Poitiers, 28 décembre 1997

1 Samuel 1:20-28
1 Jean 3:1-2,21-24
Luc 2:41-52

Il y en a sans doute parmi nous quelques-uns qui se souviennent de ce groupe de jeunes, arrivé d'Amérique et qui chantaient leur foi sous le nom d'Enfants de Dieu : Redevenez un petit bébé. Une chanson sur la nouvelle naissance dans les hit-parades, cela n'est pas fréquent. Oui, mais voilà, et vous vous en souvenez aussi sans doute, que leur leader a mal tourné. Il a pris la grosse tête, puis a raconté n'importe quoi, se prenant pour la nouvelle parole de Dieu, et tout cela a fini en secte aux moeurs plus que légères, sous prétextes d'évangélisation.

Et, pendant les années qui ont suivi, il valait mieux que les églises ne revendiquent pas ce titre d'enfants de Dieu, tant l'image qui s'attachait cette expression était marquée par ce groupe devenu secte. Je ne sais pas s'il existe encore. Il avait depuis pris le nom de "La Famille".

Laissons de côté cet épisode de notre histoire récente, et penchons-nous sur ces passages de la première épître de Jean qui nous disent que nous sommes enfants de Dieu.

Qu'est-ce à dire ? Un peu audacieux, non ?
Et pourtant Jean l'affirme, et il n'est pas le seul. Nous sommes enfants de Dieu, nous qui croyons en Jésus Christ. Nous sommes enfants de Dieu. Et même plus. Les enfants de Dieu, que nous sommes, ne sont plus des enfants. Je m'explique. Le sens du mot serait plutôt prendre non pas en terme d'âge, mais en terme de filiation. Nous sommes enfants non pas en tant que nous serions jeunes, juvéniles, mais bien parce que Dieu nous reconnait comme ses enfants. Il nous a adoptés. Il a fait de nous, de chacun d'entre nous, l'un de ses enfants. Je prendrai à témoin Paul, qui par deux fois place la même expression dans la bouche du croyant : dans Romains 8:15 : "Et vous n'avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte; mais vous avez reçu un Esprit d'adoption, par lequel nous crions, Abba ! Père !" et dans Galates 4:6 "Et parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son Fils, lequel crie, Abba ! Père !"

Nous sommes vraiment les enfants de Dieu. Mais comment cela est-il possible ? Qu'est-ce que j'ai fait pour ça ?
Rien ! L'Amour de Dieu est premier. C'est Dieu qui m'a aimé. Il m'a aimé le premier, avant même que je ne m'intéresse à lui, avant même que je n'aie la possibilité de m'intéresser à lui. Jean commence ce passage en s'émerveillant de l'amour de Dieu : "Voyez combien le Père nous a aimé ! " Et le pire, ou le meilleur comme vous préférez, c'est que nous n'y sommes pour rien. Il nous a aimé, sans raison apparente, sans que nous ne méritions cet amour de quelque façon que ce soit. Ni par nos ancêtres, ni par nos actions, ni par nos paroles, ni par nos prières, ni par celles d'un autre. Non, Dieu nous a tout simplement aimés. Et voilà, nous sommes enfants de Dieu. Il nous a adoptés, nous sommes ses héritiers.

Oh ? Vraiment ? Vous êtes sûr ? Rien à faire ? Pas de rite ? pas d'étape ? Pas de parole à dire ? Pas de geste à faire ? Pas de justificatif à présenter ?
Effectivement, pour être enfant de Dieu, il n'y a rien à faire de particulier. Pour devenir enfant de Dieu, il n'y a pas de formalité. Pas de passage devant quelque ministre du culte ou officier d'état civil. C'est cela, l'Amour de Dieu. Imposible de le mériter. Inutile de chercher à le mériter, à l'acheter, à se racheter.

