2 Tim 4:6-8,16-18
Luc 18:9-14
Ps 5
"J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi". Paul est ici un ancien, qui écrit à un jeune, à son "fils" spirituel. Je suis sans doute bien jeune moi-même pour commenter ce texte. Je n'ai pas la respectable expérience de celui qui a traversé des tas de circonstances, dans lesquelles sa foi a été mise à l'épreuve. Non, il me reste, je l'espère, encore beaucoup d'années à vivre, beaucoup d'occasions de confronter ma foi à la vérité de la vie. Et cependant j'oserai ce matin commenter ce passage, et méditer avec vous sur la vie, son sens et son importance.
La vie... Ah ! la vie. Qu'est-ce que la vie ? Même les scientifiques n'arrivent pas à la définir. Elle est d'une telle variété dans la nature. Et pourtant la vie et la matière sont deux choses différentes. Et notre vie, quelle est-elle ? C'est la vie, notre propre vie qui a pu nous mener ici. Sans notre vie, nous ne serions pas là. Nous n'existerions même pas. Et celui que l'on amène ici quand la vie l'a quitté, est-il alors vraiment ici ? L'avons-nous faite, notre propre vie, l'avons-nous méritée ? Non, bien sûr, c'est un don que nous avons tous reçu. D'ailleurs certains penseront que cette vie reçue n'est pas toujours un cadeau. Mais qui le pense, celui qui vit, ou celui qui regarde vivre ? Nous sommes donc tous ici dotés d'une vie, qui est un don de Dieu.
Mais ce don de Dieu est un peu particulier, en ce sens qu'il est à durée limitée, au moins en ce qui concerne la vie "terrestre". Et, pour chacun, ce n'est pas une chose évidente à accepter. On partira, et voilà que le monde lui continuera de tourner, sans celui qui part. On vivait, on participait à la vie du monde, et puis pfuit ! plus rien, et cependant le monde continue. Mais alors qu'est-ce qu'on était avant ? C'est vraiment particulier de vivre. On vit, puis on ne vit plus. Autour de nous, des gens, des amis, des parents, vivent, font partie de notre vie, et puis ils ne vivent plus, et le monde se réorganise sans eux.
Mais alors qu'étaient-ils, que leur absence porte si peu à conséquence, passé le deuil ? Que faisaient-ils, que leur disparition ne nuise pas au fonctionnement du monde, même si elle peut briser la vie de quelques uns ?
La vie que Paul est prêt à quitter n'est que la vie de l'enveloppe terrestre. Et pourtant, que de dégâts, quand une telle vie s'en va. Car il y a ceux qui restent, même croyants. La douleur n'est pas étrangère aux disciples de Jésus. Jésus a pleuré devant la tombe de Lazare. Sans parler des vies gâchées par la bêtise ou la violence, par la haine ou l'indifférence, par la trouille ou la cupidité, par la guerre ou l'irresponsabilité.
Paul a le sentiment d'avoir achevé son oeuvre. Il s'estime prêt à quitter ce monde. Il estime que sa tâche est terminée. Mais sa pensée est-elle celle de chacun d'entre nous ? Avons-nous vraiment accompli ce que nous avions à faire. N'avons-nous pas tendance à penser que nous sommes indispensables ? Qu'il reste toujours quelque chose à faire, que nul autre ne saura faire ?
Ou alors, ayant perdu du temps par ailleurs, nous ne sommes peut-être pas en règle avec notre conscience pour ce qui est de l'oeuvre qu'il nous fallait accomplir ? La limite de la vie donne une valeur immense au temps. Le temps qui passe, qui fuit, qui s'enfuit, qui file entre les doigts, le temps perdu, gâché.
Notre vie est-elle marquée de satisfaction, comme celle de Paul, ou d'insatisfaction, de frustration, d'échecs, de regrets, de ratages. Où en sommes-nous, à la liste des occasions manquées, à la liste des erreurs, ou peut-être à la liste des réussites, des triomphes, ou plutôt à la liste des victoires de Dieu, à la liste des signes de sa grâce, dont il a jalonné notre vie.
