Ezéchiel 33:7-9
Romains 13:8-10
Matthieu 18:15-20
Afin de mieux entrer dans ce texte de l'Evangile de Matthieu, je me servirai aussi des autres textes qui nous ont été indiqués pour ce jour.
Je commencerai par le texte de l'épître aux Romains. Il nous demande de nous aimer les uns les autres. Oui, certes. Et alors ? Eh bien, ce texte nous dit que c'est ici l'essentiel de la loi. Il vous faut vous aimer les uns les autres. C'est tout !
C'est tout ! Dans les deux sens qu'on peut donner à l'expression. C'est tout ! Pas d'autres chose à rajouter. C'est suffisant. Il nous faut nous aimer les uns les autres, c'est tout ! Et aussi, c'est tout ! C'est à dire, cela contient tout, toute la loi. C'est un résumé qui récapitule toute la loi. Pour pouvoir être parfait, il suffit d'appliquer ce principe : Aimez-vous les uns les autres.
Car, comme le rajoute Paul, l'amour, c'est l'accomplissement de la loi. L'amour doit être le moteur de toutes nos actions, de toutes nos pensées. Et ainsi nous accomplirons la loi.
N'oublions pas ce rôle fondamental de l'amour, en considérant les textes du prophète Ezéchiel et de l'Evangile.
Le texte du prophète, justement, nous donne aussi un autre éclairage pour bien comprendre le passage de l'Evangile. Le prophète a deux choses à faire : Ecouter la Parole, puis avertir le peuple. Sa responsabilité est double : écouter la Parole, et avertir le peuple. L'un ne va pas sans l'autre. Il ne doit ni parler de lui-même, ni taire la Parole entendue.
Et enfin, pour une meilleure compréhension du passage de Matthieu, il faut regarder où il se trouve dans l'Evangile. Il est situé entre la Brebis égarée et la Serviteur impitoyable. Deux messages de la grâce de Dieu, deux annonces du salut : la brebis perdue que l'on cherche et trouve, et celle du serviteur auquel la dette est remise. Ce dernier ne l'a pas compris (ou accepté) pour son malheur.
Nous voici donc face à ce texte, souvent compris comme un texte de discipline ecclésiastique. Quand quelque chose ne va pas, voilà la procédure à suivre. Je ne suis pas sûr que cela soit l'essentiel du texte. Nous allons essayer d'en tirer quelques principes pour nous et pour le fonctionnement de notre vie chrétienne personnelle et collective, individuelle et communautaire.
Voyons d'abord qui est ce personnage, qui intervient dans les deux passages
du prophète et de l'Evangile : celui qui est chargé d'intervenir,
le veilleur, la sentinelle, le prophète, le disciple qui aussi veilleur
et prophète.
Il est d'abord quelqu'un qui écoute. Il est celui dont l'attention
est tournée vers Dieu, vers sa Parole. Il est celui qui en tire des
richesses, des choses anciennes et nouvelles. Il en tire sa compréhension
du monde et de lui-même et des autres. Toutes ses pensées, toutes
ses actions, toutes ses paroles sont éclairées par cette parole.
Si il ne l'écoute pas, s'il ne va pas la chercher, il n'en
bénéficiera pas non plus. Et alors, ses pensées, ses
paroles, ses actes ne seront plus tout à fait conformes à cette
parole. Il n'est possible d'avertir au nom de Dieu, que si on sait ce que
Dieu dit. Il n'est pas possible d'avertir avec ce qui nous passe par la
tête, avec nos propres idées, ou celles d'un autre qui pourraient
nous paraître bonnes.
Il est aussi celui qui intervient. Il n'est pas le simple spectateur, qui
voyant ce qui se passe, regarde, il n'est pas un badaud. Il n'est pas le
curieux derrière sa fenêtre. Il n'est pas non plus le moqueur,
le médisant. Il n'est pas celui qui chante ce qu'il a vu, compris,
sur les toits. Il est celui qui intervient, qui agit. Il n'est pas celui
qui ne voit rien, qui n'est pas concerné, qui n'en a rien à
faire. Il est celui qui intervient, qui s'implique.
Il reçoit un message à transmettre, il a quelqu'un à
voir. A qui s'adresse-t-il ? Le prophète s'adressait au peuple. Le
disciple s'adresse à un frère. Il ne s'agit pas ici d'un
avertissement extérieur. Il s'agit d'un avertissement à quelqu'un
du cercle de l'Eglise, de la communauté que forment les disciples.
Il s'agit autant du sort d'un frère, que du sort de tout le groupe.
