Poitiers, 2 août 1992

Ps 132
Eccl 1:2,2:21-25
Col 3:1-11
Luc 12:13-21

     Ce weekend est un des plus chargés sur les routes. Des millions de vacanciers vont se croiser, certains partant, d'autres rentrant.

     Les vacances, les congés, sont de ces moments où l'on peut enfin s'occuper de soi, où l'on peut enfin se reposer, ou l'on peut enfin s'éclater en faisant ce qu'on aime, ou ce que l'on a rêvé depuis longtemps de pouvoir faire.

     Les vacances, avec l'éloignement, au moins du lieu de travail, sinon du domicile, c'est aussi un moment où l'on peut évacuer, évacuer tous les soucis de la vie, les tracas, les tourments. Tous ces problèmes qui nous gâchaient l'existence, ils sont loins. N'y pensons plus, et jouissons de ces vacances !

     Oui, mais les vacances ont une fin. Demandez donc à ceux qui vont reprendre le collier dès demain ! Et voilà que les soucis sont aussi de retour. L'intermède est terminé. Le cycle recommence.

     Qui peut par ses soucis rajouter une coudée à la durée de sa vie ? Ils auraient même plutôt tendance à la racourcir, la vie. La vie est une lutte permanente. Elle l'est bien sûr pour ceux qui n'on presque rien. Elle l'est aussi pour ceux qui ont beucoup trop. L'histoire de ce riche de l'Evangile reste très actuelle. Et chacun de faire des efforts pour construire sa vie, pour bâtir sa réussite, son bonheur. Le bonheur comme une quête, jamais atteint, peut-il satisfaire ?
     Tout cela n'est que vanité, poursuite du vent. Qu'en restera-t-il ? Qu'en reste-t-il ? Quelques bons souvenirs, des mauvais aussi. Et puis, après ?
     Comment sortir de ce cercle infernal, de cette quête perpétuelle ?
     La clé se trouve dans un renversement des valeurs. Cesser de se mettre sujet de sa quête. Cesser de penser en fonction uniquement de soi, ou des siens qui font aussi partie de soi.

     Cependant ce renversement n'est pas naturel. L'attitude humaine courante est l'attitude normale, au moins si l'on considère ce que la Bible, et l'épître aux Colossiens, appelle l'ancienne vie, la nature terrestre. Il faut dit Paul, faire mourir cette ancienne vie, rejeter cette nature terrestre.
     Mais pour cela, il faut le pardon de Dieu, qui permet de ne plus être amarré aux passé. Il faut la puissance de la résurrection, qui ouvre un nouvel avenir, il faut, dit Paul, revêtir la vie nouvelle.

     Soit, les fautes, les errements du passé sont définitivement du passé, mais en quoi consiste donc cette vie nouvelle de celui que Dieu veut accueillir ?

     Le souci de David était une demeure, un lieu pour Dieu. Ce doit être aussi notre souci. C'est ici la clé du renversement des valeurs. La Bible parle souvent de Dieu présent en nous. Le voilà le lieu de Dieu, son temple : nous ! Et ce qu'Il veut, ce n'est pas un petit recoin, c'est toute la place. Il veut demeurer en nous.
     Oh le beau langage ésotérique que voilà ! Certains parleraient même de patois de Canaan. Que cache donc ces mots, qui sont tout autre chose que de la langue de bois ?

     Comment faire pour que ce Dieu, qui par la mort et la résurrection de Christ nous a offert le salut et la vie nouvelle, puisse ainsi habiter en nous ? Il faut qu'Il puisse remplacer les anciennes valeurs qui nous habitaient, qui nous manipulaient. Il faut que nous le laissions pénétrer nos pensées, nos raisonnements, nos réflexes, nos réactions.

     Pour cela, Il nous faut nous imprégner de sa pensée, de sa présence, de sa vie. Il faut que nous le cherchions, en priant, en le priant. Il nous faut le chercher en lisant, en étudiant, en méditant sa Parole, cette Bible qu'il a fait parvenir jusqu'à nous. Il nous faut le chercher en recherchant la compagnie de ses autres enfants, en participant à la vie de la communauté de ceux qui le suivent.

     On utilise le terme de bain linguistique pour expliquer qu'on apprend mieux une autre langue en étant immergé dans le milieu où cette langue vit. De la même façon, la meilleure façon de se pénétrer de la pensée de Dieu est de la rechercher là où elle se manifeste, là où elle se vit.

     Il nous faut de plus, et en conséquence apprendre à nos yeux à regarder comme Lui, Il regarde. Il nous faut apprendre à nos oreilles à écouter comme Lui, Il écoute. Il faut apprendre à notre coeur à s'émouvoir, comme Lui, il s'émeut.

     Si Dieu vit en nous, alors nos yeux sont ses yeux, alors nos oreilles sont ses oreilles, notre coeur est son coeur, et enfin, et principalement, nos mains sont ses mains, notre bouche est sa bouche.

     Ainsi est la vie nouvelle. Ainsi amasse-t-on des trésors non pour nous mais pour Lui, des trésors qui ne pourrissent pas, qui ne passent pas.

     Oui, mais vous en conviendrez avec moi, comme le dit, il y a des choses que nous ne voudrions pas faire, et que nous faisons tout de même, et des choses que nous voudrions faire, et que nous ne faisons pas.
     Cependant Dieu est fidèle et juste pour nous pardonner, et nous purifier quand nous nous repentons.

     Et son amour est tel, que si nous tournons nos yeux vers Lui, si notre volonté tend vers sa volonté, si nos trésors sont ses trésors, alors Il pourvoira à nos besoins.

     Au lieu de chercher à accumuler pour soi-même, au lieu de chercher à bâtir sa vie, il faut d'abord faire une place pour Dieu, lui donner toute la place, le laisser demeurer en nous, et alors le vrai repos, la paix véritable remplira nos vies, malgré toutes les péripéties. Au lieu de mettre Dieu en vacances de notre vie, il nous faut l'inviter à toujours nous accompagner, même pendant nos vacances.

     Amen.

(Philippe Cousson)

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