Car enfin, cette vie, qui est la nôtre aujourd'hui, nous a été
donnée par deux fois, une fois avec la vie "biologique", une autre fois
avec la vie "spirituelle". Et celle ci contrairement à la première
est sans fin. "Je crois à la vie éternelle" dit le crédo.
Ayant reçu une nouvelle vie, nous sommes aussi passés par une
première mort, déjà, c'est fait. Par une mort à
nous mêmes, à ce qui fait l'orgueil ou la désesperance de
la vie humaine. Finie le souci de ce qui suit, Dieu est en charge de tout. Je
suis responsable tant que je suis là, s'Il me retire d'ici-bas, Il me
retire aussi de ma responsabilité. Si j'étais engagé dans
une tâche, l'importance de celle-ci est celle qu'Il lui donne. Le travail
que je fais est celui qu'Il me confie. "Que ta volonté soit faite" dit-on.
Cette autre vie que nous avons reçue obéit à une autre
logique. Nous sommes participants d'une autre vie, qui dépasse celle-ci.
Notre espérance n'est pas limitée à notre monde, à
notre temps. Les services auxquels nous sommes appelés, qui concernent
les vivants autour de nous, qui concernent leurs besoins tant matériellement
matériels, que psychologiques et spirituels, remplissent notre vie. Ils
ne sont pas nos buts ultimes, ils ne sont que des obéissances quotidiennes,
dans la perspective d'une espérance lointaine, lointaine mais déjà
présente en nous, car si nous rencontrerons le Christ dans le Royaume
à venir, nous le rencontrons tous les jours. Il est avec nous, dans la
prière et l'étude de la Parole, dans la méditation et dans
l'action, dans l'intimité de notre vie spirituelle personnelle. "Ce n'est
plus moi qui vit, c'est Christ qui vit en moi" dit Paul.
Mais combien de gens autour de nous ont-ils une vie vide, vide de sens, vide d'objectif. Sans parler de ceux que le desespoir pousse à des actes qui sont autant de cris : "dites-moi que je vis, que j'existe, que je vaux quelque chose", actes qui nous stupefient, la drogue, la violence, le saut hors de ce vide, vers un autre vide. Quelle réponse donner à ces désespérés ? Est-ce le spectacle de la futilité, de la vie gratuitement dissipée, ou alors de l'orgueil et de l'aveuglement qui peut les persuader que la vie c'est formidable. A moins bien sûr que la vie ne soit pas si formidable que ça pour vous. A moins que la mort de Christ sur la croix ne vous ait pas apporté ce sens à la vie qui a conduit des milliers de chrétiens durant des siècles, faisant de leur vie un chant d'espérance. Si votre vie est limitée aux choses de ce monde, aux gens de ce monde, alors il se pourrait en fait qu'elle soit vide, et que le vertige devant ce vide vous prenne à un moment ou à un autre. Alors vous vous rapellerez peut-être le Christ en croix, le tombeau vide, la foi l'espérance et l'amour. Mais cette vie, la nouvelle, celle remplie d'espérance, n'est pas pour plus tard, elle est LA vie, pour ici et maintenant.
Qu'est-ce donc que cette vie chrétienne qui est la nôtre ? Comment
se manifeste sa plénitude, l'espérance qui l'anime ? Qu'aperçoit-on
de cette vie-là autour de nous ? Quels signes donnons-nous de l'étrangeté,
au sens de la physique, de la différence de notre vie ? Notre vie doit-elle
être toujours sérieuse, à en être ennuyeuse, donc
pas attractive du tout. Je ne le crois pas. Notre vie n'a pas à être
rébarbative, elle doit être fidèle, simplement fidèle,
dans les petites et les grandes choses, dans l'humour ou la gravité,
et le passage vers l'autre côté ne sera rien qu'un passage, naturel,
prévisible, même s'il nous révolte encore.
Vous pensez peut-être que la vie chrétienne à laquelle j'ai
fait allusion, que la vie spirituelle que j'ai mentionnée, est un idéal,
un but, un objectif à atteindre. Certes, mais c'est aussi une promesse
faite. "Je suis avec vous tous les jours". Prenons donc à bras le corps
les promesses que Dieu nous donne, remplissons notre vie de son espérance,
vivons cette vie qu'il nous a donné et qui n'a pas de fin, et disons
comme Paul : "je cours vers le but"
Amen.