Poitiers, 17 janvier 1999

Esaïe 49:1-6
1 Corinthiens 1:1-3
Jean 1:29-34

Voici l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. C'est la déclaration de Jean-Baptiste rapportée par l'évangéliste.

Nous allons nous pencher un peu ce matin sur cette déclaration de foi. Mais j'aimerais d'abord que chacun s'interroge sur la réponse à donner à la question que Jésus posait à ses disciples : Et vous, qui dites-vous que je suis ?

Qui est Jésus pour nous ? Sans réciter de catéchisme. Sans reprendre des formules connues. Qui est Jésus pour nous ? Qui est-il pour son église qui se réunit ici ? Pour quelles raisons sommes-nous venus ici ? Comment se fait-il que presque 2000 ans après sa venue sur cette terre, entre Jourdain et Méditerranée, il y ait encore des personnes qui se rassemblent sous son nom ? Comment se fait-il que nous éprouvions le besoin de nous déplacer au temple, au lieu de paresser au lit ? Au lieu de bricoler ? Au lieu de faire du vélo ? Qui est-il donc, que nous soyons ici maintenant ? Qu'est-ce que nous cherchons ? Comment se fait-il que nous donnions une part de nos revenus pour son église ? Pour la famille, d'accord. Pour les pauvres, soit. Mais pour un homme mort il y a si longtemps... Qui cela peut-il bien être ? Il y a vraiment là quelque chose de pas ordinaire, de pas normal. Il faut que ce soit, que ç'ait été quelqu'un de bien exceptionnel pour ça.

Je répète donc ma question, à vous, à moi : Qui est Jésus ? Est-il quelqu'un de proche, ou d'étranger ? Fait-il partie de notre vie intime, ou bien est-il une référence lointaine ? Est-il quelqu'un qui nous connaît, et que nous connaissons, ou reste-t-il un puissant respectable hors d'atteinte ? Qui donc est-il ?

Qu'a-t-il bien pu se passer dans notre existence, quel événement personnel a bien pu nous amener à avoir ces relations avec lui, qui font que ce matin, nous sommes là ? Quelle recherche, quelle découverte nous a conduits à établir ce contact avec lui, et avec ceux qui ont aussi un contact avec lui ? Qu'est-ce qu'il a bien pu représenter à un certain moment de notre existence pour que maintenant il soit incontournable dans notre vie ? Qui donc est-il ?

Se pourrait-il que l'un ou l'autre vienne ici par habitude, par désoeuvrement, parce que le dimanche on vient au culte, parce que c'est comme ça ? Mais alors, qui est Jésus ?

Se pourrait-il que l'un ou l'autre vienne ici parce qu'il le faut, parce que sinon on ne sait pas ce qui risque d'arriver ? Mais alors, qui est Jésus ?

Pourquoi est-ce que des personnes passent une partie de leur temps à préparer ce temps ensemble ? Comment se fait-il que j'ai pris le temps de regarder ces textes anciens, de réfléchir, et de rédiger ce que je vous dis ce matin ? Qui donc est ce Jésus, pour que je vous en parle encore ce matin, pour que vous vouliez encore entendre parler de lui ?

Je vais laisser chacun répondre pour lui-même. Peut-être cette réflexion amènera-t-elle encore plus de proximité avec lui. Qui donc est ce Jésus, qui nous amené ici ce matin ?

Revenons donc à Jean-Baptiste, ce prophète qui annonçait la venue d'un autre, du Messie, du Christ, de l'oint de Dieu, celui qui se définissait comme la voix qui crie, qui annonce, celui qui baptisait d'eau, du baptême de repentance. Il voit Jésus, et il dit de lui : Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde.

Pour Jean-Baptiste, dont la vie était l'annonce d'un autre, Jésus est quelqu'un de vraiment important, c'est sa raison d'être. Sa vie était de préparer le chemin du Christ, et il est là. Il était charger de préparer Israël à le recevoir.

Mais en y pensant bien, c'est aussi notre tâche. Nous avons à préparer ceux qui nous entourent à la rencontre avec cet homme-là. Nous avons à les conduire au contact du Messie. Il est aussi venu pour eux, comme pour nous. Est-ce que nous prenons notre rôle de Jean-Baptiste, de voix qui crie dans le désert, de celui qui déclare à qui veut l'entendre : Voici l'Agneau de Dieu ? Est-ce que nous sommes à ce point de vue des Jean-Baptiste.

