Poitiers, 16 novembre 1997

Daniel 12:1-3
Hébreux 10:11-18
Marc 13:24-32

Le plus souvent, la prédication suit les listes de lectures bibliques, qui sont communes à la plupart de nos églises. Nous nous approchons du temps de l’Avent, du temps de l’attente de Noël. Et durant cette période, nous sont proposés des textes qui nous parlent des derniers temps, des temps de la fin. Dimanche prochain est indiqué comme le dimanche du Christ Roi. Nous voici donc avec un récit eschatologique, avec ce que l’on appelle parfois les apocalypses des Evangiles.

Le texte de Marc commence par ces mots : En ces jours-là. Les contes de fées commencent par des expressions du style : Il était une fois, ou Un jour. Ils décrivent des périodes imaginaires, censées s’être passées dans un lointain ailleurs et autrefois. Ici, la formule est autre, démonstrative, pas indéfinie. En ces jours-là. Il ne s’agit pas de quelque récit se situant dans un imaginaire, une sorte de récit d’anticipation, de fiction. En affirmant En ces jours-là, l’évangéliste Marc insiste sur la certitude qui emplissait les paroles de Jésus. Ces jours-là viendront.

On s’aperçoit maintenant que ce futur, cet avenir, ces jours-là, ont déjà eu une manifestation et en attendent une autre. En lisant l’ensemble de ces passages, on ne peut pas ne pas penser à la chute de Jérusalem, prise par Titus vers l’an 70. Mais il reste des éléments qui ne correspondent pas, qui ne collent pas. Il y a un autre En ces jours-là, et qui lui, est encore à venir. Il s’agira du jour du retour en gloire de Christ.

Plusieurs passages de nos écritures, de la Bible, nous parlent de ce moment-là. Et les interprétations variées abondent. Un passage de l’Apocalypse parle d’une période de 1000 ans de règne, appelé le Millénium. Certains situent le retour du Seigneur avant, d’autres après, d’autres enfin pensent qu’il n’y aura pas de millénium. Chacun a des arguments solides, basés sur les textes. Mais aucun ne nie que Christ reviendra. Des livres, beaucoup de livres ont été écrits pour commenter les temps de la fin, avec des opinions souvent différentes, mais tous le disent, le Seigneur Jésus-Christ reviendra. Son retour sera glorieux. Tout oeil le verra.

Comment sera-t-il accueilli ? Pensez-vous que le monde entier sera heureux de le voir arriver, non plus modeste, dans une étable discrète, mais au vu et au su de tout le monde ? Croyez-vous qu’il ne se trouvera personne pour le rejeter ? Pensez-vous qu’il sera plus facile d’accueillir un Christ vainqueur, que cela l’est maintenant de l’accueillir dans sa vie, humble et aimant ? Je pense, mais vous pouvez avoir un avis différent, que le sentiment que chacun aura envers le Seigneur la seconde d’avant, ne sera pas inversé par cet événement, mais bien plutôt exacerbé.

Le passage où Jésus parle de l’image du figuier a amené plusieurs à reconnaître dans le figuier le peuple d’Israël, et à dire que le retour est très proche, car Israël a retrouvé sa terre. Mais il est aussi possible de ne reconnaître qu’une image, qui dit qu’il faudra identifier les signes de catastrophes naturelles annoncées, comme les signes du retour proche. Et des catastrophes naturelles, notre écran de télévision n’en manque pas, sans parler de celles provoquées par l’homme. Alors, Quand ? Bientôt
Voilà posés quelques considérations générales et théologiques élémentaires. Et alors ? Pour nous, dans notre vie quotidienne, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire, impliquer ? En quoi cela concerne-t-il la vie chrétienne ?

En fait, la vie chrétienne, c’est la vie qui se déroule entre les deux grands jours, entre le sacrifice parfait dont nous parle l’épître aux Hébreux et le retour en gloire dont nous parle l’évangile de Marc, entre la croix (avec la résurrection) et la parousie (c’est à dire l’avènement du Seigneur). Savoir ceci conduit à quelques conséquences, que nous allons essayer de trouver.

Du jour ou nous entrons dans cette vie chrétienne, du jour ou nous avons été saisis par le Saint Esprit qui révèle Dieu, du jour ou son amour nous a éblouis, du jour ou nous avons reçu ce salut, jusqu’au jour ou il reviendra, ou bien jusqu’au jour ou nous quitterons cette terre, jusqu’au jour de sa gloire, ou jusqu’au jour de notre mort, nous vivons de la vie qu’il nous a donnée, une vie de liberté et d’amour, d’écoute et de paix intérieure, en principe.

Alors, il ne faut pas que nous vivions comme si le Christ n’était pas venu, comme s’il n’avait pas vécu en Palestine il y a presque 2000 ans, comme s’il n’était pas mort en croix puis ressuscité le troisième jour. Il ne faut pas vivre comme si Dieu n’était pas un Dieu d’amour, comme s’il n’avait pas manifesté son amour par Jésus-Christ. Il ne faut pas vivre comme s’il n’y avait pas de pardon, comme si le pardon n’était pas possible, comme s’il pouvait rester des choses impardonnables.