Mais alors, comment le devient-on ?
Quelqu'un parmi nous doute-t-il de son état d'enfant de Dieu ? Y a-t-il quelqu'un qui se dise : oui, eux peut-être, mais pas moi ?
Où en es-tu, mon frère, de tes rapports avec Dieu ? Qui est-il pour toi ? Est-il ce Père sévère et juste qui comptabilise les écarts de conduite ? As-tu pensé qu'il soit vraiment ce père-là ? Réfléchis ! Ne serait-ce pas plutôt toi, qui tiens cette comptabilité affligeante ? Toi qui conserves devant tes yeux tout ce qui, crois-tu, te sépare de Dieu. As-tu pensé que Dieu pourrait ne pas être ce père-là ? Ne peux-tu pas imaginer un père qui aime, qui aime quoiqu'il arrive ? C'est au-dessus de tes forces, de penser que Dieu puisse t'aimer, toi, non pas ce que tu fais, ce que tu as fait, ni même ce que tu pourrais faire, mais simplement t'aimer, toi ? D'ailleurs, t'aimes-tu toi-même ? Si, comme avec les apôtres, je te l'affirme, tu as de la valeur aux yeux de Dieu, se peut-il que tu n'en aies pas, ou peu, à tes propres yeux ?

Se peut-il que tu puisses penser accumuler des bons-points avec des bonnes actions, en obéissant scrupuleusement aux commandements, à la loi de Dieu ?
Mais, non, voyons, la loi n'est pas là pour nous juger, elle est là pour nous montrer où est Dieu, pour nous conduire à Jésus Christ. Elle est comme le pédagogue, qui dans la Grèce antique conduisait l'enfant à l'école, elle est comme le précepteur qui formait l'enfant avant son entrée dans le monde des adultes. Elle n'est pas là pour exclure, pour rejeter, elle est là pour guider.

Et pourtant, à la fin du chapître, on nous rappelle les commandements de Dieu. Voyons d'ailleurs, quels sont-ils ? Croire au nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres. Pas facile d'en établir une comptabilité, de ceux-là. Mais alors, si ces commandements ne sont pas là pour être scrupuleusement comptabilisés, pour justifier une adoption, pour valider une descendance, à quoi peuvent-ils bien servir ?
Leur rôle n'est pas de nous permettre de devenir enfant de Dieu, ils sont simplement là pour nous indiquer ce qu'est la vie des enfants de Dieu. Oh, certes, la perfection n'est pas humaine, mais voilà ce qu'est la vie d'un enfant de Dieu.

Oui, peut-être, mais, je n'y suis pas encore à ce stade ! Je suis loin de les satisfaire entièrement ces commandements, sans oublier les autres, les dix et tous les autres, les divins et les humains. Et je serais quand même enfant de Dieu ?

Voyons, est-ce que Dieu change, lui ? Son amour change-t-il ? Dépend-il de notre zêle, de notre fidélité ? Est-ce que l'Eglise est le rassemblement des justes ? Est-ce que l'Eglise est le rassemblement des parfaits ? Qui croit cela ? Non, l'Eglise est le rassemblement des enfants de Dieu, des pécheurs pardonnés, des pécheurs remis sur le droit chemin, de ceux que Dieu aime, et qui savent que Dieu les aime, fidèlement, plus fidèlement qu'ils n'en sont capables.

Mais alors, faut-il faire comme si ? Pas vraiment ! Il ne suffit pas de se dire, je suis enfant de Dieu, et vivre de la même façon qu'avant. La vie d'enfant de Dieu n'est pas une vie ordinaire. Mais, aucun croyant n'est parfait, et celui qui le prétendrait mentirait. Et Jean nous dit, au début de cette même épître (1:9) Si nous confessons nos péchés Dieu, (...) Il nous pardonnera nos péchés et nous purifiera de tout mal. Et il ajoute un peu plus loin, (2:1) Et s'il arrive quelqu'un de pécher, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste. L'Amour de Dieu reste le même.