Voici l'Agneau de Dieu. Voilà une image qui ne parle guère aux citadins de nos latitudes, quand cela avait pour une civilisation d'éleveurs du Proche Orient une foule de connotations. Dans l'Ancien Testament, on retiendra essentiellement deux images associées à l'agneau, l'agneau de la Pâque, de la sortie d'Egypte, et l'agneau qu'on mène à la boucherie dans le prophète Esaïe.

Un dessin animé sorti cet hiver, le Prince d'Egypte, raconte la vie de Moïse. Il est certes un peu romancé. Il représente Dieu bizarrement, Il s'arrête au début de l'Exode. Mais il représente l'épisode de l'agneau. Je pense que vous souvenez tous de l'événement. La dernière plaie va frapper les Egyptiens, tous les premiers nés mâles, hommes et animaux, vont mourir. Sauf dans les maisons où les montants des portes auront été badigeonnés du sang d'un agneau. Il fallait alors, en mangeant cet agneau se tenir prêt à partir.

Cet agneau sacrifié avait sauvé la vie des premiers nés israélites, et était le signe de la délivrance, de la libération de l'esclavage en Egypte. Chaque année, de la même façon on tuait un agneau et on le mangeait prêt à partir, en commémoration.

L'autre image à laquelle on peut penser est celle du Serviteur dans le livre du prophète Esaïe. Tout particulièrement le chapitre 53 :

1 Qui a cru à ce qui nous était annoncé? Qui a reconnu le bras de l'Eternel?

2 Il s'est élevé devant lui comme une faible plante, Comme un rejeton qui sort d'une terre desséchée; Il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, Et son aspect n'avait rien pour nous plaire.

3 Méprisé et abandonné des hommes, Homme de douleur et habitué à la souffrance, Semblable à celui dont on détourne le visage, Nous l'avons dédaigné, nous n'avons fait de lui aucun cas.

4 Cependant, ce sont nos souffrances qu'il a portées, C'est de nos douleurs qu'il s'est chargé; Et nous l'avons considéré comme puni, Frappé de Dieu, et humilié.

5 Mais il était blessé pour nos péchés, Brisé pour nos iniquités; Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, Et c'est par ses meurtrissures que nous sommes guéris.

6 Nous étions tous errants comme des brebis, Chacun suivait sa propre voie; Et l'Eternel a fait retomber sur lui l'iniquité de nous tous.

7 Il a été maltraité et opprimé, Et il n'a point ouvert la bouche, Semblable à un agneau qu'on mène à la boucherie, A une brebis muette devant ceux qui la tondent; Il n'a point ouvert la bouche.

8 Il a été enlevé par l'angoisse et le châtiment; Et parmi ceux de sa génération, qui a cru Qu'il était retranché de la terre des vivants Et frappé pour les péchés de mon peuple?

9 On a mis son sépulcre parmi les méchants, Son tombeau avec le riche, Quoiqu'il n'ait point commis de violence Et qu'il n'y ait point de fraude dans sa bouche.

10 Il a plu à l'Eternel de le briser par la souffrance... Après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché, Il verra une postérité et prolongera ses jours; Et l'oeuvre de l'Eternel prospérera entre ses mains.

11 A cause du travail de son âme, il rassasiera ses regards; Par sa connaissance mon serviteur juste justifiera beaucoup d'hommes, Et il se chargera de leurs iniquités.

12 C'est pourquoi je lui donnerai sa part avec les grands; Il partagera le butin avec les puissants, Parce qu'il s'est livré lui-même à la mort, Et qu'il a été mis au nombre des malfaiteurs, Parce qu'il a porté les péchés de beaucoup d'hommes, Et qu'il a intercédé pour les coupables.

C'est un passage bien connu. Il illustre ce que les apôtres ont compris de Jésus par la suite.

Nous proclamons que le salut que Dieu nous offre, il l'offre gratuitement. Il n'y a rien de spécial à faire. Au temps de l'Ancienne Alliance, les Israélites devaient faire matin et soir des sacrifices pour le péché. Nous allons essayer de comprendre quelles étaient les fonctions de ces rites.

Je vous propose d'abord une réflexion sur le rite, en général, sur ce qui fait qu'une société est vivable, qu'il est possible de vivre, de transmettre des choses sans forcément parler. Une réconciliation se termine généralement par une accolade, des embrassades, une poignée de main, un petit cadeau. Ce ne sont pas eux qui font la réconciliation, mais ils la signent, ils la manifestent. Et sans eux, elle n'est pas effective, elle n'est pas apparente, elle n'existe pas.