Et quel est donc ce message ? Certainement pas un message de jugement, de
condamnation définitive. Il s'agit toujours de laisser un chance,
de donner une chance. Il s'agit d'un message d'avertissement, mais pas de
rejet. C'est un appel à l'honnêteté envers soi, à
l'acceptation du regard de Dieu, à l'acceptation de son analyse de
la situation.
Le Psaume que l'on nous proposait ce matin dit :
Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, N'endurcissez pas votre coeur.
Il s'agit là d'un message de salut. C'est un appel à sortir
du péché. C'est un cri d'amour : Reviens ! Si Dieu par la voix
du prophète, par la voix d'un autre disciple, ne parlait pas, n'appelait
pas, alors son amour ne se manifesterait pas. C'est pour cela que ce qui
est dit au prophète sur son éventuel silence est si grave.
La grâce de Dieu est là. Pour celui qui s'écarte, elle
reste là. Elle attend, elle appelle. Serons-nous sa voix ? Tout message
de Dieu est message de grâce, message de salut, message de
délivrance. Il s'agit de sortir du péché, de ne pas
s'y laisser enfermer. Le message à délivrer l'est pour manifester
l'amour de Dieu.
Si nous ne nous aimions pas les uns les autres, si nous n'avions pas à
nous aimer les uns les autres, nous n'aurions pas à nous soucier des
autres. Nous pourrions nous occuper de notre petit salut personnel, dans
notre coin. Mais voilà, l'amour de Dieu exige de notre part l'amour
des frères (et des soeurs). Il exige aussi l'écoute de sa Parole.
Il n'est donc pas possible de laisser un frère, une soeur, manquer
la cible, comme certains traduisent le péché. Il ne faut pas
le laisser passer à côté de la grâce, à
côté de l'amour de Dieu.
Par ailleurs, intervenir, c'est aussi manifester l'espérance de Dieu. Si rien n'était possible, à quoi bon intervenir ? Pour notifier une sentence ? La belle affaire ! Un moyen d'auto-justification. Non, non. Il s'agit ici d'espérer. Il s'agit ici de "gagner un frère". Sans espérance, pas de salut possible, parce que pas d'annonce véritable et efficace du salut.
Mais alors, et en cas de refus. En cas d'endurcissement. Oui, bien sûr, le cas est mentionné, dans Matthieu comme dans Ezéchiel. Mais, si vous aimez vraiment ce frère (ou cette soeur), vous iriez simplement lui dire : je ne veux plus te voir, sans vraiment espérer un revirement. Je ne le crois pas. Vous croyez à la grâce de Dieu, à son amour. Vous êtes portés par son espérance, et c'est pour cela qu'éclairés par la parole, vous pouvez porter ce message d'amour et d'espérance. Et sans doute sera-t-il soulagement autant pour vous que pour le frère concerné.
Parmi les manuscrits qui nous sont parvenus de ce passage, il en est certains qui contiennent quelques mots de plus : Si ton frère a péché [contre toi]. Les commentateurs divergent sur le sens à donner à ce péché. S'agit-il comme le laisse supposer le texte qui suit, où Pierre demande combien de fois pardonner à celui qui m'a offensé, de péché contre soi, envers soi, ou bien de façon plus général de péché. Il est encore possible de trouver une autre piste. Le chapitre commence par le passage sur celui qui veut être le plus grand, et sur celui qui est une occasion de chute.
Et d'ailleurs, qui sommes pour détecter le péché, et
avertir son auteur ? Par nous mêmes, rien !
Seul, celui qui écoute la parole, la médite, peut
éventuellement le reconnaître. Celui-là seul aussi pourra
avertir avec l'amour de Dieu.
Je vous rappelle ce passage de la 2e épître de Paul à
Timothée, chapitre 3 versets 16 et 17 :
Toute l'Ecriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner,
pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que
l'homme de Dieu soit accompli et propre à toute bonne oeuvre.
Les versets 18 à 20 qui suivent ceux que je viens de commenter sont à situer dans le même contexte d'une écoute de la Parole, et d'un amour fraternel vécu. L'action de l'Esprit peut alors librement se manifester. Et le ciel et la terre seront en accord.
Je reprendrai donc deux versets pour vous rappeler ce qui m'a semblé
essentiel dans ces passages, en vous les laissant comme mots d'ordre :
Dans l'Evangile : S'il t'écoute, tu as gagné ton frère.
Et dans l'épître aux Romains : Ne devez rien à personne,
si ce n'est de vous aimer les uns les autres.
Amen.