Il ne faut pas non plus vivre comme si le retour de Jésus n’avait pas lieu, comme s’il allait rester loin, loin des hommes et de la terre. Il ne faut pas vivre comme si le malheur, le péché et la folie des hommes allaient durer tant qu’il y aurait des hommes. Il ne faut pas vivre comme s’il allait toujours y avoir un lendemain, toujours un jour après l’autre, pour pouvoir faire et refaire et défaire, dire, redire et corriger, comme si aujourd’hui pouvait ne pas compter. Il ne faut pas vivre comme si toute erreur, toute bêtise, toute folie était toujours rattrapable un autre jour, plus tard.

Plus tard, voilà un des pièges à éviter. Il ne faut pas attendre pour vivre la vie chrétienne, elle n’est pas faite pour plus tard. Elle est faite pour maintenant. Elle n’est surtout pas faite pour après la mort, ou pour juste avant. Elle est faite pour maintenant. Je ne sais pas si vous connaissez ce verbe pas très courant : procrastiner. Il signifie exactement le sens de l’expression : remettre au lendemain ce que l’on peut faire le jour même, ou encore ce que signifie l’expression allemande : Morgen ist auch ein Tag, c’est à dire : demain est aussi un jour.

Le retour ne préviendra pas, seulement par les signes annonciateurs qui nous sont donnés. Il faudra les décrypter, mais nous n’aurons jamais ni le jour, ni l’heure, de même que nous ne connaissons ni le jour, ni l’heure de notre propre mort. Or, comme notre mort, le retour du Seigneur en gloire surviendra d’une façon soudaine, et surtout définitive. Il ne sera plus temps de réfléchir. Oui, je sais, cette parole est sans doute difficile à entendre  pour certains. Ce qui se passera après nous est en partie décrit dans la Bible, en partie seulement, et souvent par images. Nous sommes loin de tout en connaître, et surtout pas le sort de ceux qui la seconde d’avant n’avaient que faire de Jésus-Christ, de sa mort et de sa résurrection, de Dieu et de tout le tralala. Les hommes mangeaient, buvaient, se mariaient et mariaient leurs enfants...

Comme croyants, comme rachetés, comme envoyés, comme témoins, il nous faut vivre notre foi, notre salut reçu, comme s’il allait revenir demain. Et, c’est loin d’être facile ou évident.

Il ne faut rien laisser derrière nous qui n’aurait dû être fait, dit, réparé. Il ne faut pas avoir besoin de revenir en arrière. C’est une exigence qui, je le conçois et le vis tous les jours, est très difficile à remplir.

Et la réciproque n’est pas non plus simple. Il ne faut faire que ce qui en vaut la peine. Il reste à déterminer ce qui vaut la peine d’être fait, d’être vécu. C’est ce que l’on appelle : racheter le temps.

Jésus-Christ est venu dans l’histoire des hommes, il est entré dans ma vie, il reviendra bientôt, tout à l’heure peut-être. Comment vivre ? Comment déterminer ce qui vaut la peine d’être vécu, ce qui doit être vécu. Il nous a laissé, comme commentaire et résumé de toutes les écritures, Parole de Dieu pour nous, ces deux commandements : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de tout a force, et Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Nous avons là à mon avis une clé efficace, pour celui qui cherche véritablement et honnêtement à être guidé.

Pour aimer Dieu, il faut chercher à en approfondir la connaissance. Dieu s’est révélé à nous, il nous a manifesté son amour, il nous a donné la Bible. Ecoutons, méditons ce qu’il nous dit. Parlons-lui. La prière et l’étude de la parole, individuelles et collectives sont de bons moyens pour celui qui veut rester à l’écoute de Dieu, pour celui qui l’aime. Cela permet aussi d’éviter l’endurcissement, les raisonnements internes personnels fallacieux, qui permettent de justifier l’injustifiable.

Il faut aussi aimer son prochain. Il faut pour cela, le voir, le regarder. Nous sommes entourés d’hommes et de femmes, que nous voyons, dont nous entendons parler, dont nous n’entendons jamais parler. Et pourtant Dieu les aime tous. Et nous, les aimons-nous ? Les prenons-nous seulement en considération ? De quelle compassion sommes-nous animés envers eux ? Au point de les aider ? matériellement ? relationnellement ? Au point de leur parler de notre foi ? Au point de leur dire qu’ils peuvent aussi en vivre ? Vraiment ?

Mais, qui peut vivre ainsi. Sans l’aide de l’Esprit, ce n’est pas possible, et personne ne pourra se vanter d’y être parvenu. Mais aussi, à celui qui reconnaît ses faiblesses, Dieu est là pour pardonner, et pour redonner un nouveau départ. Ce n’est pas par hasard, si dimanche après dimanche, nous rappelons que le pardon de Dieu est acquis à celui qui se repent, que l’amour de Dieu est là, offert.

S’il arrive là, maintenant, comment l’accueillerons-nous, chacun ?
- “Mon Seigneur et mon Dieu !”
ou bien
- “C’est trop tôt, reviens demain !”
ou bien
- “Qu’est-ce que c’est encore que ça ?”
ou bien
- “Non, ce n’est pas possible !”
Ou bien
- “Malheur à moi !”

Comment donc vivre, en attendant ce jour, qui viendra peut-être demain, ou dans 10 ans, ou dans 10 siècles ?

Il a mis ses lois dans nos coeurs. Vivons-en.

Il a pardonné nos péchés vivons-en.

Amen.Maranatha !Viens, Seigneur Jésus !

(Philippe Cousson)

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