A l'inverse, combien de personnes sont offusquées, offensées, quand un rite n'a pas été accompli. Un simple "Bonjour, comment ça va?" et le contact est établi. Une réponse qui tarde, un remerciement oublié, et voilà une relation brisée, souvent involontairement.

Les Israélites devaient offrir un sacrifice matin et soir. Pourquoi ce rite ? Le terme théologique que l'on trouve est celui d'expiation. Le péché est expié, c'est à dire couvert. Mais en fait, qui couvre le péché ? Qui pardonne ? Jésus nous donne la réponse : seul Dieu a le pouvoir de pardonner les péchés. C'est donc lui qui couvre les péchés. Mais alors, pourquoi ces sacrifices ? Parce que le sang est un signe très fort. Il l'était encore plus dans les temps anciens. Le sang c'est le liquide de la vie, c'est la vie. Et le péché c'est la mort, le péché mène à la mort. Il faut une vie pour ramener à la vie. Le fait de sacrifier, ou de faire sacrifier, un agneau ou un autre animal, signifiait la volonté de repentance, de retour, d'obéissance, de vie. Et c'était aussi un signe que Dieu donnait aux hommes, aux Israélites, que leurs péchés étaient alors expiés, couverts. Mais il fallait que cela soit renouvelé. Faiblesse humaine, ou manque de foi dans la grâce de Dieu, ou grâce de Dieu alors inimaginable ? Peut-être.

Mais alors, et la croix du Christ ? Pourquoi fallait-il qu'il meure ? Pourquoi a-t-il fallu aux hommes ce rite unique et total, ce sacrifice ultime, pour que l'humanité comprenne enfin, peut-être, la grâce de Dieu ?

L'amour est une chose difficile à faire comprendre, et on s'y prend souvent très très mal. On a souvent entendu en vrai ou au cinéma l'expression qui en général indique un échec "je me suis saigné aux quatre veines pour toi." Vous voyez ce que je veux dire. Pour que les hommes commencent à comprendre, il a fallu à Dieu que son sang, celui du Messie, celui de son Fils, celui de l'Agneau de Dieu, coule vraiment. Il a fallu ce sacrifice pour que les hommes comprennent que leurs péchés sont couverts, expiés. Il a fallu que Jésus donne sa vie, pour que les hommes comprennent que leurs comportements mènent à la mort. Dieu par Jésus a partagé la vie des hommes, et même leur mort, celle où les mènent leurs péchés.

Et voilà que, dès lors, les hommes n'ont plus à accomplir leur part. Plus aucun autre sacrifice. C'est fini, tout est accompli. Aucun autre rite pour le pardon des péchés. Jésus est mort sur la croix. Et même plus, autre signe très fort, il est ressuscité. Il est vivant. Mais, vous connaissez nos contemporains, vous vous connaissez vous-mêmes. Combien il est difficile de comprendre le pardon, combien il est difficile d'admettre que le pardon gratuit, sans contrepartie, puisse exister. Ce n'est pas très valorisant de n'avoir rien fait pour le mériter. Mais telle est la grâce de Dieu.

Mais alors, quel est le sens du baptême, de celui que Jean pratiquait, de celui que l'église pratique ? C'est le signe double de l'amour de Dieu donné, et de l'amour de Dieu reçu. Il ne signifie pas que le pardon des péchés apparaît à ce moment-là, mais bien qu'il précédait le geste, le sacrement, que Dieu est celui qui précède.

Et notre Sainte Cène. Elle n'est pas un sacrifice. Elle est la commémoration de ce sacrifice final, l'annonce de la grâce de Dieu. Elle est communion entre tous les rachetés. Elle est aussi louange à Dieu, qui nous permet de vivre libérés du péché et de la mort.

Oh, bien sûr, nul n'est parfait. Il nous arrive de pécher encore. Mais nous savons que si nous nous tournons vers lui, il "est fidèle et juste pour nous pardonner".

Et d'ailleurs ce Jésus, l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde, il est beaucoup plus. Il est devenu pour chacun de ceux qui ont choisi de le suivre, un ami, un compagnon, celui qui un jour nous a fait comprendre : "je t'aime, je suis mort et ressuscité pour toi, et je suis avec toi tous les jours de ta vie."

Mais pardon, je commence à répondre à ma question du début. Je préfère que chacun réponde pour lui. Je vous laisse donc avec ce message de Jean-Baptiste, à transmettre : "Voici l'Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde".

Amen.

(Philippe Cousson)

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