elles soient religions instituées, individuelles ou simplement superstitions.

Il y a aussi ceux qui utilisant tel ou tel argument refusent l'existence de Dieu, d'un quelconque dieu, de la possibilité même d'un dieu. Il y a ceux bien sûr dont l'argumentation est philosophique, logique, mais aussi ceux dont l'argumentation n'est qu'attaque contre les croyants. Comme "les" croyants, "les" religions n'ont apporté à l'humanité que du mal et du malheur, c'est que Dieu n'existe pas.

J'avais déjà évoqué ce problème de l'existence du mal comme un des arguments dans le débat. Nous pourrions aussi nous souvenir de l'épisode du réservoir de Siloé.
Je voudrais tout de même laisser cette question : comment avons-nous connaissance du mal ? Est-ce uniquement par la souffrance ? N'y aurait-il pas là aussi une forme de révélation non explicite ?

Je reviens au refus de l'existence, de la possibilité même de l'existence de Dieu, et je m'interroge sur la raison de ce refus. Baser la négation de l'existence de Dieu sur de simples raisonnement philosophiques me paraît bien léger. Parler de l'absence d'expérience de Dieu est sans doute un peu plus sérieux. Se baser sur l'histoire, mauvaise bien sûr, des religions, est pour moi fallacieux, et peut-être au fond malhonnête.
J'ai plutôt tendance à croire que ce refus est une fuite. Accepter l'existence de Dieu conduirait celui qui l'accepterait à des positions dont il ne veut surtout pas, à un regard en arrière sur lui-même qu'il ne veut pas assumer.

Accepter l'existence de Dieu conduit alors à accepter aussi qu'en dehors de la révélation non explicite, il existe peut-être une révélation explicite, dont des croyants sont les témoins imparfaits, mais des témoins tout de même, depuis des siècles. C'est accepter que ce Dieu puisse s'adresser à chacun.

Celui qui croit que Dieu existe cherche. Et c'est alors que l'on s'aperçoit de l'importance du témoignage des chrétiens. Parce que la révélation, si elle est non explicite dans la nature et dans la raison, l'est de plus explicite à la fois dans le témoignage des chrétiens et dans les Ecritures.
C'est par les Ecritures, c'est aussi par le témoignage aussi imparfait soit-il des croyants, que Dieu se montre, mais c'est aussi par la nature, sa création, et par la raison, qu'il choisit de se révéler.

Il reste tout de même une petite question : pourquoi le christianisme ? Pourquoi pas les autres religions ? Même si l'argument est parfaitement retournable, je fais appel à votre propre conviction. Qu'en est-il de votre propre relation à votre Dieu, à Jésus Christ ? Qu'en est-il de votre lecture des Ecritures ? Sentez-vous que la grâce de Dieu se trouve aussi présente dans les autres religions ? La réponse appartient à chacun. C'est à chacun de regarder à soi-même et à Dieu, et à ce que nous croyons qu'Il nous dit.

Cette longue liste des croyants que nous fournit ce chapitre se termine bizarrement. L'auteur chante leur foi, mais relativise à la fin. Qu'est-ce qui leur manquait donc ? Qu'est-ce qui est intervenu entre ceux-ci et l'écriture de cette épître ? Quel est cet événement si important, ce jour du Seigneur chanté par le livre de l'Apocalypse ? C'est la venue, la mort du Christ suivie de sa résurrection.

Mais bien sûr tout ceci n'est que croyance, que foi.

Amen.

(Philippe Cousson)

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