Le verset 21 nous livre un passage étrange, surtout après ce que je viens de dire : Si notre coeur ne nous condamne pas, nous avons une pleine assurance devant Dieu. Mais, justement, voilà le hic pour plusieurs, notre coeur nous condamne, ou bien nous plonge dans le doute. Mais regardons au verset précédent, que les listes de lecture n'ont pas retenu pour aujourd'hui : "Si notre coeur nous condamne, nous savons que Dieu est plus grand que notre coeur".
Alors, mes frères, mes soeurs, au lieu de regarder toujours et sans arrêt à nous mêmes, à nos fautes et à nos imperfections, regardons à Christ, regardons à l'amour de Dieu. Il est fidèle.
Mais, attention, pour parler comme les enfants, c'est aussi pire de regarder à soi pour y admirer ce qui est bien. Regardons à Christ, regardons à l'amour de Dieu. Voyez combien le Père nous a aimés !

Tout ceci peut paraître encore compliqué, fumeux, à certains. Jean en convient au verset 2. Mais il nous parle alors d'un thème qui revient à travers le Nouveau Testament, le retour de Christ : "lorsqu'il paraîtra, que nous le verrons..." Car si le chrétien place sa foi en Dieu, en Jésus-Christ, s'il aime les autres enfants de Dieu, s'il aime son prochain, s'il a souci pour le monde, son espérance est en fin de compte ailleurs, dans le retour de son Seigneur, là où tous les comptes mesquins disparaîtront.

Ah ! Il vient pour la premire fois de mentionner "le monde". Il vient de parler d'amour pour le prochain, de souci pour le monde. Beaucoup parmi les croyants font de ceci quasiment l'essentiel de leur vie de croyant. Ce n'est pourtant pas ici le souci de Jean. Je relis la fin du verset 1 : Voici pourquoi le monde ne nous connait pas : il n'a pas connu Dieu. Que faire du monde dans la vie du chrétien ? Un enfant de Dieu est-il encore un enfant du monde ? De quel monde ?

Qu'est-ce que constate Jean ? La même chose que nous : que le monde, en général, n'a pas grand chose à faire de Dieu, que même ce serait plutôt un gêneur, un empêcheur de tourner en rond. Et que d'ailleurs, les chrétiens, quand ils se comportent comme ils devraient le faire, sont aussi souvent des empêcheurs de tourner en rond.

Et Dieu, lui, comment est-il vis vis du monde. Vous connaissez tous ce verset de l'évangile de Jean, (3:16) : "Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle." Dieu aime aussi le monde. Le monde n'est-il peuplé que d'enfants de Dieu alors ? Apparemment pas ! Et Jean d'abonder dans ce même chapître en donnant quelques critères pour distinguer les enfants de Dieu de ceux qui ne le sont pas. Qui connaît la pensée de Dieu ? On l'imagine, on la rêve. Cherchons à la comprendre un peu mieux en nous penchant sur sa Parole, qui peut parfois sembler porter des contradictions.

Et nous, maintenant ?
Nous sommes à la charnière de deux années. Oh, les jours de 1998 ne seront pas tellement différents de ceux de 1997. Mais c'est toujours une bonne occasion de revoir le passé, et de prendre des résolutions, des décisions qui engagent l'avenir.

D'abord, cesser de compter, de calculer, de jouer les comptables, les actuaires, avec Dieu. Sur nos livres ne doivent figurer ni nos dettes (nos offenses, nos péchés), ni nos mérites, seulement l'Amour de Dieu manifesté en Jésus Christ.
Ensuite, vivre en enfant de Dieu, croire au nom de son Fils Jésus Christ, et nous aimer les uns les autres.

Je voudrais terminer pour celui qui, ce matin, doute encore être enfant de Dieu. A celui-là, je répète : Dieu t'aime. Il t'appelle "son enfant". Que fais-tu de cet appel ? Vas-tu encore vouloir tenir à jour ta comptabilité sordide, ou bien vas-tu accepter le fait que Dieu t'aime, qu'il t'attend comme un père attend son enfant ?
"Voyez combien le Père nous a aimés ! Son amour est tel que nous sommes appelés enfants de Dieu - et c'est ce que nous sommes réellement !"

Amen.

(Philippe Cousson)

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